La France aime bien les classements. On classe les élèves par « intelligence » diront les uns, par soumission à l’ordre dominant selon les autres, ce qui n’est pas faux, l’ordre dominant incluant tout ce qu’il faut penser à un moment « M ». Mais au final, c’est le mérite qui l’emporte. Des classements que l’on retrouve dans toutes les rubriques sans imagination des intros des news magazines (maintenant on appelle ces pages des « starter »), avec « les tops & les flops », « en hausse/en baisse » et autres conneries lassantes.
On classe car on vit dans une société hiérarchisée, avec tout en haut les puissants et tout en bas les impuissants, ceux qui n’ont de prise sur rien, même pas sur leur propre vie : les derniers appartiennent aux premiers et les premiers s’en servent, pour leur gloire (admiration craintive), leurs bénéfices (exploitation économique) et leurs guerres, dans les opérations extérieures ou intérieures (terrorisme).
Le journal Le Parisien a classé 385 villes de plus de 5 000 habitants en Île-de-France où il fait bon vivre, selon les critères de transport, environnement, coût de la vie, éducation, santé, commerces, services publics, sports et loisirs.
Il n’y a pas eu de surprise : il y a zéro ville du 93 dans le top 20. Peut-être une ville de Seine-Saint-Denis apparaît-elle dans le top 500, juste à la fin, en trafiquant un critère ou deux. On a quand même regardé jusqu’au bout, et on a trouvé « Livry-Gargan » à la... 103e place. On déconnait à peine.
C’est vrai que Livry-Gargouille est une ville plutôt verte, et plutôt mieux achalandée question entreprises et commerces que ses voisines. Oui mais le classement a dû être fait avant le terrible crime antisémite contre l’humanité qui a vu « trois Noirs » s’en prendre à « trois juifs » pour leur arracher 150 000 euros de bijoux. C’est comme ça, aujourd’hui : la presse aux ordres essentialise les faits divers. Et essentialiser, c’est politiser. Les juifs innocents ne sont pas morts, heureusement, sinon on en parlait encore dans 100 000 ans. Du calme, Frédo-la-procédure, on plaisante, on a encore le droit, c’est Jaku qui l’a dit, il a autorisé les Français à rire de tout et il est au-dessus de toi dans la hiérarchie des Maîtres.
- Bienvenue à Aubervilliers, ville de tourisme (social)
Au fait, pourquoi les villes du 93 sont-elles absentes du top 100 ? Ben… d’abord elles sont pauvres, peu d’entreprises s’y implantent, le niveau général d’éducation et de formation y est faible, à part à Saint-Denis dans le nouveau quartier des sièges. Là encore, attention ! C’est pas par amour du 93 mais parce que le foncier y est trois fois moins cher qu’à Paris : 3 000 euros au m2 à Saint-Denis contre 9 000 en moyenne à Paris. À un jet de pierre du périph, ça vaut le coup de couper la poire en trois.
Mais il y a l’environnement : c’est laid. Même le soleil n’aime pas le 93. C’est pas de la faute des immigrés qui y habitent en masse (« ils nous apportent le soleil » disaient les trotskystes immigrationnistes dans les années 70), mais de la fin du cycle de désindustrialisation. Les artisans y ont disparu, le filet social laisse des trous béants, les services publics y sont chiches, les gens ne payant quasiment pas d’impôts. On exagère à peine : peu d’entreprises, peu de CSP+, pas mal de violence, le seul truc que le 93 produit, c’est de l’humoriste communautaire et du champion sportif. Arts martiaux, foot, athlétisme, etc., le gros vivier national est là. Ah, si on pouvait exploiter la violence sociale, ce serait bien. Mais c’est comme le soleil, on ne maîtrise pas encore très bien cette énergie considérable.
Le 93 est moche, mais il se soigne. Le lifting urbain y est permanent, des efforts sont faits, la ville des Rois a ainsi reçu de grosses injections de silicone public dans les seins avec le Stade de France et les lignes de transports attenantes. Une (re)dynamisation qui a laissé sa voisine d’Aubervilliers exsangue, d’autant qu’elle se tapait tous les clandestins dont Paris ne voulait pas. C’est par exemple là qu’Abaaoud a trouvé refuge après la tuerie du Bataclan le 13 novembre 2015. Il a été logé par le fameux Jawad, qui maintenant déprime en prison, le pauvre. Mais pour beaucoup de Parisiens, qui n’y foutent pas les pieds et n’y foutront jamais les pieds, Saint-Denis c’est la cité des 4000 avec sa violence et son deal. On veut bien acheter sa came dans une cité du 9-3, mais on ne veut pas y rester, et encore moins y vivre.
À notre connaissance, le dernier Blanc des 4000 a dû être le punk Jean-Louis Costes, qui a résisté longtemps au remplacement. Aujourd’hui, il vit à la campagne et poste sur Facebook des photos de champs et de forêts. Ce changement environnemental a aussitôt eu un effet positif sur ses spectacles : il a présenté une dramaturgie pour enfants intitulée Lapin Macron et fourmi Fillon (attention, c’est pour les enfants mais de plus de 18 ans, surtout à la fin) :
Après cet interlude bucolique, reprenons le fil du 93. Le Monde du 14 septembre 2017 a titré « 93 : l’indispensable industrie du shit ». Pas la peine de parler d’amalgames, la délinquance pousse sur le terreau social sinistré, on le sait tous. Ce qui n’est pas une excuse, évidemment. L’économie du shit, donc : un milliard de chiffre d’affaires, 100 000 emplois. Voilà qui va relativiser le chômage endémiquement haut du 93 !
Il y a près de 1 600 000 habitants dans le 93 – on a inclus les dizaines de milliers de clandestins – une population qui croît de 100 000 personnes tous les 10 ans. Et qui possède la première natalité de France (en retirant Mayotte). Le 93 tire la natalité française vers le haut : chaque femme africaine à partir de 12 ans fait plus de 60 enfants et chaque père de famille africain qui règne sur 10 pondeuses crée donc 600 enfants par an en bouffant 10 millions d’euros d’aides sociales !
On déconne, c’était pour rendre Louis Aliot et les identitaires du FN fous de rage, mais la fake news est féconde à droite. En vérité, il y a officiellement 350 000 étrangers en Seine-Saint-Denis, soit plus d’un cinquième de la population du département. Et 450 000 immigrés, ce qui est (un peu) différent : les immigrés comprennent les étrangers et les étrangers qui ont acquis la nationalité française. On peut dire qu’il y a un bon demi-million d’immigrés dans le 93.
Le chômage y avoisine les 20%, soit près du double de la moyenne nationale (17% contre 10%). Mais avec tous les traficotages statistiques de l’État, on peut considérer qu’avec les emplois précaires et les sous-emplois, sans compter les non-comptablisés qui ne croient plus dans le Pôle Emploi (et on ne parle même pas du black), on est au-delà des 25% d’inactifs en âge de travailler. À ne pas confondre avec les inactifs qui ne sont pas en âge de travailler : les retraités et les enfants.
Donc 100 000 emplois – selon France 2 – c’est pas rien. Ça fait tenir tout le filet social. La shit-économie est vitale dans le 93. Les partisans de la légalisation avancent que les dealers pourraient se reconvertir à la californienne dans un commerce qui crée des emplois. Il y aurait moins de violence interbandes, moins de contrôle policier et plus de rentrées fiscales. Mais ça, c’est la version soft de la légalisation, car il n’y a pas que la drogue qui plombe le 93... En parlant de ça, le numéro un de la lutte antidrogue vient d’être mis en examen pour « complicité de trafic de stupéfiants ». Alors, collusion inhérente à toute lutte sérieuse contre les gros trafiquants, ou voisinage dangereux à la Michel Neyret ?
On a été lire un rapport très sérieux sur le conspirationisme à propos d’une éventuelle implication de l’État dans le trafic de drogue : rien n’est avéré. Les services de la santé publique luttent contre les effets désastreux que peut avoir la drogue (dure) sur les organismes, tandis que de nombreux policiers sont mobilisés contre le trafic. Et l’État n’est pas un, il est pluriel : un étage peut ignorer ou entrer en conflit avec ce que fait un autre étage...
Cependant, au niveau où sont les choses, c’est-à-dire la fragilité du tissu social du 93, pour ne prendre que ce département qui centralise 50% du trafic national, réprimer à mort serait improductif. Même Pasqua le savait, et voulait légaliser. Bon, en même temps, Pasqua, derrière son job de commercial en pastaga (à partir de 2’08 sur la vidéo), il avait des activités à la limite du frauduleux...