Il est facile de flinguer les émissions télé de décryptage télé. Elles ont toujours été (logiquement) corporatistes, limitées dans leur champ (d’investigation, on ne va pas flinguer la Famille), et consanguines. Thomas Thouroude est passé du foot à l’humour, puis de l’humour à l’info. Il a maigri, en quittant Canal+ pour France 2, la chaîne qui récupère les anciennes gloires du privé (Claire Chazal, trop « mûre » pour TF1, a sa culturelle sur France 5).
Acrimed, littéralement « action critique média », a fait sa notoriété – bien méritée car il y a un travail de fond – sur la critique média, et particulièrement la télé. Le pli a été pris à la fin des années 90, suite au succès du petit livre de Serge Halimi sur la télé, Les Nouveaux Chiens de garde (1997, Liber-Raisons d’agir), un hommage symbolique au pamphlet marxiste Les Chiens de garde de Paul Nizan (1932, Rieder) qui tirait à boulets rouges sur la philosophie de pouvoir de l’époque. Avec Halimi Junior, le public découvrait, horrifié, que la petite lucarne n’était pas juste le sympathique et fidèle miroir des Français, mais le champ principal de la domination politique, le laboratoire de l’assujettissement.
Ce travail étant fait, 20 ans plus tard, on surprend Acrimed à défourailler sur un innocent, le pauvre Thomas Thouroude, qui rame pourtant avec une émission de décryptage de l’actu, qui ne trouve pas son public.
Reprocher à la télé de faire de la légèreté, alors que son rôle est justement de tout alléger, revient à reprocher à la pluie de mouiller. Acrimed, qui dispose d’une bonne force de frappe analytique, fond toutes griffes dehors sur un quart de collabo. Ça ressemble à une embuscade de maquisards en 1944 qui arrosent une ambulance boche de leurs Sten (mitraillette d’époque).
Plus intéressant, on aura remarqué un détail révélateur, mais non révélé par Acrimed : la présence en tant que chroniqueuse de Nathalie Schuck , la journaliste très siono-compatible du Parisien, pour qui le score du FN aux élections européennes du 25 mai 2014 était « un jour sombre pour la démocratie ». Le chroniqueur dans une émission dite de divertissement « informationnel » a parfois plus de poids (politique) que le présentateur. Il en est de même des présidents de la République – Mitterrand, Sarkozy, Hollande – par rapport à leurs « conseillers » : Attali, BHL, Minc…
Quittons ces rivages pollués pour une nouvelle plus fraîche, plus belle, plus féminine. Kim Gros Cul Kardashian (c’est pas nous qui le disons, c’est elle, et son mari Kanye West qui insiste pour que la chirurgie développe encore cette partie du corps, déjà relativement protubérante, à croire que le rappeur veut en faire une Vénus Hottentote), s’est fait piquer pour 10 millions d’euros de bijoux dans un palace parisien.
La nouvelle fait le tour des rédactions, qui s’échauffent, qui twittent, qui enflent l’événement. C’est pas la première fois qu’on choure dans un hôtel. Il y a un petit siècle de cela, George Orwell, dans son étonnante autobiographie consacrée à sa vie de galérien, Dans la dèche à Paris et à Londres, évoquait déjà la mince, la très mince frontière entre le monde des voyous, et celui de l’hôtellerie. Et souvent, la confusion entre les deux.
Cinq faux flics ont braqué puis ligoté la gonzesse, qui a paumé une bague à « quatre millions d’euros » dans l’affaire, cinq millions de bijoux et deux téléphones. On espère qu’elle est pas chez Orange parce que Orange ne rembourse pas les portables volés (surtout aux adolescents), dont l’assurance coûte généralement, par mois, plus cher que le forfait !
Aussitôt, n’écoutant que son courage, NKM, qui lorgne sur le juteux fauteuil d’Anne Hollandalgo, a évoqué la « contre-pub » que cet attentat représentait pour « l’image de Paris », qui perd année après année des places dans le peloton des villes les plus visitées. La raison ? Pas seulement les attentats de 2015-2016, mais aussi la saleté, la cherté, les migrants et les SDF qui fleurissent sur les trottoirs, la vétusté, les métros qui roupillent à une heure du matin, quand les noctambules sortent (paraît que c’est sur « demande » des syndicats de la RATP), une ville sans joie ni fête, qui a foutu ses artistes et ses pauvres dehors (eh oui, dans les pauvres il y avait les vrais artistes, pas les bouffons de l’Art contemporain), sans oublier la gentrification et la genrification du centre historique.
Ah, une info avant de quitter Kim, qui a pris le premier avion au Bourget pour les États-Unis, ce pays de Paix & d’Amour : dans le petit monde de la presse people, certains voituriers, liftiers, garçons d’étages et autres femmes de chambre sont rémunérés en cash pour fournir des infos aux acheteurs/revendeurs de scoops, et parfois à quelques voleurs de haut vol. Pas grand-chose n’a changé depuis le Hush hush de James Ellroy et les potins d’Hollywood, avec chantages à la clé sur la drogue et la sexualité des stars.
Comme le décrit admirablement le chef d’oeuvre de Scorsese, Casino, à peine une star gorgée de fric a-t-elle foutu le pied dans un palace, qu’un coup de fil se déclenche. Dans ce marigot, il y a des stars (parfois complices), des journalistes, enfin, qui en ont le nom, des truands, mais aussi des policiers, pour protéger tout ce business. Un business à un ou deux millions de lectrices par mois, qui veulent tout savoir sur Kim & Kanye. On dira que Kim Fat Ass a été victime de la notoriété… qui fait vivre cette femme sans talent. Au moins, avec ce saucissonnage (on imagine le rôti final), Kim aura enfin créé quelque chose de vrai.
On s’extirpe du monde marécageux des people pour plonger au cœur du peuple avec le derby Lyon/Saint-Étienne, dit aussi le derby OL/ASSE. Olasse, ah ah ah. Hier soir, dans son nouveau stade flambant neuf qui a coûté une blinde (640 millions dont 180 pour le seul aménagement des accès) et quelques expropriations douloureuses, mais rien à voir avec les colonies israéliennes tout de même, Lyon disposait de « Saint-É » par deux buts à zéro. Un derby, c’est un match entre deux villes régionales concurrentes, la querelle de clochers de l’ancien temps. Aujourd’hui, avec les « communautés de communes », ça a quasiment disparu. Même si la ville de Saint-Denis, en se surdéveloppant, a par exemple laissé loin derrière elle la ville d’Aubervilliers, qui cumule les records en matière de difficultés sociales.
Les difficultés sociales, très peu pour Aulas. Un gros capitaliste régional – le roi du logiciel de compta et de gestion – qui a réussi, et qui a relancé le foot dans cette ville qui a longtemps été la risée de Saint-Étienne, avec ses Verts de légende, son public incroyable (le Liverpool français, à moins qu’Anfield ne soit le Geoffroy-Guichard britannique). En 30 ans, Aulas a reconstruit le club, qui végétait en deuxième division, l’a pérennisé avec son centre de formation (peut-être le meilleur d’Europe), et enfin musclé avec de grands joueurs étrangers (Anderson, Juninho, Benzema). Après avoir raflé une bonne dizaine de titres, dont sept de champions de France d’affilée, il dame le pion à son rival stéphanois, dont l’étoile palissait d’autant.
- Être de droite ne veut pas forcément dire détester la gauche
Oui mais voilà, avec des Tapie et des Aulas, le foot standardisé, devenu plus efficace, à tous points de vue, a perdu en vie ce qu’il a gagné en professionnalisme. Le derby est l’une des dernières survivances du foot du passé, que les télés s’arrachent (le match du dimanche a été avancé à 20h45 pour que Canal+ puisse remonter son audience) parce que justement il fait oublier l’évolution blafarde. Le libéralisme en matière de football, c’est exactement comme le libéralisme en politique ou en économie : ça crée d’un côté une immense richesse, et une fabuleuse pauvreté de l’autre. Que les médias préfèrent oublier, c’est moins vendeur.
Pour finir cette chronique sur une note insolite, saluons l’élection de Raymond Domenech – non non, c’est pas une blague – comme président de l’UNECATEF. L’UNECAmachin c’est quoi ? Le syndicat des entraîneurs, en gros. L’entité presque de gauche des mecs qui gagnent plein de fric en Ligue 1 mais qui se font virer à coups de pied au cul à la moindre série de trois défaites. Un avant-goût du libéralisme pour les riches : tout le monde sera sur la sellette !