Noël approche, mais la Pauvreté, et sa fille Misère, ne reculent pas. Noël, le mot magique que Najat Belkacem ne peut même pas prononcer, est une fête de générosité, d’ouverture aux autres, pas de repli sur soi, même si de l’autre côté du Rhin, un camion noir sorti de l’enfer a écrasé des innocents, donnant envie de se replier chez soi.
Un libéralisme – rien que le nom est une arnaque – de plus en plus débridé sème et fait pousser des pauvres sur les trottoirs. En plus, on en importe de pleins camions des pays pauvres. Combien de temps nos sociétés avancées tiendront-elles avant de craquer, personne ne sait. Mais déjà, une concurrence inter-pauvres se fait sentir…
La revue en ligne Causeur du couple Lévy & Finky parle de la confrontation à Lille entre les pauvres de souche et les jeunes migrants africains. Pauvres de souches, pauvres de branche, on aura tout vu. Le journaliste raconte l’histoire de ces 150 migrants qui ont squatté un coin de parc public…
Accueillis il y a trois ans par un pasteur dans son temple (protestant), la poignée de mineurs devient vite trop nombreuse, et commence à faire du barouf. Malgré les subventions, une salle de la société Saint-Vincent-de-Paul ne peut plus assurer le gîte et le couvert de la meute. Il y a deux ans, fin 2014, les jeunes en question investissent le parc. 200 militants de gauche les équipent en tentes, matériel et bouffe. Une évacuation pour « occupation sans titre » est décidée, ce qui arrange Martine Aubry. Seulement, l’avocate des clandestins souligne qu’il n’y a pas eu de « proposition de relogement », ce qui est… illégal. L’âge des jeunes entrant en ligne de compte, mais personne n’arrive à savoir s’ils sont majeurs ou mineurs. Du coup, une partie a été relogée officiellement, et l’autre squatte un bâtiment du CHRU de Lille...
« Vous n’en avez que pour vos migrants, tout ce qui compte, c’est vos sans-papiers »
- Le campement sauvage a été évacué le 23 novembre 2016
Le souci, c’est que les clandos squattent dans un quartier qui est déjà pauvre, et ça énerve les habitants, familles immigrées, artistes désargentés et « petits Blancs ». Qui ne reçoivent pas autant d’aide que les nouveaux arrivants.
Conclusion ? La résolution de la pauvreté nationale n’intéresse pas le Système, qui a besoin de superpauvres contre ses propres pauvres. Il y a un paradoxe du superpauvre, qui peut être économiquement oisif, et très utile à la fois. Utile pour créer une sous-classe qui va faire des pauvres occidentaux des « nantis », c’est mathématique, et un bon vivier pour produire du chaos non terroriste, crever le filet social, justifier la fin de la Sécu, trop bonne mère pour tous, saturer la justice, la police, paralyser une partie des services publics, quoi… Que des avantages pour les ultralibéraux !
De la congruence objective entre le sous-prolétariat et l’oligarchie.
Le superpauvre de souche ou de branche permet aussi, accessoirement, de faire une bonne affaire, pardon, une bonne action, au moment où ces salauds de bourgeois festoient. Une BA permet de faire baisser le culpabilisomètre personnel, sans oublier la jolie pub en passant. Un proverbe – ou une sourate – arabe dit que quand on fait le bien, on ne le crie pas sur les toits.
C’est pas le cas du sieur Debré, Jean-Louis de son prénom (petit-fils de Simon, grand rabbin et auteur d’un livre sur l’humour judéo-alsacien), ex-président du Conseil constitutionnel, désormais aux Archives, un fauteuil bien douillet de la République, cette bonne fille (enfin, pas pour tout le monde), qui a trouvé « son » SDF :
Un an après son livre avec Debré, le SDF est sorti de la rue #AFP pic.twitter.com/7vBYijThFb
— Agence France-Presse (@afpfr) 17 décembre 2016
Si chacun avait son pauvre, c’en serait terminé des 150 000 à 240 000 mal-logés de France, pour 140 000 places d’accueil. Mécaniquement, un bon paquet se retrouve dehors. Depuis 2015, l’État loge les migrants à la place des SDF surnuméraires. 33 000 personnes sont toujours à la rue, quasiment le nombre de clandestins que Valls et Cazeneuve ont acceptés en 2016. Étonnant, non ? Des places ont été trouvées tout de suite. Preuve que quand il y a volonté politique... Ou plutôt oligarchique, le niveau du dessus. Métapolitique, quoi.
Puisqu’on parle beaucoup de l’Allemagne ces jours-ci, sachez qu’un rapport sur la pauvreté a été foutu sous le tapis par le gouvernement Merkel. Le miracle allemand présente quelques ratés.
Les Français savent – tous les propagandistes déguisés en économistes nous le serinent la télé – qu’il y a du boulot en Germanie, mais que les salaires sont « libres ». Du boulot à 2 euros de l’heure, c’est du pur esclavage. Mais l’Allemagne, c’est aussi la spécialiste la sous-traitance... à l’Est. Les fermes de Roumanie emploient des dizaines de milliers de travailleurs qui gagnent, il est vrai, plus que le salaire moyen national. Tout est relatif. C’est bien le problème : grâce à la relativité, les pauvres de souche peuvent – et doivent – trouver leur sort très appréciable face à celui des pauvres de branche. Mais quand l’oligarchie soigne trop ces derniers, la pilule ne passe plus !
Dire qu’on avait éradiqué, dans les années 60, le dernier bidonville de France (à Nanterre), et voilà que le libéralisme nous en plante un peu partout. Quel progrès. Dernière chose : les pinailleurs auront remarqué que le libéralisme appelle « crise » ce qui ne lui convient pas, mais qu’il a lui-même produit.
Ein gross merci à l’Allemagne qui, avec ses 16 millions de pauvres et ses 4 millions de surendettés, fait passer la France et ses 8 millions de pauvres pour le premier de la classe en matière sociale. Si on n’a pas réussi l’Europe, du moins aura-t-on réussi l’Europe des pauvres.