Xavier Niel est à la fois le sauveur national et l’homme qui envoie la France dans le IIIe millénaire, voire le quatrième. Qu’a-t-il fait pour cela (technique journalistique qui fait gagner une ligne et augmente la pige) ? Il a créé une station libérale futuriste sur terre qui va rendre jaloux les pauvres ringards de la Silicon Valley : « Station F ».
F comme Fairbanks, Fuck, Francis ? On sait pas trop, mais ça entretient le mystère. La presse nous apprend que le machin est le phare de la tech française. Alors la tech c’est la technologie, pas la technique, ce pauvre truc d’ouvriers déjà largués par la modernité.
Xavier 1er, sauveur du PIB
C’est Macron qui va inaugurer le campus situé Halle Freyssinet à côté de la gare d’Austerlitz, cette grande victoire française que nos politiques chiasseux persistent à ne pas rappeler ni enseigner dans les écoles. Napoléon est devenu fasciste ces dernières années par la grâce de nos historiens antifrançais.
« L’idée c’est de créer un lieu-phare qui aide les autres », explique Xavier Niel à l’AFP. « Un endroit très visible qui crée une image forte pour Paris », suffisamment grand et actif pour attirer l’attention au niveau mondial. Ouvert jour et nuit et peuplé de jeunes gens enthousiastes.
- Sheryl Sandberg de Facebook, Roxane Varza de Station F et Xavier Niel de Free
Traduction : les vieux sceptiques aigris peuvent aller se faire voir. Dans cette enceinte de 310 mètres, 200 start-ups auront leur place, et 1 000 y participeront, faute de place, via de gros partenaires : « Thales pour la cybersécurité, Facebook pour la data (les données informatiques), Microsoft pour l’intelligence artificielle, l’Institut du cerveau et de la moëlle épinière (ICM) pour la santé, le sud-coréen Naver pour le multimédia... » nous explique TV5 Monde. Des ogres qui sentent la jeunesse et l’enthousiasme, n’est-ce pas. Mais ne jouons pas aux antitech primaires : l’idée est de fédérer un tas de projets et de créer des passerelles entre tous grâce à la proximité. C’est drôle, les stars du monde virtuel se rapprochent physiquement au bout du compte…
Tout cela sent bon l’emploi, la marge brute, la place de la France dans le monde, tout ça. C’est sûr que c’est autre chose que les bassins d’emplois défoncés par la désindustrialisation, le chômage, les allocs, la dépression, l’alcool, le suicide, toute cette merde pas très glamour, pas très américaine. C’est justement le mot employé par la directrice Roxane Varza : « un campus à l’américaine ». D’ailleurs, tout sera en américain, comme les trois parties du paquebot : le create, le share et le chill. C’est-à-dire le boulot, l’espace commun et le divertissement. Et les chiottes ce sera le shit ? Il paraît même qu’il y aura des « fêtes ». Que les racailles qui s’arrosent avec les geysers à incendie se calment : ce sera pas la peine d’essayer de s’y incruster. C’est pas le même monde.
La marchandise tue
Bon ben voilà, merci Xavier, merci d’avoir mis 250 barres dans la Station F. La tech c’est bien, ça redonne de l’optimisme au pays. Mais la technologie peut aussi faillir. La semaine passée, une blogueuse infortunée est morte suite à l’activation d’une bombe à chantilly. Gag pour les uns, douleur pour la famille, symbole pour les autres. Cette vendeuse de fitness vantait les produits de la top modernité, les marques du mieux-être, la minceur, la jeunesse, finalement les mêmes trucs que Xavier Niel.
- Rebecca, glâbre et musclée, pose avec son gros chien poilu
Un gros plouc d’Oyonnax n’aurait eu aucune chance avec elle, ni avec Xavier. C’est cette France américanisée qui intéresse et excite les médias, pas la France qui fait honte, la France qui passe sous les radars, celle des paysans, des ouvriers et autres créatures pas très vendeuses. Pourtant là ça meurt aussi, même si ça ne fait pas que mourir (faut pas déconner non plus, on sait vivre en province !) : pendaison pour les paysans acculés à la ruine, suicide pour les employés qui ne peuvent pas suivre les accélérations du nouveau management venu d’outre-Atlantique… France Télécom hier, La Poste aujourd’hui, SNCF demain…
Il faudra peut-être que les employés déclarés obsolètes de ces anciens services publics se musclent et se foutent à poil pour séduire les investisseurs comme Xavier qui ne s’adressent qu’à une jeunesse souriante qui bouffe asian food...
La Kommandantur licencie un collabo
Mais ne déprimons pas, rien n’est foutu, la France en a vu d’autres, et comme dirait Pierre Hillard, le Ciel viendra nous aider (il faut qu’il se dépêche, on n’a pas le même rapport au temps nous les humains). La preuve, une première bonne nouvelle vient de tomber : Stéphane Guillon est viré de Salut Les Terriens !
- Le faciès satisfait de l’employé viré de la Kommandantur qui va devoir traverser les maquis en sortant...
En vérité c’est une demi-bonne nouvelle seulement car le sous-homme qui avait insulté Nicolas Dupont-Aignan entre les deux tours alors que ce dernier venait de perdre sa mère, se fait virer de la maison Canal (enfin de Hanouna TV) non pas pour des raisons morales, seulement parce que ce bouffon critiquait Bolloré et coûtait trop cher : 40 000 euros par mois minimum sans les droits d’auteur (que Bolloré ne paye d’ailleurs plus à la SACEM et autres maisons depuis octobre 2016). Finalement on peut dire que le capitalisme, sans le faire exprès, peut devenir moral.
Quant à Guillon, totalement dénué de talent comique, il gagnait des montagnes de fric en faisant la retape d’un système complètement pourri. Tout ça pour finir en déchet de la Kommandantur... Et ce collabo n’a pas fini de tomber : en général, la déchéance morale précède la déchéance économique, si l’on peut se permettre d’adapter Gramsci. Guillon va pouvoir vérifier que le Ciel existe…