Il y a 83 ans jour pour jour éclatait non pas la Seconde Guerre mondiale, mais la manifestation du 6 février 1934. Les ligues de droite – on ne disait pas encore les « fachos » à tout bout de champ – manifestent contre le limogeage du préfet de Paris par le gouvernement Chautemps suite à l’énorme scandale politico-financier dit Stavisky. Un juif polonais escroc dans l’âme – son père désespéré se suicidera – qui entraînera dans sa montée puis sa chute une bonne partie du crédit des gouvernants de l’époque. Il symbolise depuis la dangereuse consanguinité entre les mondes de la finance et de la politique. Toute ressemblance avec bla, bla, bla… serait purement fortuite, OK ?
Un jour en France sans Fillon !
Après avoir essoré des centaines de millions de francs au Crédit municipal de Bayonne, Stavisky se planque à Chamonix, est retrouvé par la police, et se « suicide » de deux balles dans la tête. La droite accuse le gouvernement d’avoir voulu effacer les traces de collusion entre lui et l’arnaqueur.
- Les manifestants sur les marches de la Bourse
« À bas Chautemps ! À bas les voleurs ! Stavisky au Panthéon ! » crient les militants de l’Action Française, la puissance montante de l’époque. Associés aux Camelots du Roi, ils sont bientôt rejoints dans une configuration très « rouge-brune » par les communistes ! Et les communistes de l’époque, c’est pas des Marie-Georges Buffet et compagnie, c’est du soviet de base, le coutelas entre les ratiches. Derrière tout ce bouillonnement de rue se profile la tentative de la droite de récupérer le pouvoir après les élections de 1932, qui ont porté le Cartel des gauches aux affaires.
Les affaires, c’est le cas de le dire : Stavisky a mouillé une bonne partie des ministres, qui démissionnent en rafale (ses procès successifs, malgré des preuves accablantes, ont été gentiment ajournés). L’antisémitisme monte d’un cran, Chautemps (avant d’être remplacé par le radical Daladier, l’ancêtre de la Pinel) se fait dénoncer comme « franc-maçon » – ce qu’il est – c’est le bordel droite/gauche à la française mais avec la composition d’une opposition populaire, populiste dirait-on aujourd’hui, tout à fait étonnante.
L’antiparlementarisme est issu de ces événements. La Chambre ? Tous des pourris. C’est le mot de l’époque, attention, ça vient pas de nous. Chiappe, le préfet de Paris, plutôt de droite, est donc muté, la droite enrage, l’extrême droite pète les plombs, on résume parce qu’on n’a pas la journée, et ça donne la grande manif du 6 février 34, ses dizaines de morts, on ne saura jamais vraiment, et 2 000 blessés du côté des manifestants et des forces de l’ordre. Le député SFIO Marcel Déat dira :
« Le 6 février, place de la Concorde, il y avait des réactionnaires, des fascistes, des petites troupes organisées et courageuses, oui ; mais il y avait aussi une foule énorme de braves gens qui n’avaient pas d’opinion politique mais qui, en revanche, avaient des sujets de mécontentement et de colère. Il y avait même des radicaux et des socialistes et s’ils manifestaient c’était contre les saligauds qui déshonorent la République. »
Et là, on a carrément un début de révolution. La Chambre des députés a eu chaud aux fesses, car le colonel de La Rocque a refusé de marcher sur elle avec ses troupes Croix-de-feu. Ça tire des deux côtés. S’il y a de braves gens dans la foule, il y a aussi des militants armés, qui veulent combattre jusqu’au bout.
6 février 1934 – 6 février 2017
83 ans après, les mœurs se sont un peu calmées, mais la tension reste vive. Le schéma d’une fusion des populismes – droite nationale et gauche communiste – contre le régime « démocratique » en place n’est pas utopique, lorsqu’on assiste à la violente recomposition des plaques politiques. Avant de s’attaquer au régime des partis, ces deux représentations populaires s’en sont prises aux médias, accusés de complaisance, voire de complicité avec la structure de dominance.
Sous cette double pression, les partis classiques ont explosé, mis à part le FN, qui a profité de la redistribution des cartes. Il a notamment aspiré une partie de l’électorat du PC. Voilà pourquoi cette campagne n’est pas comme les autres : elle a lieu au milieu des soubresauts des appareils, dont certains sortent à peine de la fumée d’un tremblement de terre. PS et Républicains sont par terre.
En plus des partis, donc, ce même électorat contestataire s’est mis en tête de punir les médias associés à « l’ancien » régime. Car ne nous y trompons pas : si les mêmes sont toujours au pouvoir, ce dernier est tellement contesté qu’il n’a plus de base morale, qu’il ne tient plus que sur du sable, celui des institutions qui ne sont visiblement plus adaptées. Les médias sur la sellette ont pourtant essayé de s’associer à la chasse aux oligarques, ou à leurs représentants les plus voyants (les fusibles Hollande, Valls, Sarkozy, Juppé), mais ce revirement n’a pas été très spontané.
« Quand on fait profession de vertu, quand on veut tomber le masque des dissimulateurs, quand on glorifie la transparence, on doit soi-même donner l’exemple », écrit encore le journaliste Luc Le Vaillant, chef du service Portraits de Libération, qui reconnait toutefois qu’Élise Lucet « n’est pas la seule » dans le petit monde de la télé à ne pas vouloir parler d’argent. « L’ensemble des gens de télé se cachent derrière leur petit doigt en la matière. Ils estiment que Madame Michu ne comprendrait pas qu’ils en croquent autant alors qu’ils s’adressent à des chômeurs longue durée, à des petits retraités ou à des mères célibataires », déplore le quotidien.
Élise Lucet incarne cette tentative de restauration de la vertu du système médiatique, et fait ce qu’elle peut dans le cadre contraignant de l’information mainstream. Aujourd’hui, tout ce petit monde tire à boulets rouges sur Fillon, qui fait office de paillasson pour ceux qui auraient les chaussures un peu sales, c’est-à-dire les médias montrés du doigt par la foule. La bonne occasion de se refaire une santé sur le bouc de service. Oui mais voilà, dans l’esprit du peuple des Français informés (ou réinformés, ce qui revient au même), le « média » est toujours associé au « politique ». Même si, après une révolution, on a déjà vu les journalistes devenir subitement libres, balançant sur leurs… anciens maîtres.
Conclusion ? Le vent médiatique tournera quand le centre de gravité de l’électorat aura vraiment bougé et ce, dans le sens de ses intérêts, pas de celui de l’oligarchie. On n’y est pas encore, mais on y vient. Toutefois, ne rêvons pas, on ne verra pas de sitôt l’équipe de Cash Investigation venir fouiner dans les comptes du CRIF ou de la LICRA, dont on ne sait pas trop comment ils vivent, ni les flambeurs de l’investigation de Canal+ enquêter sur le pouvoir profond français... Le vent de liberté vient à peine de se lever, en France, à l’échelle de son histoire…
Application du théorème précédent, 200 consommateurs ou citoyens, au choix, viennent de manifester à Dijon contre le compteur électrique Linky. Alttention, ils ne sont pas partis avec des fourches et des piques pour détruire les magnifiques compteurs qu’EDF nous propose gentiment, mais pour refuser que ce compteur soit imposé à tous. Et pourquoi ? Linky c’est le progrès, non ?
Linky ou le progrès... de la surfacturation
Pour avoir enquêté sur le sujet, on peut vous dire, un peu à l’avance par rapport à la diffusion (gratuite, ici c’est un vrai service public de l’info) de ce travail, que le compteur Linky est une méthode imparable pour ôter aux gens le contrôle de leur consommation.
On n’a pas d’information fiable sur la dangerosité cancérigène de cet appareil à ondes, mais une chose est sûre : il communique avec EDF quand il veut, enfin, quand EDF le veut, et pas avec vous. C’est de la fausse communication, et les factures s’en ressentent. Nous avons les preuves de l’installation de compteurs Linky qui n’ont pas communiqué en deux ans (alors que ça fonctionne côté EDF avec un simple bouton !), soit deux ans de factures calculées non pas sur une conso réelle, mais estimée ! Et attendez, le meilleur, pardon, le pire, c’est le rattrapage chaque année – toujours dans le sens d’EDF, jamais au bénéfice du client – d’une facturation sous-estimée... Soit des corrections de l’ordre de 600 à 800 euros... de plus que ce que le client payait normalement, avant l’installation...
Peut-être qu’il faut financer ces millions de petits Linky (et l’énorme trou d’Areva), un appareil théoriquement gratuit, dont le coût est inclus dans l’abonnement mensuel à un fournisseur d’électricité. On parle d’EDF mais il y a d’autres fournisseurs. Restons sur EDF, sujet sur lequel nous avons investigué, selon l’expression des boys d’Élise.
La révolte des consommateurs dijonnais est respectable, mais l’axe de leur résistance n’est peut-être pas le bon : c’est sur la facture que tout se passe, et de manière invisible ! Nous avons contacté le magazine Que Choisir à ce propos, mais ses journalistes ne s’avancent pas : il n’y a pas de preuve que le client (ou le gogo) finance sans le savoir ce compteur progressiste. Pourtant, des milliers de Français ne comprennent pas le saut non pas de leur consommation – on fait tous gaffe en temps de crise – mais de facturation ! Au téléphone, les commerciaux d’EDF expliquent qu’on ne fait « pas d’économies », qu’on ne met « pas le lave-vaisselle en marche après 22h30 »... Une farce !
Et le lien entre le 6 février 34, la recomposition du système médiatico-politique sous les coups de boutoir des Français réinformés, et le compteur Linky, c’est quoi ? Bougez pas, il arrive.
De la résistance pas si passive que ça
Moralité : pour couler un parti politique, il suffit de ne plus voter pour lui (le cas du PS actuellement), pour éteindre un média social-traître, de ne plus le regarder ou l’acheter (Canal+), et pour éliminer un produit douteux, de le boycotter. Toute solution efficace ne peut être que collective, assise sur une information fiable et une action disciplinée. Ceci dit, il y a des choses qu’on ne peut pas boycotter, et c’est là qu’on voit qu’elles sont bien accrochées, comme ces associations qui surveillent, encadrent et criminalisent la liberté d’expression. Il reste à pister leur financement, à trouver qui contrôle leur robinet à fric. C’est un peu le compteur Linky qu’on n’a pas demandé, et qui nous pompe l’air.