Ainsi donc, les 5 000 abonnés (revendiqués) à Rivarol terroriseraient le pouvoir de nos maîtres actuels. Un pouvoir pourtant sans partage du point de vue économique (les puissants moyens du système), politique (le parti de l’alternance est notre parti unique), juridique (les associations subventionnées par l’État font la censure et la loi), et médiatique (seuls des micromédias échappent à l’écrasement des gros tuyaux et des gros contenus).
Un pouvoir quasi-total qui a peur de quelques sites Internet, d’une poignée de vrais journaux qui vivotent, comme s’il devait être absolu pour être rassuré. C’est bien le chemin qu’il prend.
Les dénonciateurs ne sont plus anonymes
Au moins, en 1942, les salauds qui avaient honte dénonçaient les résistants à coup de lettres anonymes. Aujourd’hui, les lettres sont devenues des journaux et ne sont plus anonymes. Voici cette liste de Schindler inversée : Le Monde, qui donne le la et décomplexe toute une nébuleuse balançoire, Le Petit Journal, Huffington Post, StreetPress. Un simple banquet avec des portraits de Pétain fait flipper toute la propagandosphère. Ils doivent vraiment craindre le retour de la Bête Immonde.
Coup de chapeau (ou de casque allemand) à Rivarol pour son coup médiatique énorme : dans un univers bien-pensant, il suffit de deux gouttes d’Hitlérol 3000 pour mettre en branle une publicité virale massive et gratuite. La « sortie » pseudo-nazie est devenue un média à elle toute seule. Rivarol vient d’économiser plusieurs centaines de milliers d’euros de budget « com ». Le seul hic : la prochaine fois, il faudra faire plus fort. Par exemple rôtir un jouvenceau du Petit Jour(a)nal, chanter la Marseillaise en vieux prussien, ou courser Pierre Laurent à La Courneuve.
De l’importance du cinéma « français » pour la propagande
Un qui aurait bien besoin de toute cette pub, c’est le cinéma français : il ne remplit plus, ni les salles, ni les conversations. Mais il y a pire. Audrey Azoulay, notre ministre de la Culture, doit affronter sa menace fantôme. Vincent Bolloré, le coupeur de têtes de Canal+, est en train de désengager son groupe du cinéma français :
« La politique du karcher de Bolloré à Canal [Plus] suscite quelques contrariétés du côté de l’Elysée, apprend-on en lisant “Le Canard Enchaîné”. Outre les fortes têtes que le nouveau patron veut virer, c’est la question du financement des films par la chaîne qui fâche. La diminution drastique de la présence de Canal sur la Croisette, cette année (plus de “Grand Journal”, de “Guignols”, de soirée Canal, etc.), a été interprétée comme un signe avant-coureur du désengagement de Canal dans le cinéma. Gémissements d’un proche de Hollande : « Nous n’avons pas envie d’avoir une crise avec le monde du cinéma, en pleine année électorale, surtout que c’est le domaine de prédilection d’Audrey Azoulay. »
La ministre de la Culture assure en tout cas, dans une interview au “Figaro”, que “dès sa prise de fonction, [elle a] rencontré Vincent Bolloré, qui a pris l’engagement devant [elle] de maintenir le niveau de contribution du groupe Canal+ au financement du cinéma”. »
En outre, toujours dans la revue de presse culturelle de France Culture, voici ce qu’on apprend :
« Jusqu’où peut-on inciter le public à voir des films qu’il ne veut pas voir ? Car si les écrans sont saturés, les fauteuils non. Moins de 20 % des sièges sont occupés chaque année. 60 % des films sortis en 2014 n’ont pas dépassé les 50 000 entrées. Les films qui ont fait moins de 5 000 entrées sont passés en douze ans de 105 à 182. De là à en conclure que trop de films sortent chaque année… Parler de surproduction dans la culture est tabou. »
On peut dire les choses plus crûment : il sort trop de films de merde. Mais il y a deux sortes de films de merde : le film de merde qui marche (et qui n’a pas forcément d’ambition artistique), et le film de merde qui ne marche pas. Dans la première catégorie, on peut placer sans risque de se planter Camping 3, dont voici deux extraits tout frais. C’est léger, mais ça se prend pas pour un Godard, ou un Audiard, qui pondent parfois des œuvres plus exigeantes que les tribulations d’un Patrick Chirac.
La plupart des films de merde qui ne marchent pas sont subventionnés via le CNC par les films de merde qui marchent, et de plus en plus par les régions. Ils font office de vitrines, qui déçoivent souvent. L’argent du Conseil Régional est englouti, et les magnifiques plans tant attendus sur la région se font rares, ou coupés au montage… Le 7ème art est aussi avide qu’ingrat.
Pour élever un peu le débat, nous dirons que d’un pur point de vue économique, Bolloré a raison : le cinéma est moins vendeur à la télévision, les jeunes allant dans les salles, ou sur Internet pour consommer du film. La télé payante n’a pas d’avenir. C’est pour ça que Canal produit des séries, avec plus ou moins de brio. Oui mais voilà, si le cinéma disparaît de la télé, comment qu’on va faire pour fourrer la propagande dans les jeunes têtes ? Si Canal retire ses 500 millions d’euros annuels qui financent une grande partie du cinéma français, qui va prendre le relais ? Avec les nouveaux modes de consommation, le Système fait face à un paquet grandissant de problèmes insolubles : de plus en plus de monde fuit la propagande, et en plus, elle rapporte de moins en moins à ses producteurs !
Nadine Hourmant ou le syndrome Xavier Mathieu
Pendant qu’on est dans la propagande, on ne parle que de l’émission citoyenne de France 2 qui verra le président faire face à un panel de Français. Théoriquement, ça s’appelle du populisme, quand il n’y a plus rien entre le président et ses électeurs. Plus de corps intermédiaires, médiatiques ou institutionnels.
Dialogue citoyen – déjà, un nom de merde – aura bien lieu jeudi 14 avril, mais sans Nadine Hourmant, la syndicaliste pas très douce du groupe Doux, le producteur de volailles. Il est vrai que la nana est remontée : elle a l’habitude d’engueuler les patrons, et les politiques. Du coup, le président, un peu lâche, ne voit aucune raison de se faire étriller par une harpie devant des millions de Français. Il a tort : s’il était mieux conseillé, il irait affronter la vilaine syndicaliste en montrant qu’elle s’en prend toujours aux mêmes, à ceux qui produisent de la richesse, et de manière caricaturale. L’image de la France qui ne fait que réclamer, récriminer, revendiquer, au lieu de bosser. C’est pas le fond de notre pensée, c’est juste la bonne tactique pour un président dans les cordes. Il a choisi de zapper la volaillère, tant pis pour le spectacle. De toute façon, ces émissions, tout le monde s’en branle. Il n’y a dedans ni « dialogue » ni « citoyen », juste la tentative d’une chaîne en perdition de redynamiser une audience qui en a marre de la théâtralisation stérile du politique. Ou de la stérilisation théâtrale du politique, au choix.
Cependant, depuis que les gros micros se sont tendus sous son bec, la Nadine y a pris goût. Les caméras, c’est la maladie moderne. Plus on en a, plus on en veut ! On peut plus faire un pas sans raconter ses impressions, sa vie. Souvenons-nous d’Audrey Pulvar, qui avait envoyé un communiqué disant qu’elle et Arnaud Montebourg se séparaient... Presque aussi grotesque que la demande en mariage de Raymond Domenech à Estelle Denis un soir de branlée !
Voici son interview star dans Marianne :
Marianne : Depuis quelques jours, vous expliquez que l’Élysée ne voulait pas que vous soyez présente sur le plateau de France 2 jeudi soir (ce que confirme notre enquête). Avez-vous obtenu une réaction de France 2 ou même de l’Elysée ?
Nadine Hourmant : Non, aucune réaction. Ils savent pourtant où me trouver même si je ne suis pas de ce monde là. J’ai un peu de mal avec les politiques. J’ai souvent eu l’occasion d’en croiser. Je n’en garde pas de bons souvenirs. C’est pour cela que je ne leur fais pas de cadeaux.
Que vous inspire cette histoire ?
Je ne comprends pas pourquoi je ne peux plus m’exprimer. François Hollande a peur d’être déstabilisé par une syndicaliste ? Moi j’ai encore des valeurs, des convictions. La première fois que je suis allée à « Des Paroles et Des Actes » (en septembre 2014, face à plusieurs personnalités politiques comme NKM, François Bayrou ou Marine Le Pen, ndlr), cela n’a posé de problème à personne.Vous aviez voté Hollande en 2012 ?
Oui, dès le premier tour. Maintenant, cela me dégoûte d’aller voter. Je n’irai plus voter pour personne, c’est fini.Quelles étaient les questions que vous aviez préparées ?
Je voulais l’interroger sur ce discours de janvier 2012, lors d’un meeting au Bourget, quand il parlait de « son ennemi, la finance ». Il a fait des promesses aux Français. Je voulais aussi lui parler du pacte de responsabilité et des milliards distribués aux patrons. Je voulais juste lui passer des messages. On m’avait demandé d’être cordiale. Je sais l’être.
La fonction cachée de ce dispositif est de valider la position dominante du politique par rapport au peuple, qui est en demande (d’explication, de travail, de justice). Une espèce de divinité descendrait sur terre et sur un plateau télé pour dispenser phrases et miracles (en général le président trouve un emploi dans la foulée au chômeur de service)... En outre, on veut nous faire croire qu’interpeller le président en direct serait un signe de démocratie. Tu parles, c’est la revanche sociale pour les nuls. Attention à ce que l’ego ne passe pas devant la cause...
Dans le genre harpie combative, une étoile immense vient de s’éteindre. Écoutons l’homélie du Monde :
« Née le 17 mars 1937 à Riga (Lettonie) dans une famille juive, Maya Surduts a beaucoup voyagé et consacré sa vie au militantisme. D’abord à Révolution, un groupe trotskiste, dans les années 1970, puis à la Ligue communiste révolutionnaire (LCR). Elle adhère également au Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception (MLAC), créé en avril 1973 dans le but de légaliser l’interruption volontaire de grossesse en France. »
Maya Surduts, que tous les Français connaissent et admirent, pensez, c’est la femme qui les a fait passer du Moyen-âge au IIIe millénaire. Combattante de la liberté, de toutes les libertés : sexuelle, d’avortement, d’égalité homme/femme, homo/lesbienne, socialisme et barbarie et tout ça. Originaire de Lettonie, cette pasionaria est une légende de la résistance à tout ce qui est mal : le capital, le patriarcat, le machisme, le racisme et l’antisémitisme. Car tout est lié, n’est-ce pas. On lui doit de pouvoir se débarrasser de 200 000 bébés par an, de se taper le visage radieux de Caroline Fourest dans les médias publics, et la pénétration LGBT dans les écoles de nos enfants. Une sacrée amie de l’humanité ! Son look et son phrasé de sorcière ne doivent pas nous tromper : elle était dans le camp (oups) du Bien.
La qualité de la vidéo est déplorable, mais le devoir d’information passe avant tout :