le foulard de couleur vive qui couvre la tête, cerne les joues et se noue sous le menton ! Elles ont dépouillé leur veste ouatinée d’hiver qui leur donnait un tour de matrones. Plus d’yeux larmoyants, de nez rouges, mais des prunelles de myosotis ou de violettes, des lèvres charnues, des rondeurs généreuses sous la jupe noire gancée de rouge, vert mauve, ou le corsage, parfois brodé, laissant évader les pistils des bras charnus dénudés jusqu’à la saignée du coude.
_Comment trouvez-vous nos conductrices ? demande Bérard.
_Tout à fait à mon goût ! répond Cuny.
Perrin, le "beau gosse" de la 11è, ne dit rien, lui, mais regarde en technicien.
_Un peu fortes tout de même, ces « panienkas », reprend l’homme qui concentre, dans son monocle et sa raideur, de vagues nostalgies de la Prusse.
_Elles ont l’apparence de ce qu’elles sont : les égales de l’homme dans le travail ! Mais elles sont si attachantes, tellement simples, à la fois bonnes camarades et femelles athlétiques ! Un vrai plaisir que d’oublier avec elles mademoiselle de Paris !- Vous avez essayé ?
Trop peu, malheureusement. Mais croyez-moi... Une fois dominés quelques préjugés occidentaux, c’est fort rentable ! Cuny pousse un soupir.
_Nos filles sophistiquées, prétentieuses, toujours préoccupées de tenir un rôle dans le roman à quatre quatre-vingt-quinze qu’elles viennent de lire, sont ennuyeuses comme la pluie ! Elles feront naître des générations de pédérastes qui leur tourneront le dos. Coucher avec une « panienka », c’est comme épouser la terre. Le goût du miel. Le muscle des tempêtes. L’odeur de l’isba.
Oui. II y a des odeurs, bien sûr ! dit Bérard en rajustant son monosle. Alors, vous croyez ? Eh bien, ce soir, je tenterai ma chance !
Ils sont nombreux, à l’heure du bivouac, qui tentent leur chance !
sant loup. les volontaires.