Pendant que des milliards de téléspectateurs (sauf un milliard 252 millions d’Indiens, qui se foutent du sport) scotchaient sur les stars et les épreuves reines des JO de Rio, avec ses flots d’or, d’argent et de bronze, 8 000 amateurs se tapaient jusqu’à 170 km autour du Mont-Blanc, sans caméras, ni honneurs, ni médailles. Le sport à l’état pur.
De l’autre côté du mur d’argent, le football professionnel vire au sordide : les plus riches équipes des quatre grands pays (Angleterre, Espagne, Allemagne, Italie) se voient réserver les meilleures places dans la lucrative Ligue des Champions, un entre-soi qui signe la mort du sport roi. Pour les autres, il reste les miettes, et le retour à l’obscur. Nous voici dans la fracture footballistique : la Ligue 1 compte désormais quatre clubs bourgeois, PSG, OM, Monaco et OL, et 16 prolos. L’image de la déchirure française : l’oligar...chie sur la base, « masters and servants ».
Élevons notre âme et respirons un peu. L’UTMB, ou Ultra Trail du Mont-Blanc, a lieu chaque année à la fin du mois d’août. Au début, en 2003, cette épreuve rassemblait quelques passionnés de course en montagne, qui se donnaient le mot ; 13 ans plus tard, dans la discipline la plus dure, 2 300 fadas venus de 87 pays galopent sur les pentes rocailleuses de Haute-Savoie. 170 km avec 10 000 mètres de dénivelé positif en moins de 47 heures. Facile.
Dans la catégorie – pas encore validée par le CIO – d’arrachage de chemise, Vincent Martinez, le délégué de la CGT – sans lien de parenté avec le boss de la CGT – qui avait ôté avec violence (en réunion) celle d’un cadre d’Air France, vient de recevoir sa lettre de licenciement. Il y a une justice.
Comprendre dans cette décision que la colère sociale ne peut pas s’exprimer dans la violence. Il lui reste les canaux officiels, c’est-à-dire la grève, la gueulante au bistrot, et ferme ta gueule. Le Système a bien verrouillé le truc : quand le lait déborde, le judiciaire prend le relais. On appelle ça « criminaliser » le combat social. Sachant que la douceur en la matière n’apporte rien (la démocratie est une rigolade pour riches), que la violence est interdite, que reste-t-il aux employés mécontents ?
L’inspection du travail avait donné un avis contraire ; heureusement, la fée Myriam El Khomri, ministre du Travail, a validé le licenciement. Si avec ça elle rentre pas au secrétariat du MEDEF après 2017, c’est à désespérer de la trahison socialiste.
Les images de l’arrachage de chemise en réunion (un sport collectif) avec les commentaires de BFMTV mais sans le ralenti, lors des championnats CGT/Air France d’octobre 2015 :
Pendant qu’on est dans la violence, eh bien on va y rester. Ça tombe bien, Jean-François Richet a l’honneur de diriger Mel Gibson dans Blood Father.
Richet, c’est ce petit Blanc de banlieue qui fait du cinoche américain. Après le film de violence en bande Ma 6-T va craquer, le film de violence tout seul, Mesrine, voici le film de violence seul contre une bande. Richet fait pas dans la dentelle : un tiers de Taken, un tiers de Mad Max (le dernier opus est complètement délirant), et un tiers de Sons of anarchy, on agite et on a un Blood father. Un mauvais père un peu alcoolo qui s’est pas occupé de sa fille se refait une paternité à coups de fusil à canon scié (clin d’œil à Steve McQueen) sur la gueule des Mexicains. Eux, vu qu’il en part quelques milliers dans l’Au-delà chaque année, on peut les flinguer tranquille.
Richet, avec son scénar ravensbrückien, sa série B assumée, entre avec humilité dans le temple de l’industrie culturelle américaine (extrait de son interview à GQ) :
« Il y a trop d’enjeux, de travail, de responsabilités et il faut diriger une équipe de 200 personnes. À l’époque de mes premiers films, je descendais de chez moi et je filmais. Tout fonctionnait à l’énergie, qui compensait parfois un manque de rigueur et de technique. Ici, il y a un plan de travail. Il faut être hyper précis. C’est moins fun en fait. Après, quand on réalise qu’on est en train de diriger Mel Gibson... »
Bon, on va pas vous mentir, c’est pas le film du siècle. L’intérêt collatéral politique du truc, c’est qu’un communiste français dirige un catholique américain de droite. Mais oui, la gauche du travail qui rejoint la droite des valeurs !