Un certain Alain S. avait dit, un jour, en substance : « On m’invite PARCE QUE je vends 40 000 [livres], et on invite Pascal Bruckner POUR qu’il vende 40 000 ».
La fin pitoyable des Guignols
Dans le même esprit, on a découvert les chiffres effarants de l’influence réelle des Guignols de l’Info : une fois dégagés de la fenêtre très exposée de 20h-20h10 sur Canal+, une fois foutus dans un placard doré hebdomadaire sur Bolloré TV, voilà que leurs sketchs cachetonnent entre trois et dix mille… vues sur Internet. On n’a pas dit millions, on a bien dit milliers. Même pas le dixième voire le centième de ce qu’un sous-Norman (Thavaud) ferait au bout de trois vidéos en « face cam » dans sa chambre…
Quelle conclusion en tirer, à part que la sélection d’auteurs opérée par la nouvelle direction l’été dernier semble plus taillée pour la tragédie que pour l’humour ? Eh bien que le contenant est souvent plus fort que le contenu. Que la « case » fait le succès. Par exemple, la triste émission d’Arthur de promotion de ses amis, Les Enfants de la télé, a longtemps cartonné parce qu’elle est diffusée sur TF1 le soir, à la bonne heure, quand les Français qui n’ont pas forcément les moyens de sortir veulent se détendre gratuitement en toute sécurité (il y a peu d’attentats à domicile). Si elle était diffusée sur France 4 le dimanche à 2 heures du matin, il n’y aurait pas autant de monde. Et si elle était diffusée sur le Net, elle n’accrocherait pas vraiment les internautes, passés à d’autres modes de divertissement, nettement plus intéressants.
Les Guignols viennent donc de découvrir la dure loi du sport des « tuyaux ». Leur poids humoristique est inexistant sur le Net, où règnent des monstres indéboulonnables comme Dieudonné. Qui est allé nettement plus loin dans la recherche fondamentale et appliquée, en la matière.
Les Guignols s’en vont, les hommes politiques restent. Pour 2017, au menu, vous aurez exactement les plats de 2012, qui ressemblaient déjà à ceux de 2007. L’alternance, où ça ? Tu m’étonnes que les jeunes sont énervés !
Nuit debout, pieds dans la boue
Ils font pipi sur des bâches, qui orientent le liquide vers des rigoles en PVC, qui finissent dans les égouts. Lutter contre la loi Travail en particulier et le gouvernement en général, ça demande des sacrifices. Celui de son confort. À Paris, nos révolutionnaires occupent la place de la République, qui est revenue au premier plan depuis la commémoration des attentats de 2015 (deux jours fériés à venir). À Lyon, après avoir déambulé dans la ville aux cris de « Valls, Hollande, ta loi on n’en veut pas », les émeutiers gentils se sont rassemblés sous le pont de la Guillotière, un lieu de rencontres chaudes entre Roms et SDF. Mais ce qui compte, ce n’est pas le lieu, c’est le rassemblement. Les angoisses, tu les mets ensemble, et pouf !, elles disparaissent comme par magie !
De cette affaire, s’il n’y a pas un mort (l’objectif inavoué des manipulateurs ?), il ne restera pas grand-chose. Seuls les futurs « Laurence Rossignol » feront leur trou dans la politique, la vraie, pas celle des slogans pour naïfs. Pour cela, il faut être à double face, comme le scotch du même nom : savoir tenir le discours des lendemains qui chantent aux pauvres, pour les « mobiliser », et rendre compte à la direction, ou centrale des manipulateurs, qui s’occupe de la tactique. En multipliant ce genre d’opération par cent, par mille, on peut déplacer des foules et faire pression sur un gouvernement, même s’il se dit de gauche. L’art de la politique est celui du rapport des forces, autrement dit du pouvoir de nuisance. Le chantage, quoi. Montebourg a participé au premier gouvernement Ayrault, plus personne ne s’en souvient, sauf quand il a enfilé sa marinière. Hollande l’avait pris juste pour neutraliser son pouvoir de nuisance, dans l’optique d’un « il nous emmerdera moins dedans que dehors ».
La politique consiste donc à capter les besoins et les rêves de gens, et à les transformer en force, qui permet de grimper dans la hiérarchie. Le collectif, il repassera. Chaque homme politique est donc une espèce de général qui peut compter sur des troupes. Sinon, il ne pèse rien. On l’a vu avec Bayrou en 2007, quand il a été littéralement désossé par Sarkozy. Pourtant, il avait 18,57% des Français derrière lui. Mais pas d’officiers, et encore moins de sous-offs, le nerf de la guerre. Les jeunes devraient savoir que ceux qui font la révolution sont rarement ceux qui en profitent. Mais qui le leur dit ? Ce n’est sûrement pas Edwy Plenel qui, à travers Mediapart, refait la révolution qu’il n’a pas eue :
« Tout était étrange dans cette journée de mobilisation lyonnaise : une manifestation en demi-teinte, émaillée d’incidents et de stops policiers, et une Nuit debout sous le pont de la Guillotière en bordure de Rhône. En fin de nuit, et sous la pluie, une petite centaine de personnes continuaient de discourir sur la politique, avec en vue plusieurs actions pour le 9 avril prochain. »
Mediapart dont on souligne l’obsession « nationale ». Non pas que le site d’informations serait nationaliste, mais il passe son temps à dénoncer le virage national de la Nation, qui est plutôt rassurant, au vu de l’indépendance actuelle du pays. Plenel et ses amis voient du FN partout. L’existence d’une « extrême droite » française est la seule justification d’une extrême gauche exsangue, à bout de souffle idéologiquement, qui a failli dans tous les domaines. Au pouvoir, et au contre-pouvoir.
En économie (on n’avait pas besoin de la gauche pour faire du libéralisme), dans le social (le chômage égale celui des années 30 en Allemagne), la sécurité (no comment, aurait dit Gainsbourg), la culture, avec ses horreurs portées au pinacle (le massacre de Versailles). Quant aux mœurs, on n’en parle même pas, on risquerait de finir à la 17e Chambre en mauvaise posture. Heureusement, le réveil national offre à ces officines une raison de vivre, et de survivre économiquement. Le danger fasciste, rien de tel pour mobiliser des jeunes hystérisés par une information à charge.
« Le Monde, cette imposture »
On a l’air de s’en prendre à Mediapart, mais ces coquins seraient presque honnêtes à côté des « journalistes » du Monde, qui servent de courroie de transmission à l’Élysée.
Le Monstre, titrait le groupe d’intervention humoristique Jalons il y a 30 ans (le 1er avril 1985), premier d’une série de pastiches de la presse écrite. En 2016, le journal de l’élite française (?) est devenu le passe-plat de l’oligarchie, et tire où on lui dit de tirer. Il n’y a plus guère que les étudiants en Sciences Po et équivalents qui sont obligés de le lire, maintenant malgré eux le titre à flot, lui évitant le naufrage définitif. Et les hommes politiques (quasiment tous issus de Sciences Po), les journalistes en place (même origine), qui attendent la parole sacrée du soir. Une classe politique qui ne va et ne vaut pas mieux que son support papier personnel, et qu’on essaye de nous refourguer sous un emballage nouveau : Juppé le néo- ou le sous-Chirac, Hollande le néo- ou le sous-Mitterrand, Valls le sous-Sarkozy, qui était lui-même un sous-Balladur…
La « révolte » des jeunes est parfaitement canalisée par les mêmes manipulateurs qui sont rattachés à l’oligarchie, puisqu’ils ne la dénoncent jamais. C’est de bonne guerre, et ce sera toujours comme ça, tant qu’une conscience politique supérieure n’aura pas pénétré les masses populaires. Tant qu’il y aura des Plenel, des Hamon et des Filoche pour enfumer les pauvres avec de la poudre dorée, le pouvoir pourra dormir sur ses deux oreilles.