Ces derniers jours, l’actualité a été dominée par le spectacle de mauvais goût donné dans le Bureau oval, où Trump et Vance s’essuient ouvertement les pieds sur Zelensky devant les caméras. Selon le discours politico-médiatique russe, leur héros (Trump) aurait manifestement vengé l’honneur de la Russie en écrabouillant sans aucun effort le petit acteur (Zelensky), venu remplir son rôle. Aucune réflexion, aucune analyse, une réaction uniquement sur le plan émotif de ce qui demande pourtant une approche plus rationnelle. Il ne faudrait pas oublier que les États-Unis sont en guerre contre la Russie en Ukraine, et que Trump est le président des États-Unis. Alors pourquoi ce spectacle, a-t-il été organisé, pendant que la Russie reste encore méfiante ?
Après Macron et Starmer, Zelensky est allé faire son pèlerinage à Washington. Si avec les deux premiers, l’ambiance était parfois tendue, mais raisonnable, le passage de Zelensky restera un temps dans les mémoires, comme un bien triste spectacle.
Zelensky sermonné comme un gamin par le directeur de l’école et le prof principal, qui tente de dire quelque chose, ce qu’il dit toujours, ce qu’il était attendu qu’il dise, et la direction faisant semblant de s’indigner, de se vexer, d’être outrée, créant l’incident de toute pièce.
Les Européens s’indignent ouvertement du sort réservé à leur poupée de chiffon, les Russes s’emballent de cette soi-disant vérité, qui aurait été révélée au monde entier – qui évidemment ne le savait pas, mais puisque le tsar Trump l’a dit, le monde le sait. Hourra !
La question n’est pas Zelensky. Chacun fait semblant de le considérer comme le dirigeant d’un pays souverain, quand c’est la marionnette d’un territoire tenu par les atlantistes. Personne, au niveau des élites dirigeantes, n’est dupe.
Quelle est la motivation affichée ? Zelensky n’a pas signé le contrat transférant aux États-Unis les revenus des minerais rares, présents dans le sol ukrainien.
Et Trump appelle cela, porter atteinte au processus de paix. Quel est le rapport entre un contrat commercial et un plan de paix (voir notre texte ici) ? Toujours aucun, sauf escroquerie majeure ou jeu de poker menteur. Au minimum, parce que l’on revient à la figure mythique d’un Zelensky décideur autonome d’un pays souverain. Discours extrêmement confortable pour les atlantistes.
Pourquoi Zelensky, serait-il venu à Washington, s’il ne voulait pas signer ? Il n’est pas suicidaire et savait très bien à quoi s’attendre. Question que personne ne veut se poser. Deux hypothèses, si l’on va au-delà du voile de l’illusion de la grande souveraineté ukrainienne :
Il n’a pas eu le choix, Trump avait besoin de ce spectacle, il a tenu son rôle, car c’est bien pour tenir les rôles qu’il a été mis en place.
Il y aurait une scission au sein des élites atlantistes et Zelensky, tenu par les Britanniques (qui ont conclu leur accord de 100 ans avec l’Ukraine) contre les Américains, a été envoyé par les Britanniques pour tenir tête à Trump.
La seconde option est assez peu réaliste, surtout quand Starmer et Macron ont déjà fait amende honorable à Washington quelques jours plus tôt. Et que tous les plans proposés, alternatifs, etc. des Européens sont officiellement proposés comme devant inclure les Américains, comme devant être approuvés par les Américains. Et d’ailleurs, lors du grand raout de Londres, les tuteurs atlantistes en la personne du secrétaire générale de l’OTAN et de la présidente de la Commission européenne, étaient présents.
Alors, pourquoi ce spectacle ? Pour créer volontairement l’illusion d’une division, pour qu’il y ait un gentil (Trump) contre les méchants (les Européens). Les ressources des minerais sont certes importantes, mais conduire la Russie à négocier contre son intérêt stratégique, à lui faire oublier que les États-Unis sont partie à la guerre et que Trump n’est pas neutre, mais en est le Président, passe par quelques mises en scène hollywoodiennes, comme les Américains savent très bien le faire. Et nous venons de le voir cette semaine.

Et CNN de bombarder médiatiquement (et d’être très largement repris par tous les médias russes) : après cela, les pourparlers directs entre Poutine et Trump vont être accélérés. Ainsi, commence l’article :
Pour les observateurs diplomatiques chevronnés, la furieuse agression de Volodymyr Zelensky par le président américain Donald Trump dans le Bureau ovale était une agression politique planifiée, un piège tendu par l’administration Trump pour discréditer le dirigeant ukrainien et l’éliminer comme obstacle à la suite des événements.
Que cela ait été orchestré ou non, Moscou – qui a réagi avec joie à l’échange d’insultes à la Maison-Blanche – s’attend désormais à ce que les pourparlers visant à reconstruire les relations entre les États-Unis et la Russie se poursuivent, voire s’accélèrent, dans les semaines à venir.
Rien n’a été annoncé en public. Mais, en privé, on parle du sommet Trump-Poutine, toujours prévu, qui serait désormais accéléré.
Pourtant, quelles ont été les décisions véritablement prises par Trump à ce jour ? Principalement deux, qui vont à l’encontre de son discours de « pacificateur » : la reconduite pour un an des sanctions adoptées contre la Russie en raison de la guerre en Ukraine et l’annonce de la continuation des livraisons d’armes à l’Ukraine [L’aide militaire US à l’Ukraine vient d’être suspendue, cependant – NDLR].
Il est extrêmement dangereux en politique de prendre ses désirs pour la réalité. En temps de guerre, il vaut mieux analyser les actes, qu’écouter les belles paroles. La paix, ça se gagne.
Addendum : Karine Bechet-Golovko réagit à la suspension de l’aide militaire américaine à l’Ukraine
Trump : La vraie/fausse interruption de l’aide militaire au front ukrainien
Les déclarations s’enchaînent et se contredisent à un rythme effrayant. La question de l’aide militaire américaine au front ukrainien est un élément fondamental de la posture pacifique de Trump, devant conduire la Russie à accepter une rencontre bilatérale, devant elle-même aboutir à un accord, dont personne n’a la moindre idée des contours réels. Mais les États-Unis ne sont pas les seuls à fournir ce front et Biden, avant de partir, avait prévu un coussin amortisseur. Remettons donc le discours à sa place, celui de discours, dans le cadre d’un conflit militaire.
La question de l’interruption temporaire et conditionnée de l’aide militaire américaine est récurrente depuis l’accession de Trump à la présidence. Elle participe à la stratégie générale devant appâter la Russie et la mettre en confiance, tout en constituant l’image d’un Trump faiseur de paix, face à un Biden guerrier, dont du coup et par magie, il n’a pas à assumer le rôle joué par les États-Unis.
Rien que dans les derniers jours, les déclarations se contredisent à ce sujet. Au moment du départ de Zelensky de Washington, Trump déclarait aux journalistes à la Maison-Blanche :
« Trump espère que Washington n’aura pas besoin d’envoyer beaucoup d’armes en Ukraine, mais il y aura des livraisons. »
Désormais, Trump aurait donné l’ordre de suspendre l’approvisionnement du front, ce qui est pudiquement appelé aide militaire à l’Ukraine, en attendant que Zelensky accepte les conditions des États-Unis, ce que Trump appelle la paix. Dixit le NYT :
Les États-Unis suspendent temporairement toute aide militaire à l’Ukraine, selon un haut responsable de l’administration, qui a déclaré que l’aide ne reprendrait pas tant que le président Trump n’aurait pas déterminé que l’Ukraine avait démontré son engagement envers les négociations de paix avec la Russie. L’ordre prend effet immédiatement et concerne plus d’un milliard de dollars d’armes et de munitions en cours de préparation et en commande. La directive de M. Trump suspend également des centaines de millions de dollars d’aide que Kiev ne peut utiliser que pour acheter du nouveau matériel militaire directement auprès des entreprises de défense américaines.
Et de préciser que cette décision, qui elle n’a pas été formellement annoncée par Trump lui-même, aurait été prise lundi :
Elle est le résultat d’une série de réunions à la Maison-Blanche lundi entre M. Trump et ses principaux conseillers à la sécurité nationale, ont indiqué les responsables, s’exprimant sous couvert d’anonymat pour discuter de délibérations internes.
Rien de grave, si besoin, comme au sujet du « dictateur Zélensky », Trump pourra dire qu’il n’a pas été compris, qu’il ne se souvient pas avoir donné un tel ordre.
Le porte-parole du Kremlin, de son côté, salue cette décision, si elle est vraie, mais regrette que les sanctions aient été reconduites contre la Russie – ce qui, en revanche, est certain.
Si les États-Unis suspendent leur aide militaire à l’Ukraine, cela pourrait encourager le régime de Kiev à s’orienter vers un processus de paix, a déclaré Peskov.
Le Kremlin considère que les sanctions imposées par les États-Unis contre la Russie sont illégales. Si nous parlons de normalisation des relations bilatérales, celles-ci doivent être libérées du fardeau négatif des sanctions.
Les députés ukrainiens ont déjà lancé un signal positif : les USA sont notre voie, Trump est notre maître, nous devons « coopérer », c’est-à-dire accepter et soutenir Trump.
« Le peuple ukrainien (…) croit que le rôle du président Donald Trump et ses efforts de maintien de la paix peuvent être décisifs pour la résolution rapide du conflit et l’instauration de la paix. » La Verkhovna Rada a également souligné la nécessité de développer davantage le partenariat avec les États-Unis, notamment dans le domaine des ressources minérales.
Déclaration, qui a été publiée la semaine dernière après la rencontre Trump/Zelensky. Donc, quel est le sens de ces énièmes gesticulations trumpiennes ?
Après le spectacle du Bureau oval, Zelensky attendait gentiment d’être rappelé, il était prêt à tout signer, à tout accepter. Le Parlement ukrainien est prêt non pas même à tout vendre, mais à tout offrir. Donc, quel est le sens de cela ?
Si l’on considère que Zelensky ne veut pas signer, puisque l’autonomie de décision est un mythe, cela voudrait dire que les élites globalistes européennes seraient à ce point fortes et indépendantes qu’elles tiendraient tête à Trump. Dans ce cas, à quoi bon discuter avec quelqu’un – Trump – qui n’a pas le pouvoir réel, qu’il prétend avoir ?
Si l’on considère que Zelensky est prêt à signer, car il est là pour faire ce qui lui est demandé, le comportement de Trump est adressé à la Russie et il n’est pas plus intéressé que cela, par ces ressources de toute manière surévaluées. C’est alors un jeu de dupes adressé à la Russie, pour la forcer à passer le pas, qu’elle rechigne toujours à faire.