Dans la moisson des 354 « élevés » de ce 14 juillet, le moine bouddhiste Matthieu Ricard est hissé au noble rang de chevalier de la Légion d’honneur. Cela ne vous fait pas tiquer ? Le bouddhisme tend vers un but, l’éveil, hein, comme si on était tous endormis et que les préceptes théoriques et pratiques du Bouddha nous faisaient voir une seconde réalité. La plupart des religions sont basées sur ce postulat de la révélation.
Mais les sages d’Asie savaient très bien que pas mal de margoulins confondaient ce « nirvana » avec l’accumulation de pouvoirs et de biens terrestres à défaut d’être spirituels. En gros, tu joues au bouddhiste mais tu lorgnes sur la prospérité et le prestige. Des motivations par trop humaines.
Normalement, un vrai bouddhiste vit d’expédients, c’est-à-dire du minimum vital, et renonce au superflu. Mais il faut bien vivre, se défendre, et les moines se sont bien défendus, dans l’histoire. On ne jettera pas la pierre à Matt pour avoir accepté la petite médaille, qui était autrefois destinée aux militaires titulaires de hauts faits d’armes. Pas très pacifique, au départ, donc. Pour info, la croix de chevalier ne rapporte rien, ou presque, et coûte même un peu. Un prestige qui échoit à près de 100 000 Français, qui n’ont pas tous sauvé un enfant de la noyade, loin de là. Sinon, ne seraient décorés que des pompiers et des urgentistes ! Le seul avantage tangible, c’est qu’on peut être invité à l’Élysée, ou à sa « garden-party ».
- Le sage est comme un arbre, qui ne crache pas sur les fruits du mérite (proverbe tibétain)
Dans la même promo, on trouve Pascal Perrineau, Alain Bauer, Marion Cotillard, Raymond Depardon, l’ex-PDG de TF1 Nonce Paolini, l’ancienne patronne de la CFDT Nicole Notat, et Niels Arestrup, l’excellent comédien qui a incarné un président de la République dans la très réaliste série Baron Noir de Canal+. Ces « people » ont tous fait quelque chose « pour la France », enfin, pour ce qu’elle est devenue : l’ombre d’elle-même.
Justement, restons en France, avec sa langue, qui risque de devenir une des plus parlées dans le monde en 2050 grâce au boom démographique africain, sans oublier son boom économique... qu’on nous promet depuis les « indépendances ». Pendant une semaine, cette bonne ville de Liège (Belgique) accueillera 1 600 professeurs de français venus de 103 pays dans le cadre de leur XIVe Congrès Mondial. On apprend ainsi qu’au Costa Rica, le français est la deuxième langue officielle à partir de la 6ème ! Cocorico ! Vive le Costa Rica ! Vive l’amitié franco-costaricaine !
- Ne jamais sous-estimer le prestige de la France à l’étranger
Un événement qui fait du bien à la francophonie, dont l’influence et les moyens ont été réduits sous Sarkozy et Hollande. L’OIF, l’organisation internationale de la francophonie, regroupe 80 États, soit près de la moitié du nombre d’États dans le monde. Il y a un désir de France, qui aurait pu faire contrepoids à la mondialisation anglo-américaine, oui mais voilà, nos deux derniers présidents de la République n’y croient pas. Avec un budget de 80 millions d’euros, avec toute la volonté du monde, on ne changera pas la face du monde.
On se souvient que Sarkozy avait rendue gratuite la scolarité des lycées français à l’étranger… Un cadeau fait aux enfants de ses riches amis (et aux siens en passant), qui avaient pourtant les moyens de la financer. En même temps, le réseau de la diplomatie française devait se serrer encore plus la ceinture (20% de moyens en moins en 25 ans, un renoncement qui ira de pair avec l’alignement sur les intérêts de l’Empire)… Des choix qui en disent long sur le patriotisme de nos dirigeants. Le rayonnement de la France à l’étranger, rien à foutre. Le coût de notre petite école « privée » à New York, très important. Finalement, Sarkozy renoncera, devant le coût exorbitant de cette mesure (30M€), et Hollande l’enterrera définitivement.
La France, au milieu de toutes ses difficultés actuelles – la plupart étant culturelles plus que naturelles, et donc apprises, voire importées – n’a besoin que d’une chose : croire à nouveau en elle-même, en ses forces, ses qualités. Et en son exemple, celui que tant de pays suivaient il y a peu, encore. Un voix qui porte autant que celle des Américains, qui ne connaissent que la force. Il y a de la place pour une voie nouvelle, que la diplomatie française a longtemps incarnée, avant de se faire soumettre par des escrocs ou des vendus. On ne donnera pas de noms, ça coûte trop cher, la justice étant aussi vendue. Ou achetée, au choix.
Philippe Auguste, dit Dieudonné, un grand roi… mal-pensant
Le 14 juillet 1223, il y a 777 + 16 = 793 ans, très exactement, mourait Philippe II Auguste, dit Philippe Auguste, le premier grand roi de France. C’est lui qui a fait la France, qui a eu cette vision.
Il sera roi à 15 ans, mais son père aura attendu un héritier pendant 30 ans. C’est pour cela qu’on le surnommera « Dieudonné ». Sans faire de jeu de mots, ni d’amalgame ou de parallèle avec le présent, sa première décision est d’expulser les juifs et de confisquer leurs biens ! Cependant, le grand souci de ce grand homme ne sera pas les juifs, mais les puissants barons de nos régions, qui ont récemment changé de nom. Le roi Philippe tranche avec ses prédécesseurs (et pas mal de ses suivants) : il a une vision, et s’y tient. Actuellement, on parlerait d’une géopolitique. Il s’en va faire les croisades, mais à contre-coeur, sous pression du pape. Il arrachera à Richard Cœur de Lion, son grand rival, nombre de futures provinces de France, dont l’appétissante Normandie. Il faut savoir que les Anglais tenaient toute la façade ouest de ce qui deviendra la France, grâce à la complicité de certains potentats locaux…
Grand militaire, grand diplomate, tirant les ficelles dans une bonne partie de l’Europe, Philippe est au faîte de sa gloire en 1214, après Bouvines (le 27 juillet), où il bat la première coalition anglo-européenne :
Les rois et présidents qui se sont succédé dans l’histoire de France peuvent toujours parler de leur volonté de « rassembler », Philippe aura été un vrai et grand rassembleur. Militairement, administrativement, et économiquement. Et on ne parle pas de son œuvre pour Paris. À côté, Delanoë et Hidalgo sont des nains.
Par une ironie de l’Histoire, et peut-être parce que nos cellules savent des choses que nous avons oubliées, les Britanniques de France forment une de leurs premières communautés en dehors du Royaume-Uni, avec 400 000 âmes. Et vivent en 2016, curieusement, là où ils vivaient il y a 1 000 ans…