Quelque chose vient de se transformer quant au rôle international de la France. Car ce rôle, tel que je le conçois, exclut la docilité atlantique que la République d’hier pratiquait pendant mon absence. Notre pays est, suivant moi, en mesure d’agir par lui-même en Europe et dans le monde, et il doit le faire parce que c’est là, moralement, un moteur indispensable à son effort. Cette indépendance implique, évidemment, qu’il possède pour sa sécurité, les moyens modernes de la dissuasion. Eh bien ! Il faut qu’il se les donne !
Mon dessein consiste donc à dégager la France, non pas de l’Alliance atlantique que j’entends maintenir à titre d’ultime précaution, mais de l’intégration réalisée par l’OTAN sous commandement américain ; à nouer avec chacun des Etats du bloc de l’Est et, d’abord, avec la Russie des relations visant à la détente, puis à l’entente et à la coopération ; à en faire autant, le moment venu, avec la Chine ; enfin, à nous doter d’une puissance nucléaire telle que nul ne puisse nous attaquer sans risquer d’effroyables blessures.
Mais, ce chemin, je veux le suivre à pas comptés, en liant chaque étape à l’évolution générale et sans cesser de ménager les amitiés traditionnelles de la France.
Titre : L’indépendance française
Source : Charles de Gaulle, Mémoires d’espoir, tome 1,