D’aucuns diront que de rapprocher ces trois informations revient à sombrer dans le populisme le plus vil. Oui, et non. Le rapprochement des centaines de millions d’euros de Pogba et Lagarde avec les miettes du smic a un sens, très politique, celui du rappel de la dure hiérarchie sociale. Une échelle économique qui est aussi une échelle d’impunité.
La flamboyante Christine est accusée d’avoir été quelque peu « négligente » quand, en tant que ministre de l’Économie et des finances de Nicolas Sarkozy, elle a laissé accorder 404 millions d’euros à Bernard Tapie dans l’arbitrage avec l’ex-banque publique, le Crédit lyonnais, à propos de la revente d’Adidas. Une affaire qui traîne depuis plus de 20 ans, Bernard Tapie accusant l’État, à travers l’ancêtre ruineux de LCL, de l’avoir entourloupé sur le rachat par Louis-Dreyfus de l’équipementier sportif.
La société avait été relancée par l’ex-président de l’OM, aujourd’hui décédé, et Tapie avait fait valoir que la valeur de l’entreprise, qu’il avait rachetée puis revendue, avait été volontairement sous-évaluée dans le marché. Il réclamait un milliard d’euros de compensation. C’est à l’occasion de l’élection de Nicolas Sarkozy à la présidence de la République en 2007 qu’il reviendra mettre la pression – en harcelant l’Élysée et ses services – pour obtenir satisfaction. Il devait sûrement avoir de bonnes infos sur Nicolas pour que le corbeau lâche le camembert...
La question fondamentale : quel est le sens de la décision d’accorder, par la chaîne Sarkozy-Lagarde-Richard (le dircab du ministre du Pognon), près d’un demi-milliard d’euros à un type de nombreuses fois poursuivi par la justice ? Deux hypothèses sortent des rangs : un, rendre la justice à un pauvre homme lésé ; deux, refiler une tonne de cash à un filou pour en récupérer une partie derrière. Évidemment, la solution numéro 2 est pure science-fiction. Cela voudrait dire que les responsables de l’État seraient capables de sortir du fric public au bénéfice d’un intérêt privé, puis d’en récupérer une partie en douce, ce que les grands négociateurs internationaux appellent une rétrocommission. Une com sur une com. Eh bien n’importe quoi ! Ça se saurait si les grands de ce monde étaient aussi corrompus ! Imaginez, par exemple, qu’il y ait eu négligence de l’État au moment de l’évaporation des milliards de la taxe carbone...
Ceci étant dit, revenons au sérieux et à la politique non-fictionnelle. Tout en bas de l’échelle sociale, au-dessus des SDF et des migrants (au deuxième échelon, tout de même), il y a les smicards. Expression à la fois dévalorisante et populaire, qui désigne toute une population laborieuse : le petit Français qui gagne pas des masses, et qui jongle chaque mois avec sa paye pour s’en sortir, c’est-à-dire échapper à la pauvreté, et parfois à la misère. Les smicards sont majoritairement des femmes (57% des smicards sont des smicardes) et des jeunes (20% du lot), en grande partie ouvriers et employés. Mais attention, 40% des salariés au smic sont à temps partiel. En tout, 12% des salariés sont payés au smic, en France.
Et voilà l’indécrottable Filoche, qui resurgit avec son smic « à 1 800 euros ». Là encore, deux voies : celle du patron, en général petit, qui ne peut pas faire face, vu les charges que lui impose l’Etat, à un salaire supérieur pour ses employés (moins de 10, souvent moins de 2), et la voie de l’employé, qui rame dans des jobs assez pénibles pour 1 135 euros net par mois. 1 800 brut, soit 1 386 net, ça achèverait pas mal de TPE, artisans ou commerçants, déjà étranglés par une fiscalité qui privilégie les grandes entreprises (les petites ne servant à rien pour nos hommes politiques).
Là où on peut donner tort au dernier socialiste social du PS, c’est de vouloir améliorer le smic plutôt que la formation. Car le bas salaire est la sanction d’une sous-formation, et la sous-formation ça vient de quoi ? De l’école, parce que les smicards sont rarement titulaires d’un DEA. Et on ne parle même pas d’une École qui serait inadaptée à l’Entreprise, ce qui fait hurler les gauchistes partisans d’une École contre l’Entreprise, mais d’une école qui ne savaterait pas les talents. Parce que le grand drame de l’école, au-delà de la désastreuse politique à l’Éducation nationale, c’est bien la destruction des talents non reconnus. Une normalisation intellectuelle nuisible pour le pays. C’est pour ça qu’il faut lutter contre le politiquement correct, ce langage du totalitarisme.
La politique, c’est faire des choix, donc avantager les uns, emmerder les autres. Le problème, depuis 50 ans, c’est que ce sont toujours les mêmes qui sont avantagés, et les mêmes qui sont emmerdés. Et le problème dans le problème, c’est que les emmerdés sont très majoritaires par rapport aux avantagés, un rapport de 100 à 1. Les gens calés appellent ça l’oligarchie, un petit nombre qui gouverne un très grand nombre. Attention : quand l’oligarchie est éclairée, ça va ; quand elle ne gouverne que pour elle, ça va plus. Vient alors la tentation de révolution, contre laquelle l’État invente le terrorisme, etc.
Bon on arrête sur le sujet parce qu’on pourrait en faire 150 pages, et on attaque la dernière partie, le trésor de Paul Pogba. Hé, Conversano, regarde, un Noir peut réussir en France !
Paul Pogba, 23 ans, joueur de Manchester United et de l’équipe de France, est coté 110 millions d’euros. Ça veut dire que si Mourinho et son président veulent le vendre, eh bien un autre club, par exemple le FC Metz, devra débourser 110 millions d’euros. Sans compter les à-côtés. Et il y en a des masses. C’est tout l’objet des football leaks, qui nous renseignent sur la pourriture du business footballistique. Pour ce qui concerne le transfert de Pogba de la Juventus à Manchester, son agent, le Néerlandais Raiola, a touché 27 millions en commissions.
L’agent, entre autres, d’Ibrahimovic et Balotelli, a commencé comme plongeur de pizzeria. Il a arraché Pogba à son précédent agent, qui possède les « droits d’image » du footballeur surdoué… dont la cote ne cesse de grimper. Un match sanglant en perspective, à base de sociétés écrans, de pressions aussi « amicales » qu’un match de Premier League, où les joueurs se marchent sur la gueule, et au-dessus, ces vautours que sont les journalistes européens, prêts à fondre au moindre hors-jeu sur les acteurs de cette comédie dramatique…
On sent que tout le Système, politique, médiatique, footballistique, est en train de se casser la gueule dans un bel ensemble.