Qu’est-ce qu’un toxico ? Quelqu’un qui aurait une migraine quasi-permanente et dont le médicament serait interdit par la loi. Donc il en achète au black (et pas aux Blacks, attention), et pour ça, comme ça coûte très cher – tout ce qui est interdit est cher – il vole (et plane aussi, à l’occasion), arnaque, ou revend du « médoc » contre la douleur.
L’expression populaire dit qu’ « un toxico vendrait sa mère ». Un tox n’a pas de limites, plus aucune morale : seul le produit compte. Objet d’une tyrannie, il devient lui-même un tyran. L’héroïne est une drogue vieille comme le monde, enfin, la version chimique moderne de l’opium, qui envoie les fumeurs au pays des rêves… parfois éternels. Les Afghans et les Iraniens fument pas mal d’opium, malgré une répression parfois féroce, mais les jeunes héroïnomanes occidentaux eux, fixent, c’est-à-dire se piquent à la poudre blanche. Il est peu d’héroïnomanes « organisés », qui maîtrisent leur consommation, la fréquence des prises, et qui gagnent suffisamment de fric pour ne pas se transformer en délinquants.
La mairie de Paris a décidé d’innover, à la néerlandaise, ces rois de la licence des mœurs (mais ils en reviennent tout de même), avec l’inauguration d’une « salle de shoot ». Cela évite les contagions d’hépatite (B) – les seringues sont gratuites –, mais cela n’évite pas les vols car il n’y a pas, comme à Amsterdam, d’héroïne « médicale ». Là-bas, le camé dûment enregistré par les services de la mairie, vient toucher son ou ses grammes hebdomadaires et n’a théoriquement pas besoin de voler. C’est une solution pragmatique.
En France, le pragmatisme face à la pathologie qu’est la drogue se heurte à la morale publique, et à la répression. Éternel débat, entre ceux qui voudraient que la police et la justice se consacrent à des tâches beaucoup plus utiles pour la communauté nationale, et ceux qui considèrent que la drogue est un fléau à éradiquer totalement. À l’image de la prostitution. On parie que drogue et prostitution (le couple n’est pas là par hasard, les putes ayant souvent besoin d’héroïne pour supporter leur métier immonde) seront encore là dans 2 000 ans, quand tous les pro et les anti auront disparu. Justement, le FNJ, peu inspiré ou peu au fait de cette maladie, organise ce vendredi une protestation devant la salle de shoot...
Au devant de la salle de shoot à Paris, je rappelle notre opposition ferme à ce projet d'Etat laxiste, coupable et complice. #salledeshoot pic.twitter.com/hUoM1RPGBH
— Gaëtan Dussausaye (@G_Dussausaye) 14 octobre 2016
Qu’on le veuille ou non, les hommes dont la vie est trop dure ont besoin de s’envoyer en l’air ou de s’exfiltrer ailleurs, et rien ne pourra y remédier. Sauf peut-être l’enseignement de raisons de vivre, qu’on ne trouve jamais à l’école…
Toujours dans le domaine de la santé, Fessenheim est sous pression. Fessenheim, la centrale symbole qui a fait couler tant d’encre depuis sa création, puis sa disparition programmée, et enfin son sauvetage (peut-être provisoire). Des associations, dont Stop Fessenheim et Alsace Nature, portent plainte contre EDF et Areva pour « mise en danger délibérée de la vie d’autrui ». Greenpeace est aussi dans le coup de la procédure, ce qui peut prêter à confusion. Petit rappel historique : depuis plus de 30 ans, l’association « humanitaire » verte marque à la culotte le nucléaire français, plus souvent au profit des Américains que pour des raisons purement écologiques. Mais l’ONG est suffisamment maligne pour faire coïncider les deux exigences : elle a ainsi eu la peau des dangereux essais dans les atolls français du Pacifique Sud, qui ont eu des conséquences néfastes sur la santé des populations.
Dans le domaine du nucléaire, il y a deux écoles : celle, écologique, qui considère que l’atome, ou, précisons, la fusion/fission nucléaire, présente un danger pour tous, ce qui est objectivement vrai, et celle qui considère que le risque est acceptable... et qui le fait prendre, de fait, à tous les autres. Les uns manifestent et dénoncent, les autres passent outre et construisent. Les incidents sont fréquents (l’audit récent d’Areva a déterminé 87 « irrégularités » sur les réacteurs en fonctionnement, dont un à Fessenheim justement), les accidents à grande échelle (Three Miles Island, Tchernobyl, Fukushima) plus rares, mais terrifiants. Un risque assumé par les gouvernements, mais un risque que nous prenons tous. Sommes-nous alors otages ou complices des décideurs ?
- Image crépusculaire de la centrale de Fessenheim
L’État, par le moyen du développement de l’industrie nucléaire, lancé sous de Gaulle, a permis aux Français, en mal d’énergie fossile (depuis la perte de l’Algérie), de bénéficier d’une électricité peu coûteuse, en regard de nos voisins (allemands, suisses) qui refusaient l’éventualité même d’une catastrophe nucléaire. La France a multiplié ses centrales, marchant sur la tête des écolos. Pour l’instant, malgré mille dangers plus ou moins sous contrôle (malgré les sous-traitances douteuses d’EDF), la prise de risque est gagnante. Mais chaque jour, des anomalies apparaissent dans un parc vieillissant, à dangerosité croissante. De plus, l’EPR, la génération suivante, coûte cher (les Anglais en ont pris pour 21 milliards) et n’est pas encore totalement au point. Mais cette technologie qui touche au cœur de la matière le sera-t-elle un jour ? La technologie améliore la technologie, mais entre-temps, il y a les hommes. Un risque partagé par tous, écolos compris.
Puisqu’on parle de mourir-ensemble, autant passer au vivre-ensemble, qui préoccupe les évêques de France, qui publient ce vendredi une lettre dans Le Monde. Au vu des « accidents » non plus nucléaires mais terroristiques de ces deux dernières années, et surtout leurs ondes de choc sociales, on peut comprendre leur inquiétude. Cela fait pourtant rigoler Cambadélis, l’idéologue en chef de François Hollande, et homme des coups bas dans le parti. Un authentique apparatchik, qui sait tout sur tout le monde, et dont le travail – ingrat mais efficace – ne se voit pas à l’écran. Il est là pour protéger le chef, pour renvoyer les coups, parfois sans ménagement ni complexe, ou mesure.
En bon trotskiste laïcard plus ou moins franc-mac, Camba défouraille sur l’Église et ses représentants. C’est de bonne guerre, et ça rassure les troupes de gauche, qui ne savent plus où elles habitent, tant la paire Valls-Hollande les a trahies. Le trots a raison, de quoi Monseigneur Pontier, archevêque de Marseille, se mêle-t-il en osant prendre la parole... au politique dont c’est le métier ?
La première chose, c’est qu’il est indigne d’instrumentaliser les événements causés par le courant de Daech pour durcir les relations entre les Français musulmans et le reste de la population. C’est risqué, aussi, car il n’y a que deux solutions : ou nous arrivons à trouver le chemin du vivre-ensemble, ou nous nous faisons la guerre.
Bon allez, on met tout le reste de sa réponse, on n’a pas beaucoup l’occasion d’entendre un archevêque, qui plus est, de Marseille.
Pour l’Église, le vivre-ensemble est possible. Il faut le réussir en favorisant les rencontres et tout ce qu’on peut « faire » ensemble. Je crois beaucoup à l’action commune. Quand on réalise des opérations de solidarité, des opérations culturelles, on fait des grands pas. C’est au ras du terrain qu’on va faire avancer les choses.
À Marseille, une quinzaine d’écoles catholiques comptent entre 80 % et 98 % d’élèves musulmans. Nous avons des œuvres de jeunesse, des patronages où cette mixité-là existe aussi. Ce sont des lieux de rencontres, de faire ensemble. Ils font avancer les idées. Ils luttent contre le communautarisme qui nous dresse les uns face aux autres.
Franchement, on ne voit pas ce qui faire rire Cambadélis là-dedans. Il est vrai qu’avant l’été, l’épiscopat a publié, comme l’écrit Le Monde, « un document assez sévère sur la politique ». Et qu’il a lancé hier son texte national qui demande, « dans un monde qui change, [de] retrouver le sens du politique ». Bref, tout ce que la gauche cambadélique n’a pas fait.