C’est le grand mercato de la télé mourante. Moins de spectateurs, moins de jeunes, un fromage publicitaire réduit et pulvérisé à la fois, rapport à la multiplication des chaînes et des chaînes de la TNT. Ce vieux média qui devait tuer le cinéma – en vérité c’est autre chose qui a tué le cinéma... – est à son tour menacé de crever par l’Internet. Une sorte de justice immanente, mais ça ne résout pas le problème de la liberté d’expression de toutes les sensibilités politiques dans l’audiovisuel, public ou privé.
Ceux qui disent avoir jeté leur télé pour échapper à la propagande ou avoir déchiré leur carte d’électeur pour ne plus tomber dans le « piège à cons » de l’élection se fourrent le doigt dans l’œil du Cyclope : la propagande continue sans eux. Il ne s’agit pas de forcément regarder la télé ou continuer à voter, mais de piger comment ça marche. Ceci étant dit, en augmentant le nombre de non-votants aux élections et de non-regardants à la télé, on finit par affaiblir mécaniquement la propagande, même si le processus peut prendre des siècles.
Ce lundi 5 juin 2017 de Pentecôte, c’est la télé qui fait l’actualité. Laurent Ruquier pleurniche sur son vote, Ernotte vire Leymergie mais déplace Drucker avec une douceur infinie, et Les Enfants de la télé arrivent à la rentrée sur France 2, mais sans Arthur. Que d’émotions !
On commence par Lolo la pleurniche, qui confie dans une interview fleuve au Monde son regret d’avoir voté pour Mélenchon. « Je me sens cocufié et trahi », lance l’animateur drôlatique. L’interview démarre par une pleurniche sur ses origines modestes, histoire de justifier sa réussite financière actuelle :
« Je me suis retrouvé seul avec mes parents âgés (ma mère m’a eu à 40 ans). Eux qui venaient de la campagne, étaient déconnectés des autres familles dans la HLM du Havre où j’ai vécu jusqu’à l’âge de 14 ans. À cause de tout cela, j’étais souvent seul dans ma chambre. Ma fenêtre sur l’extérieur, c’était la radio. »
Imaginez sa vie atroce d’ado au Havre, avec seulement ce papi cochon de Philippe Bouvard comme ami... D’autant que sa mère répétait en boucle : « Ah celui-là ! S’il y avait eu la pilule, il ne serait pas là… » À lécole, c’était encore plus dur : « Je me sentais différent, physiquement moche, pas costaud et économiquement plus faible que les autres. Ma seule façon de m’intégrer, c’était de faire rire. » Plusieurs complexes zèbrent l’âme de Lolo : celui du provincial, celui du pédé, celui du pauvre, du maigrelet, du timide... Sa revanche sera terrible !
Heureusement, un jour, la chenille devient papillon. On connaît la suite. Lolo devient un homme riche, qui fait vivre des dizaines d’humoristes, il faut lui reconnaître cela. En radio, télé ou théâtre, c’est lui qui tient la barre de l’humour en France. C’est pas le dernier des cons et des salauds, et son succès est mérité. Mais voilà, Lolo continue de chialer, alors qu’il est comblé ! Les tweets qu’il reçoit après ONPC le minent et lui donnent chaque année envie d’arrêter.
- Lolo, devenu riche, rêve d’habiter cette demeure avec son prince charmant
Oui mais voilà, il faut payer le petit manoir de Normandie ! Le Figaro s’est fait un malin plaisir de diffuser la photo et le prix de ce cadeau des dieux. Et c’est vrai que ça pète ! Sauf que Lolo ne l’a pas encore acheté :
Je rêve en effet d'acheter ce manoir . Mais je ne l'ai encore ni Visité ni même signé une promesse de vente .
— Laurent Ruquier (@ruquierofficiel) 3 juin 2017
Et Lolo ne rigole pas avec ça :
Mes avocats feront le reste .
— Laurent Ruquier (@ruquierofficiel) 3 juin 2017
De plus, Lolo, qui est « conscient du pouvoir de prescription d’“On n’est pas couché” », ne voit pas qu’il y inocule la pensée unique, ce qui saute aux yeux de tout Français non aligné. Et il commence à donner des leçons de bien-pensance à tout le monde...
« J’ai trouvé l’attitude de Jean-Luc Mélenchon au soir du premier tour tellement déplorable que je me suis senti cocufié et trahi. Quand on est leader politique, on se doit d’être responsable. Il aurait dû dire : faites ce que vous voulez mais moi, je vais voter Macron pour faire barrage au FN. »
Rien que ça. On attend sa décision sur le conflit syrien. Plus loin, il conclut :
« Je sais que je suis devenu un privilégié mais j’ai conscience que le quotidien est difficile pour les gens modestes. Je comprends – même si je ne l’accepte pas – pourquoi ils vont voter Marine Le Pen ou Mélenchon. C’est aussi la raison pour laquelle j’ai voté pour lui au premier tour. Ce n’est pas pour mes intérêts à moi, bien au contraire ! Je l’ai fait car je crois que cela aurait pu améliorer le sort des gens qui sont en difficulté. Mais ses 18 % lui sont montés à la tête, il a eu une attitude de dictateur avec des positionnements absurdes. »
Mal vu de la part du dictateur de l’humour français...
Au moins l’animateur Arthur n’a pas ce genre de problème de conscience. Venu lui aussi d’un milieu modeste, il assume pleinement sa fortune, estimée à 300 millions d’euros. Il continue à faire de la télé parce que ça l’amuse, pas pour le pognon visiblement. Michel Drucker aussi, qui est depuis longtemps à l’abri du besoin, grâce aux milliers d’heures passées à l’antenne de France 2.
À la fois animateurs et producteurs, Arthur et Drucker semblent indéboulonnables : même quand leurs émissions ne marchent pas ou moins bien, ils ne sont pas menacés. La presse ne les descend pas, il y a un... plancher de verre là où d’autres ont un plafond de verre... William Leymergie, qui a fait partie de la charrette des « vieux Blancs de plus de 50 ans » de Delphine Ernotte, n’aura pas eu la chance de Mimi : il a été débarqué de Télématin après 32 ans de bons et loyaux services, après avoir rempli la case matinale et la caisse publicitaire de France 2, et finira sa carrière sur C8, c’est-à-dire Hanouna TV. Le purgatoire !
- Bienvenue chez Moi, William !
L’Express se fera un plaisir de démolir le bonhomme et son « comportement limite », comme si ce n’était pas le cas de tous les animateurs. On scrutera leur nécro télévisuelle d’Arthur et Drucker avec attention.
Morale de fin, comme dans les fables de La Fontaine
Dans la vie il y a ceux qui ont droit à l’erreur, et les autres.