Dans son éditorial du 27 août, le directeur du Nouvel Observateur, Laurent Joffrin, se livre à un véritable appel à la guerre contre la Syrie [1]. Non seulement il commet une erreur factuelle monumentale mais il oublie sciemment de dire la vérité. Sa diatribe ne peut, dès lors, pas rester sans réponse :
Monsieur Joffrin, Votre éditorial débute par une affirmation totalement erronée. L’ancien locataire de l’Elysée avait affirmé, lors d’une conférence de presse restée dans les mémoires, que vous disiez « une grosse bêtise » pour beaucoup moins que ça. Je ne sais pas si votre inexactitude est le résultat d’une négligence ou d’une volonté réelle de tromper le lecteur mais vous écrivez d’un ton péremptoire que « Saddam Hussein mis à part, aucun pays n’a fait usage de l’arme chimique au combat depuis près d’un siècle. » Votre erreur est une insulte aux populations et aux troupes chinoises qui ont subi des attaques à l’arme chimique, lors de la bataille de Wuhan en 1938, par les troupes impériales japonaises [2].
Que dire de l’utilisation par les Etats-Unis d’Amérique de l’Agent Orange lors de la guerre du Vietnam [3] et dont les conséquences se font encore sentir aujourd’hui ? Il est possible que vous ayez été aveuglé par votre inculture ou bien par votre atlantisme mais vous faites preuve, sur ce coup là, d’un grand amateurisme.
A propos de l’attaque à l’arme chimique qui a eu lieu récemment dans la Ghoutta orientale, vous l’attribuez sans la moindre preuve aux forces gouvernementales syriennes. Vous réfutez que ce massacre ait pu être commis par les rebelles syriens alors même qu’ils ont tout intérêt à provoquer une intervention militaire occidentale contre le régime qu’ils combattent depuis plus de deux ans. Selon vous, Bachar el Assad aurait commis le pire des crimes alors même que les troupes onusiennes venaient de débarquer à Damas pour des inspections. Les forces gouvernementales auraient utilisé cette arme de dernier recours alors qu’elles enregistraient victoire sur victoire sur l’opposition armée depuis quelques mois. Avouez qu’il y a de quoi se poser un certain nombre de questions. Carla del Ponte, dont la probité n’est plus à démontrer, est membre de la commission d’enquête sur la Syrie, dépendante de l’ONU. Elle a affirmé que les rebelles syriens ont utilisé du gaz sarin [4]. L’attaque au gaz sarin dans le métro de Tokyo en 1995 démontre, en effet, que n’importe quel groupuscule est capable de commettre ce genre de crime. Il n’y a pas besoin de beaucoup de moyens ou de grandes infrastructures pour déverser des gaz mortels.
Vous appelez-donc à entrer en guerre contre un pays souverain sur la base d’accusations plus que discutables. S’il est démontré que les rebelles syriens ont utilisé du gaz sarin, appellerez-vous au bombardement de ceux-ci par les troupes françaises ? Evidemment que non car votre coupable est désigné à l’avance et votre parti pris dans ce conflit est plus qu’évident. Votre vision réductrice du conflit est celle d’un peuple révolté contre son dictateur alors que la réalité est bien plus complexe. Le parti Baas dispose d’une base sociale bien plus importante que les régimes renversés de Ben Ali ou Moubarak. Les minorités religieuses redoutent la chute du gouvernement syrien actuel au profit d’islamistes obscurantistes. Tout comme le président Hollande vous vous alignez sur les positions bellicistes américaines sans la moindre honte. La politique étrangère de la France a perdu toute forme de souveraineté qui avait pu exister un temps sous le Général De Gaulle. Vous ne soutenez pas l’intervention pour des buts humanitaires mais ne faites que valider le projet impérial des néo-conservateurs américains qui souhaitaient renverser tous les régimes politiques qui refusaient de se soumettre à l’hégémonie américaine.
L’ancien général américain Wesley Clark a expliqué, lors d’une conférence en 2007, qu’il existait un plan pour se débarrasser des régimes indésirables [5]. Dans votre éditorial il n’y a pas le moindre mot sur le rôle joué par le Qatar et l’Arabie Saoudite dans la rébellion syrienne. Vous taisez également dans votre pamphlet les atrocités commises par les rebelles parce que vous ne parvenez à faire preuve d’aucune honnêteté intellectuelle. Vous aviez quitté « Le siècle » en 2011 en expliquant que vous ne vouliez plus faire partie de cette oligarchie [6]. Force est de constater que vous faites toujours partie d’une élite proche du pouvoir et que le gouvernement vous utilise pour mieux diffuser ses idées. Vous n’êtes finalement qu’un petit agent de l’Empire et auriez mieux fait de garder votre vrai nom : Laurent Mouchard.
Alimuddin Usmani, le 30 août 2013