Au moment où il apparaît de plus en plus clairement que les puissances occidentales et leurs alliés au Moyen-Orient se préparent à intervenir militairement en Syrie, le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA)est en train de légitimer une intervention impérialiste au nom de la « protection des civils. » En ceci le NPA est en train de reprendre le rôle politiquement criminel qu’il avait joué en Libye, où il avait soutenu la guerre de l’OTAN visant à mettre en place un régime dirigé par le Conseil national de transition (CNT).
Les puissances occidentales, la Turquie et les territoires du golfe Persique sous l’autorité de cheiks fomentent une guerre civile en Syrie, en soutenant des forces comprenant le Conseil national syrien (CNS) et son aile armée, l’Armée syrienne libre (ASL). Le CNS comprend des islamistes, des représentants du précédent régime d’Assad et des Kurdes syriens. Les puissances occidentales utilisent le CNS pour transformer les protestations populaires contre le président syrien Bashar al-Assad, inspirées des luttes de la classe ouvrière d’Egypte et de Tunisie, en une tentative pour remplacer Assad par un régime pro-occidental, docile, en Syrie, au moyen d’une intervention impérialiste.
Le NPA soutient cette offensive sous le couvert malhonnête de solidarité humanitaire avec les serviteurs syriens de l’impérialisme. Le 21 décembre, le NPA a publié un communiqué intitulé « La fuite en avant meurtrière de Bashar al-Assad », appelant au renversement d’Assad. On peut y lire « Avec beaucoup de courage et de détermination, l’opposition, la population continuent leur combat contre la dictature. Le NPA réaffirme sa solidarité et soutient les initiatives organisées. Comme les autres dictateurs de la région, Bachar-al-Assad devra dégager. »
Comme dans bon nombre de ses déclarations, le NPA compte sur le flou et les imprécisions de langage pour dissimuler son soutien sans retenue à l’impérialisme français. Le NPA ne dit pas quelle « opposition » mène quel « combat » et quelles sont ces « initiatives organisées ». Les reportages des médias montrent clairement que le NPA déclare sa solidarité avec les agents du renseignement de l’OTAN qui sont en passe de lancer non pas une révolution mais une guerre civile pro-impérialiste.
Le gouvernement français a officiellement reconnu le CNS d’opposition comme « un interlocuteur légitime » et appelé au renversement d’Assad par la force. Il y ajoute cyniquement la demande de mise en place d’une zone tampon en Syrie pour pouvoir en appeler plus facilement aux sentiments petit-bourgeois justifiant la guerre pour raisons « humanitaires », de la part de forces comme le NPA.
Les forces armées françaises, aux côtés de leurs homologues turcs et britanniques, entraînent l’ASL qui dit compter dans ses rangs quelque 20 000 déserteurs de l’armée syriens et qui est basée en Turquie. Le CNS et l’ASL ont demandé aux puissances occidentales de mettre en place une zone d’exclusion aérienne en Syrie, prélude à une intervention militaire. Le commandant de l’ASL, Riad el-Asaad qui est basé en Turquie a demandé aux puissances impérialistes d’effectuer des frappes aériennes contre la Syrie.
Selon le quotidien turc Milliyet, la France a envoyé des formateurs militaires en Turquie et au Liban pour former la soi-disant Armée syrienne libre. Les reportages de Milliyet ont été confirmés par l’hebdomadaire satirique français Le Canard Enchaîné qui écrit : « le service action de la DGSE et le commandement des opérations spéciales (COS) de l’armée française seraient déjà au contact des militaires dissidents syriens pour les former et les aider à structurer leur capacité opérationnelle. » Il indique aussi que Paris et Ankara « auraient d’ores et déjà décidé de tolérer, voire de favoriser » le trafic d’armes aux frontières de la Syrie.
L’hebdomadaire ajoute, « Ankara proposerait d’instaurer une zone d’interdiction aérienne et une zone tampon à l’intérieur de la Syrie, destinée à accueillir les civils qui fuient la répression et les militaires qui désertent. » Selon Le Canard Enchaîné, la « zone de protection » va « offrir ’un soutien éventuel à l’Armée syrienne libre’ à l’intérieur des territoires syriens. ». Autrement dit, les « initiatives » que le NPA soutient incluent la formation d’une enclave militaire à l’intérieur de la Syrie, à partir de laquelle les milices soutenues par les Occidentaux peuvent lancer des opérations armées contre le gouvernement syrien.
Non seulement le NPA soutient de telles opérations, mais il cherche à dissimuler son soutien des yeux de l’opposition populaire sur sa gauche. Conscient que la guerre en Libye, qu’il a soutenue pour des raisons similaires l’an dernier, est à présent très impopulaire, il cherche maintenant à obscurcir la question, en faisant des déclarations creuses qui semblent critiquer une intervention militaire occidentale directe. Ainsi le NPA a interviewé un membre de l’opposition syrienne qui, lorsqu’on lui a demandé si les manifestants syriens soutenaient l’intervention étrangère, a dit : « Les manifestants dans la rue... oui, parce qu’ils ne voient pas de perspectives immédiates alors ils ’demandent au diable’ de venir. » Elle a néanmoins ajouté que « les quartiers et les villes qui ne bougent pas, eux, ont peur d’une intervention étrangère »ainsi que de la possibilité d’un régime islamiste de droite.
Quand on lui a demandé ce qui pouvait être fait à partir de la France, elle a répondu : « Faire pression sur le gouvernement. Attention, personne n’est pour une intervention armée occidentale... Personne ! Nous avons besoin d’aide médicale pour soigner les blessés, d’une aide alimentaire et faire une pression économique sur le régime. »
Prenant ce reportage pour argent comptant, le NPA soutient les manifestants pro-impéralistes qu’une grande partie de la population syrienne considère avec crainte, puis promeut une intervention militaire pour raisons « humanitaires » : l’approvisionnement en médicaments et en nourriture aux insurgés syriens. Comme c’est un fait bien connu que le soutien occidental pour l’ASL comprend déjà le soutien militaire, cette position est consciemment trompeuse.
La tromperie est d’autant plus flagrante que les co-penseurs internationaux du NPA ont clairement fait comprendre qu’ils soutiennent une intervention occidentale directe dans des pourparlers en coulisses avec le CNS et l’ASL. Un exemple en est un rapport de Gilbert Achcar, membre du Secrétariat unifié international pabliste affilié au NPA et professeur à l’Ecole d’études orientales et africaines de Londres (School of Oriental and African Studies). Il était intervenu lors d’une conférence organisée par le CNS en Suède en novembre dernier.
D’après Achcar, « Les organisateurs de la conférence m’avaient invité pour parler sur le thème de l’intervention militaire étrangère dans la situation actuelle en Syrie. » Il a laissé entendre au CNS que, si certaines conditions étaient réunies, le CNS serait en mesure de faire en sorte qu’il y ait une intervention étrangère en Syrie : « La réticence que nous pouvons voir aujourd’hui de la part des Etats occidentaux et régionaux quant à une intervention directe pourrait changer demain si les demandes d’intervention faites au nom de l’opposition syrienne venaient à se multiplier. »
Les tentatives du NPA de se présenter en critique d’une intervention militaire occidentale en Syrie sont d’autant moins convaincantes qu’il avait fait les mêmes efforts l’année dernière concernant la guerre en Libye, où il avait déclaré s’opposer à l’introduction de troupes au sol alors qu’il soutenait le bombardement « humanitaire ».
Le bombardement de l’OTAN et les forces du CNT conduites sur le terrain par le renseignement occidental et des opérateurs des Forces spéciales occidentales, sur lesquels le NPA a cyniquement gardé le silence, ont néanmoins réussi à dévaster la Libye. Ils ont renversé le régime du colonel Mouammar Kadhafi et provoqué la mort de 50 000 personnes selon les estimations. Maintenant, les compagnies pétrolières occidentales opèrent à nouveau dans les riches champs pétrolifères de Libye et le CNT dominé par les islamistes dirige la Libye en qualité de régime fantoche pro-libyen.
Mais durant tout cela, le NPA a continué à soutenir la guerre en Libye. Peu avant que la France et la Grande-Bretagne ne commencent le bombardement de Tripoli le 19 mars, le NPA s’était déclaré solidaire de la guerre. Il avait rejoint les principaux satellites politiques de la « gauche » bourgeoise, le Parti socialiste (PS), le Parti communiste (PC), le Parti de Gauche (PG, une scission du PS), Europe-Ecologie-Les Verts, en publiant une déclaration conjointe exigeant « la reconnaissance du Conseil national de transition comme seul représentant légitime du peuple libyen. » Le NPA avait même suggéré que la France achemine des armes à l’opposition libyenne.
A ce moment-là tout comme maintenant, le NPA soutenait une intervention impérialiste en dissimulant la question de classe fondamentale impliquée dans la guerre : le ré-assujettissement de la Libye, de la Syrie et de l’ensemble du Moyen-Orient au pillage des puissances impérialistes.