Pour Blanquer, le nouveau ministre de l’Éducation nationale, le job est simple : pour être populaire, il suffit de détricoter les conneries de Belkacem sans braquer les syndicats. Enfin, simple, façon de parler : dès qu’on touche à un cheveu des profs, c’est la guerre civile en France.
Ayant sondé les parents d’élèves et les réseaux sociaux, car ce gouvernement est un gouvernement de la démagogie, – une forme de démocratie, si on veut – Blanquer revient sur la suppression du redoublement. Et la réplique n’a pas tardé ! Comme toujours avec l’école, il y a deux écoles. En général celle de gauche, avec la liberté, l’élève au centre, le prof qui ne brutalise personne, les mini-jupes ras-la-touffe, et celle de droite, retour de l’autorité, de l’orthographe, les programmes à l’ancienne, la Marseillaise, l’uniforme, les coups de règle sur les doigts.
« Il n’est pas normal d’interdire le redoublement. Il y a quelque chose d’absurde à laisser passer de classe en classe des élèves accumulant les retards » (Blanquer dans Le Parisien du 8 juin 2017)
Le coup est venu de la gauche, via Le Monde, toujours aligné sur Mai 68 en ce qui concerne l’éducation (le journal est truffé de trotskistes). Dans son intro, la journaliste souligne que le ministre « va à l‘encontre d’une tendance générale d’abandon d’une solution jugée inefficace ». On admirera toujours la façon dont les journalistes mainstream affirment des choses aussi complexes avec légèreté. C’est un fait que le najatisme avait conduit à des classes où des élèves en retard scolaire franchissaient les étapes allègrement. On se retrouvait avec des écarts d’âge de 3 ans dans une même classe, et des différences en termes de connaissances assez violentes. Si certains profs peuvent gérer une classe à 3 vitesses, d’autres doivent accorder plus de temps aux mal-apprenants, pour reprendre une terminologie très trotsko-technocratique.
- Sauter une classe en arrière,
ça doit pouvoir se faire
Cependant, on ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre : si l’on accepte de telles différences de niveau, il faut accepter le ralentissement de l’apprentissage dans une classe donnée. Ou sélectionner, le mot atroce qui fait trembler la gauche culturelle (mais pas ses responsables qui mettent leurs mômes en douce dans les meilleures institutions, loin de l’école publique truffée de racailles). Les bons d’un côté, les moins bons de l’autre. De toute façon il n’y a pas débat, puisque le cours naturel des choses s’y emploie : les parents déplacent leurs enfants au gré des établissements qui correspondent au niveau de leur progéniture, malgré la sectorisation.
Pour le coup, et pour éviter cette partition pas très sociale, Blanquer a raison de mettre le paquet sur le CM2 et le rattrapage du niveau. Car 30% des élèves qui arrivent en 6e ne savent pas correctement lire, écrire et compter. Ce dont la gauche najatique n’avait visiblement pas grand-chose à faire. La gauche culturelle avait trouvé un biais pour éviter d’affronter le problème : on ne redouble pas, on réoriente. Vers des filières moins prestigieuses, moins demandées, en se lavant les mains d’un futur qui sent la sous-formation et derrière, le chômage.
Le travail, voilà tout ce qui intéresse les Français. Leurs dirigeants aussi, mais d’un autre point de vue : celui du profit. 21 millions de nos compatriotes ont voté pour un ultralibéral assumé. C’est un choix. Qui aura des conséquences. Le travail va être libéré, ubérisé. Libéré, comme si le travail était prisonnier de lois qui l’empêchaient de s’exprimer. La réalité, là aussi, est plus complexe. Une chose est sûre, ce qui se profile, c’est un travail plus précaire, des carrières plus cahotiques, ce qu’une partie des Français connaît déjà et ne redoute pas trop. L’autre partie, la salariée, va découvrir l’enfer de l’américanisation du marché du travail ! On exagère, c’est un effet de style. Non, au-delà de l’ubérisation qui vient, c’est le télétravail qui se développe. Avec du bon et du mauvais.
Une étude de la Fondation Concorde (il y a des tas de fondations, on peut pas toutes les vérifier) reprise par Le Figaro établit que près de 7 millions de Français sont « éligibles au télétravail ». Et par télétravail on entend à domicile et dans des espaces partagés. Il n’est pas rare de voir, dans les grandes villes, ouvrir des échoppes qui proposent à des employés à l’étroit dans leur boîte de venir faire un petit break « boulot » en buvant un café. Pourquoi pas ? Pourquoi toujours travailler dans des conditions de promiscuité, de stress, de pénibilité si c’est évitable ?
Bon, on le voit, c’est pas pour tout le monde. Il faut pour cela un job mobile. L’avantage premier, c’est le gain de temps quotidien sur les trajets. Dans les conurbations, ça peut prendre entre 1h et 2h par jour, aller plus retour. Le télé-employé y gagne 37mn en moyenne, 45mn de sommeil, avec une dilution notable du stress. On n’ira pas jusqu’à dire un allongement de la durée de vie, non plus. Mais la fondation estime que cela génèrerait une baisse de 5,5 jours par an d’arrêts maladie. Et surtout, le mot magique pour l’employeur, une hausse de la productivité de 20% environ.
Ceux qui pratiquent le télétravail savent ses pièges, et ses limites : plus d’horaires, donc un débordement facile de la journée de boulot bien au-delà des 7 heures officielles. Il n’est pas rare de voir un cadre bosser avec son PC portable à chaque fois que c’est possible. On emmène son travail partout, donc on travaille tout le temps. Et ça donne les sempiternels articles de l’été sur les Français qui ne lâchent plus leur portable sur la plage. Une japonisation rampante... Ensuite, il y a tout un tas de conséquences juridiques sur la possibilité d’un accident du travail à l’extérieur, l’application du code du Travail chez soi, la conformité du logement du télétravailleur...
Quoiqu’il arrive, beaucoup de Français, et surtout ceux qui bossent dans la nouvelle économie du Net, ne travaillent déjà plus dans les conditions classiques : un lieu fixe, des horaires fixes, tout cela a explosé. Certains savent y trouver leur bonheur, d’autre rament. Le sujet est vaste et mériterait une étude entière.
Les adieux sobres et très classes de David Pujadas lors de son dernier JT. pic.twitter.com/KOiEHCwvQg
— Maxime Guény (@MaximeGueny) 8 juin 2017
Belle ovation pour David #Pujadas . Bon vent Monsieur pic.twitter.com/ls25q26wN2
— TWITTAUMAT (@TheTwittaumat) 8 juin 2017
Le boulot, quand il est intéressant, prenant, excitant, peut devenir une drogue. Ainsi, David Pujadas, qui a dû quitter cette semaine « son » JT, a-t-il fait ses adieux à toute la France comme s’il disparaissait, qu’il mourait médiatiquement. Une mise en scène un peu étonnante pour un serviteur du service public. Mais dans une France qui a voté Macron à 66%, tout semble possible. Plus rien ne doit nous étonner. Il est vrai qu’un job à 20 000 euros par mois, c’est dur à lâcher. Mais Pujadas n’était pas le mieux payé de la télé. Un Hanouna, qui est pourtant moins cultivé ou moins porté sur la connaissance, gagne lui largement six fois plus.
Après avoir un peu déconné avec les gays, Hanouna a été puni de 3 semaines de pub par le CSA. Une perte de 5 millions d’euros pour la chaîne C8. Toujours à l’affût d’un bon coup, l’animateur a alors proposé au CSA, pas vraiment habitué à la négociation d’un marché du Marais, de reverser le montant des pubs à des associations (gays ?) si le CSA revient sur sa punition. On n’a pas trop d’angoisse pour Cyril, qui ne risque pas la prison.
5 à 6M d'euros de déficit pour la sanction du CSA. Pourquoi ne pas garder la pub et reverser ces millions d'euros à des associations ? #TPMP pic.twitter.com/fApPxgcqYb
— TPMP (@TPMP) 8 juin 2017
Alors que Pujadas pleure, et qu’Hanouna pleurniche, il y en a deux qui savourent : c’est la paire Zemmour & Naulleau, dont l’émission sur Paris Première cartonne. C’est vrai que la parole y est plutôt libre, même si elle reste dans certaines limites, que nous savons tous. Il faudra se contenter de ces petits espaces de liberté.
Et maintenant la morale de fin, comme dans les films américains manichéens.
L’école et la télé sont deux outils capables de dispenser de l’ignorance et de la connaissance. Ou de la propagande et de la connaissance. Visiblement, on ne peut avoir l’une sans l’autre. À nous de faire le tri entre le bon grain et l’ivraie.