Les médecins se disent perplexes. Ils hésitent. Est-il « raisonnable » d’aider ce couple à avoir un enfant ? Leur histoire est, il est vrai, compliquée. Tous les deux sont d’origine camerounaise. L’homme a une petite cinquantaine. Séropositif, il a deux autres femmes, et sept enfants au Cameroun. Récemment, il s’est marié avec Leica, mais voilà, celle-ci n’arrive pas à être enceinte. Et peu à peu, elle découvre qu’elle a des soucis d’infertilité. Il y a quelques mois, ils se sont donc adressés à un service d’aide médicale à la procréation (AMP) à Paris.
Et ils ont raison. Car, d’un point de vue médical, tout est jouable : les difficultés de la femme sont minimes, et aujourd’hui les techniques de purification du sperme peuvent éviter tout risque de contamination. Reste que l’homme, pour les médecins, est compliqué à saisir : il voyage beaucoup, vit entre le Cameroun et la France. Il est suivi pour son sida en France et c’est à ce titre qu’il bénéficie d’une autorisation provisoire de séjour pour soins. La jeune femme, elle, s’est installée dans la banlieue parisienne depuis qu’elle a décidé de tenter une fécondation in vitro. Pour les médecins, il n’y a guère de doutes : elle veut un enfant, autrement on peut supposer qu’elle quittera son mari. Pour autant, sa vie n’est pas simple. Sans papiers, elle est en attente de l’Aide médicale d’Etat. Et le couple dort chez des amis, ou dans un foyer Sonacotra.
Dans ce contexte, que faire ? N’y a-t-il pas trop « d’éléments défavorables » ? La maladie du père, mais aussi sa polygamie ? Quel est l’avenir du couple ? Et celui de leur enfant, entre une mère sans-papiers et un père séropositif ? Ne sont-ils pas, eux médecins, redevables des conditions de vie de l’enfant à venir ? Ou doivent-ils éviter ce genre d’interrogations ?
Finalement, l’équipe médicale saisit le Centre d’éthique clinique de l’hôpital Cochin (1). Avec cette question sous-jacente : faut-il toujours accéder à la demande d’un couple, sous prétexte que nul ne peut juger du bien-fondé de sa demande ? Mais d’autres questions surgissent. L’Aide médicale d’Etat est faite pour financer des soins. L’AMP, est-ce toujours du soin ? De plus, les centres d’AMP sont souvent débordés. Répondre à telle demande d’un couple n’est-ce pas le risque d’exclure telle autre ? Après de longues hésitations, le centre AMP accède à la demande. Et la femme est, aujourd’hui, enceinte.
Éric FAVEREAU
LIBERATION
(1) Lire l’ Ethique clinique à Cochin (éditions de l’AP-HP).
Et ils ont raison. Car, d’un point de vue médical, tout est jouable : les difficultés de la femme sont minimes, et aujourd’hui les techniques de purification du sperme peuvent éviter tout risque de contamination. Reste que l’homme, pour les médecins, est compliqué à saisir : il voyage beaucoup, vit entre le Cameroun et la France. Il est suivi pour son sida en France et c’est à ce titre qu’il bénéficie d’une autorisation provisoire de séjour pour soins. La jeune femme, elle, s’est installée dans la banlieue parisienne depuis qu’elle a décidé de tenter une fécondation in vitro. Pour les médecins, il n’y a guère de doutes : elle veut un enfant, autrement on peut supposer qu’elle quittera son mari. Pour autant, sa vie n’est pas simple. Sans papiers, elle est en attente de l’Aide médicale d’Etat. Et le couple dort chez des amis, ou dans un foyer Sonacotra.
Dans ce contexte, que faire ? N’y a-t-il pas trop « d’éléments défavorables » ? La maladie du père, mais aussi sa polygamie ? Quel est l’avenir du couple ? Et celui de leur enfant, entre une mère sans-papiers et un père séropositif ? Ne sont-ils pas, eux médecins, redevables des conditions de vie de l’enfant à venir ? Ou doivent-ils éviter ce genre d’interrogations ?
Finalement, l’équipe médicale saisit le Centre d’éthique clinique de l’hôpital Cochin (1). Avec cette question sous-jacente : faut-il toujours accéder à la demande d’un couple, sous prétexte que nul ne peut juger du bien-fondé de sa demande ? Mais d’autres questions surgissent. L’Aide médicale d’Etat est faite pour financer des soins. L’AMP, est-ce toujours du soin ? De plus, les centres d’AMP sont souvent débordés. Répondre à telle demande d’un couple n’est-ce pas le risque d’exclure telle autre ? Après de longues hésitations, le centre AMP accède à la demande. Et la femme est, aujourd’hui, enceinte.
Éric FAVEREAU
LIBERATION
(1) Lire l’ Ethique clinique à Cochin (éditions de l’AP-HP).