Egalité et Réconciliation
https://www.egaliteetreconciliation.fr/
 

Le Rwanda lâche le français et passe à l’anglais

Décrété en 2008 par le président Kagamé, en pleine fâcherie avec Paris, le changement de langue entrera en vigueur dans les écoles, à la rentrée de septembre.

Les dictionnaires d’anglais, arrivés de Grande-Bretagne, trônent sur les bureaux des professeurs. Comme dans le centre de Kigali, où le futur joyau architectural du Rwanda a été baptisé Kigali City Tower, le pays tout entier a pris le virage de l’anglais. De la publicité aux adresses électroniques des fonctionnaires.

C’est en octobre 2008, en pleine rupture des relations diplomatiques avec la France, que l’ancienne colonie belge (et donc francophone) a annoncé le passage à l’anglais dans l’enseignement public comme dans l’administration. Le président Paul Kagamé ¯ un anglophone formé en Ouganda et couvé par les États-Unis ¯ a décrété ce changement pour « donner la priorité à la langue qui rendra nos enfants plus compétents ».

Un véritable bouleversement. « Les enseignants les plus vieux, qui ont fait leurs études en français, et les anciens fonctionnaires, qui ont toujours travaillé en français, ont du mal à s’adapter », rapporte Albert-Baudoin Twizeyimana, journaliste rwandais de l’agence de presse Syfia Grands lacs.

Les enseignants à la peine

Introduit en 1994 dans l’enseignement et, en 2003, comme seconde langue officielle, l’anglais supplantera complètement le français, à la rentrée de septembre, depuis le primaire jusqu’à l’université. Un véritable défi pour les enseignants. L’un d’eux, la quarantaine et francophone, ne cache pas les conséquences : « Il arrivera que les élèves passent une semaine sans rien apprendre car les professeurs doivent, apprendre en anglais ce qu’ils vont enseigner. »

Ces derniers mois, les enseignants ont suivi des formations, animées par des Anglais venus spécialement au Rwanda. Mais ça ne suffit pas, comme le confirme John Simpson, un formateur. « Certains enseignants connaissent un peu de grammaire, mais beaucoup n’ont pas confiance en eux car ils savent qu’ils font des erreurs. »

Au Rwanda, ce changement est critiqué, notamment pour sa radicalité. « C’est impensable qu’un système éducatif à plus de 98 % francophone soit subitement transformé pour devenir anglophone », n’en finit plus d’enrager Jean-Baptiste, un étudiant.

Les parents qui le peuvent ont préféré inscrire leurs enfants en Ouganda, ancienne colonie britannique, où l’enseignement en anglais est bien meilleur. D’autres ont choisi le Burundi et la République démocratique du Congo pour que leurs enfants terminent leur scolarité en français.

Mais, au ministère rwandais de l’Éducation, on reste ferme : « Ceux des professeurs qui ne pourront pas s’adapter n’auront pas la permission de continuer à enseigner. »