Youpi, c’est la rentrée politique. À droite, les candidats s’affrontent dans une primaire pour mener le camp de la banque, de l’oligarchie et du lobby militaro-industriel à la victoire. À gauche, le coup de feu du départ a aussi été donné : la gauche de la gauche, ou gauche du PS, dite aussi gauche de la droite, attaque le président en place – on allait dire « sortant », tant il est vrai que Hollande n’est jamais vraiment entré dans la fonction. Mais chacun a droit à sa chance, et tout le monde peut s’améliorer.
Les traîtres de service Mélenchon et Montebourg tirent les premiers (et Larrouturou s’est fait éjecter de son parti Nouvelle Donne, pour avoir apparemment trop « personnalisé » le mouvement), c’est de bonne guerre socialiste, avant de se désister lâchement pour le social-démocrate couvert de leurs crachats. Le principe de réalité en politique a en réalité figé la politique, et l’évolution du pays. La France souffre de son parti unique, celui de la banque, de l’oligarchie et du lobby (militaro-industriel, voyons). Tant qu’il ne sera pas remis en cause, ou contrôlé démocratiquement (par autre chose qu’une Chambre d’enregistrement), elle fera du surplace, et souffrira. La dominance a du bon lorsqu’elle est éclairée (De Gaulle, Kennedy), mais devient néfaste quand elle est aveugle, ou aveuglée par ses propres intérêts.
En quoi diffère cette rentrée des autres rentrées, même si objectivement il n’y a pas de coupure dans l’actu, (avant, c’était quand les « grands » journalistes prenaient leurs vacances... au même endroit) ? Le terrorisme, bien sûr, cette menace planante – cette épée de Daech ou glaive de Gladio – à laquelle nos dirigeants nous disent qu’il faut s’y habituer. S’y habitueront-ils lorsque surgira un terrorisme véritable, venu d’en bas, et qui les visera ? Pas sûr.
Si rien ne change, au fond, tout se complique, pour reprendre le titre d’un album de Sempé : des provocations au déchirement des communautés – ce qu’on appelle aujourd’hui l’ingénierie sociale – se multiplient. Après l’épisode Black M qui devait chanter à Verdun (il vient de répondre avec ce clip dégoulinant de démagogie), une initiative conjointe du lobby antiraciste et du président de la République, ont suivi les épisodes Burkini et Cénacle.
Le burkini est cette tenue islamique pour dames qui vont aux bains, pour parler en langage châtié, et le Cénacle le nom de ce restaurant de Tremblay (93) dont le patron a refusé de servir deux femmes voilées. Dans les deux cas, photos et vidéos de la « provocation », quel que soit le côté duquel on se place, ont été prises et aussitôt mises en lignes ; quant au feu, il a été mis aux poudres.
Depuis, le village gaulois symbolisé par les réseaux sociaux ET les intervenants habituels du monde médiatico-politique (les « résoces » [1] incarnent l’irruption du public – du moins de sa partie active – dans le débat officiel, un progrès démocratique obtenu par force et qui change la donne) s’écharpe et s’entre-déchire. Comme d’habitude, on allait dire.
Là encore, le temps verra les manipulations des uns et des autres détricotées. Mais aujourd’hui, on peut dire que les épisodes 2 et 3 bénéficient au président, qui cherche à recoller avec sa base électorale d’origine immigrée, malgré les croche-dalles de son Premier ministre, qui est ouvertement en campagne contre son boss, et qui prend un malin plaisir à envenimer les choses. En maniant le « pas d’amalgame » d’un côté et le « dans burkini y a burqa » de l’autre. Gros clin d’œil aux Français non musulmans qui voient d’un mauvais œil la montée d’un islamisme décomplexé dans les lieux publics.
- Pendant que Sarkozy tente de resiphonner les voix du FN, Valls siphonne les voix de Sarkozy
Ce qui neutralise cette petite ingénierie, c’est qu’elle est sapée à la base, dès qu’elle montre le bout de son (faux) nez : Hollande envoie son message de tolérance en direction de la communauté pour espérer récupérer les 90% de son vote de 2012, Valls abat le message en vol à la satisfaction des électeurs de droite – on est dans un schéma Chirac/Sarkozy de 2004-2006. Dommage collatéral pour la social-démocratie, le FN et les musulmans offensifs (CCIF) tirent les marrons du feu. On assiste donc aux conséquences d’une lutte au sommet, entre deux pions de l’oligarchie, qui allument et soufflent sur les mêmes feux. Le grand perdant, c’est le vivre-ensemble, le terme correct pour la cohésion nationale, car il y a « nationale » dedans et c’est pas bien.
Là où le Français non familiarisé avec la politique incendiaire peut s’inquiéter, c’est de voir que les représentants de la dominance ont intérêt à allumer des feux, en accuser leurs adversaires, et à souffler dessus. Si quelques candidats (Juppé, Fillon) en appellent – timidement – à un apaisement des tensions (le terme « réconciliation » semblant dangereux à utiliser pour eux, du coup on ne parle même pas de « réconciliation » et « nationale »), on ne les entend pas dans le concert des provocations. Espérons qu’on n’est pas à nouveau en 1913 !
Analyser la place de l’islam dans la France
avec Kontre Kulture