Après avoir été sacrés premier site politique de France par un blog hébergé chez Mediapart, le moment du renvoi d’ascenseur est arrivé. Aujourd’hui, sur le site d’Edwy Plenel, Karl Laske, le journaliste qui avait commis un livre (pas trop méchant mais suffisamment) contre le Canard enchaîné avec son comparse Valdiguié, balance une info embêtante pour Marisol Touraine, le ministre de la Santé. De la santé des labos, s’entend. Pas des gens, ne rêvons pas !
De quoi s’agit-il ? D’étiquetage. Au départ, il s’agissait, sous la pression d’associations de consommateurs, d’une expérience auprès de 40 magasins, débutée fin septembre 2016, qui devait clarifier la qualité des denrées alimentaires pour le public grâce à cinq codes couleur, « du vert au rouge selon la qualité nutritionnelle des produits ».
C’est alors que, sous pression de Stéphane Le Foll, ministre de l’Agriculture très décrié d’une agriculture très décriée, Touraine a dû ouvrir une « concertation » avec les représentants de l’industrie agroalimentaire et de la grande distribution, qui ont mis leur grain de sel dans le projet. D’où l’impression trouble de double logo, qui perd le consommateur. Pour exemple, car c’est un peu technique, Laske détaille la manip avec les pâtes chocolatées :
Tout en supervisant l’opération, LinkUp [une agence qui dépend directement du secteur] a ainsi lancé « l’Openlab Nutella » pour Ferrero afin de « débattre » de « la réalité de l’huile de palme durable ». Mais l’agence travaille aussi pour Lesieur, Mondelez, Nestlé, Bordeau Chesnel, Orangina, Quick, Charal…
La demande de transparence a donc fini en tambouille de conflit d’intérêts et délit d’initiés, si l’on peut dire. Comme quoi une bonne idée, démocratique pour le coup, quand elle traverse le champ du réel, peut se changer en son contraire : confisquée, altérée, neutralisée, elle est renvoyée sur le marché par les forces du marché (industrie et distrib) qui ne veulent pas perdre le pouvoir de l’information. Pierre Chandon, membre du comité scientifique de l’étude, résume la manip :
« Les industriels auront le choix d’étiqueter ou non les produits. Tous les produits ne seront pas étiquetés »
L’obésité et le diabète, qui se développent à la vitesse de la chute du PS dans les sondages, ne sont pas près de disparaître, nourris qu’ils sont par un étiquetage timide et des packagings accrocheurs pour les enfants. Aujourd’hui, 15% des Français sont touchés par des ALD (affections de longue durée), majoritairement dues à une mauvaise nutrition. Mais ça, les industriels s’en foutent… plein les poches !
- Ou une lettre de licenciement
La morale, c’est pas ce qui étouffe non plus la direction de La Poste, vous savez, cette grande boîte (à lettres) publique symbolisée par ce petit facteur sympa, qui discute avec la vieille dame, pendant sa tournée en vélo, dans une rue ensoleillée… Dans un article (payant) du jour, L’Humanité donne la parole à Laurent, 53 ans, qui explique que « l’entreprise a voulu se débarrasser de lui à cause de son profil de cadre à l’ancienne ». L’Huma va mal, et son abonnement en numérique est encore plus cher que celui du Figaro (9€90 par mois), et même du Monde (16€90, alors qu’il était à 72€ par an il y a peu), puisqu’il faut débourser 20 à 23€ par mois pour pouvoir lire le canard post-communiste.
C’est pas qu’on est radins mais un sou est un sou et on connaît un peu les malheurs du service public en général, et de La Poste en particulier. À l’image de France Télécom dans les années 2000, un grand ménage est en cours pour infliger aux 260 000 employés un management à l’américaine, ou à l’européenne. Chez Orange, ça s’est matérialisé par des dépressions dans le meilleur des cas, des suicides dans le pire. À La Poste, on prend le même dangereux chemin. Le prétexte, c’est la rentabilité, et l’ouverture du courrier à la concurrence européenne. Une ouverture progressive, qui a commencé à l’aube du XXIe siècle, conséquence d’une directive européenne. La libéralisation a lieu par paliers, en fonction du poids des colis et des lettres. En contrepartie d’une aide de l’État et de la Caisse des Dépôts, de près de 3 milliards en 2010, la direction a imposé sa nouvelle ligne.
La tournée du facteur par La Poste :
Concrètement ? Les 73 000 facteurs (un petit tiers des effectifs, que la Cour des comptes estime « sous-occupés ») ont dû allonger leurs tournées, en changer régulièrement, et fermer leur gueule, sauf pour placer des produits financiers aux personnes âgées (piste apparemment abandonnée). Résumé brutal, mais pas si éloigné que ça du réel. Les nouveaux employés de la grande maison n’étant pas forcément embauchés en titulaires, mais en « contrats privés ». Ce qui change pas mal de choses, du point de vue de la conscience professionnelle. On l’a vu avec la qualité du service (QS), qui a pris un coup dans l’aile. Sauf si le client ou l’usager paye – plus cher – pour un service dont il bénéficiait naturellement avant. Un scénario banal qu’on retrouve dans les (ex-)services publics. Nous y reviendrons plus en détail en décryptant la stratégie de la direction et des syndicats, entre lesquels le public se sent un peu à l’étroit, en étau…
Parallèlement à cette « libéralisation » de nos fiers services publics, un des piliers de cette France qui ne veut pas ressembler aux pays anglo-saxons, qui tentent de bousiller ce réseau solidaire avant l’heure, on subit une libéralisation humanitaire sous la forme d’une invasion migratoire savamment calculée.
Curieusement, certains de ceux qui hier chantaient les louanges de cette défrancisation du pays sont aujourd’hui moins enclins à infliger aux beaufs des leçons de morale antiraciste. Le cas Finkielkraut est un bon exemple de girouette intellectuelle employée de l’oligarchie. En gros, pendant 30 ans, l’immigré a été une chance pour la France ; soudain, le musulman recèle un grave danger.
Vous allez nous dire : mais l’oligarchie, si avant elle disait que c’était bien, et maintenant que c’est pas bien, pourquoi qu’elle continue à importer du migrant ? Bonne question. Pour foutre le merdier, justement, et faire monter la haine contre lui, en lui donnant tout ce qu’elle retire aux Français de base !
Imaginez que vous ayez des chiens, que vous nourrissez convenablement, et qu’un jour, vous rameniez des chiens d’une autre race (eh oui, y a encore des races chez les chiens, mais juste chez eux attention), que vous priviez les premiers de la bonne pâtée de viande hachée de bonne charolaise mélangée à du bon riz, que vous les laissiez regarder les nouveaux arrivants bouffer leur repas dans leur gamelle, et que vous les enfermiez derrière des barreaux en leur foutant des coups (terrorisme) à chaque fois qu’ils grognent… Imaginez.
C’était la parabole canine du jour.