L’idéologie hitlérienne se construisit d’abord en opposition aux principes du siècle passé. En particulier, sur le plan des idées qui nous intéressent ici, la révolution national-socialiste fut avant tout une révolution anticapitaliste. Cette dimension était fort vive à la naissance du parti, et elle l’avait été tout autant dans des deux systèmes qui fournirent aux Nazis leur inspiration : le bolchevisme russe et le fascisme italien. Comme le dira Eugen Weber, « s’il est un point sur lequel les Fascistes et les Nationaux-Socialistes étaient d’accord, c’est sur l’hostilité au capitalisme ». Bien que ce ne fût pas le seul point commun entre le nazisme allemand et le fascisme italien, loin s’en faut, l’opposition au capitalisme de libre-marché est l’une des plus évidentes.
L’anticapitalisme formait le fond idéologique du mouvement nazi tout entier. Pour une minorité de membres du parti il est vrai que ce n’était là qu’une dimension annexe. Pour d’autres, dont Gregor Strasser, Joseph Goebbels, et Gottfried Feder, l’anticapitalisme était le fondement de leur engagement politique tout entier. Pour Strasser notamment, les choses étaient claires : la révolution national-socialiste avait comme « condition préalable » le renversement du capitalisme et devait signifier le « rejet du système individualiste de l’économie capitaliste ».
Il faut le dire néanmoins, le capitalisme n’était pas beaucoup soutenu en Allemagne. La droite, paradoxalement, le rejetait presque. Pour la gauche, des socio-démocrates aux communistes, il représentait l’ennemi à abattre, et si tous ne s’accordaient pas nécessairement sur les moyens à mettre en place, ils étaient du moins en parfait accord quant à l’objectif ultime. Un autre mouvement politique partageait leur anticapitalisme radical : le parti national-socialiste d’Adolf Hitler. Lors d’un congrès célèbre, François Mitterrand expliqua que pour être socialiste, pour mériter l’adhésion au Parti Socialiste, il fallait rejeter énergiquement la société capitaliste et son système économique d’exploitation. L’Allemagne du XIXe siècle donna naissance à de nombreux hommes qui partagèrent cette haine pour le capitalisme. Karl Marx en fut un excellent exemple ; Hitler aussi. Pour s’en convaincre il suffit de prendre la peine de l’écouter. « Nous sommes socialistes, clama Hitler dans un discours de 1927. Nous sommes les ennemis du système économique capitaliste actuel, avec son exploitation des économiquement faibles, avec ses salaires injustes, avec son évaluation indécent de l’homme selon la richesse et la propriété, plutôt que selon la responsabilité et la performance, et nous sommes déterminés à détruire ce système à n’importe quelles conditions ».
Hitler voyait dans le capitalisme le mal absolu. De manière logique, il considéra l’individu capitaliste, l’homme d’affaires, comme le plus âpre et plus direct adversaire du national-socialisme. Autant il affirmera avoir toujours reconnu que les communistes pourraient rejoindre le Parti national-socialiste, autant, à l’inverse, il n’imagina jamais comment des capitalistes pourraient le faire et adhérer à son idéologie : « Nos adversaires ont tout à fait raison quand ils disent : "Rien ne peut nous réconcilier avec le monde national-socialiste". Comment un capitaliste borné pourrait bien s’accorder avec mes principes ? Il serait plus facile pour le Diable d’aller à l’Église et de se bénir d’eau sacrée plutôt que pour ces gens de comprendre les idées que nous tenons aujourd’hui pour des faits ».
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