Séquence épouvante, pardon, émouvante, hier soir, dimanche 11 septembre 2016, à Lille. La chaîne du froid France 3 Nord-Pas-de-Calais était là pour immortaliser la rencontre entre les familles des cheminots qui avaient sauvé des juifs des griffes de la déportation, et les familles des juifs en question.
C’était il y a exactement 74 ans, le 11 septembre 1942, dans la gare de Lille Fives. Parmi les 500 juifs déportés par les nazis ce jour-là, 34 seront sauvés par 24 cheminots. Des enfants de non-déportés sont donc descendus d’Israël en France (on monte en Israël, ça s’appelle l’aliyah, et on descend en France, c’est comme ça, ne nous demandez pas pourquoi) pour féliciter les descendants des héros de la SNCF, une bien belle opération de « com » pour la compagnie nationale et pour Israël. Les larmes ont dû couler, le champagne (cacher) peut-être aussi, et puis ça change des gigantesques prunes que la SNCF a dû payer sous la pression du Grand Contrôleur américano-israélien à cause de la déportation des juifs français dans des wagons de la SNCF, justement. La SNCF qui prend une prune avec 70 ans de retard…
On espère que ça nous fera un paquet de Justes de plus, et un tas d’accusations d’antisémitisme par Haziza et sa bande en moins. Notez que la voix off du reportage ressemble étrangement à celle qui est utilisée dans les parodies de Groland. Mais on a vérifié : tout est sérieux. La Shoah peut donc créer du bonheur, en quelque sorte. Elle n’apporte pas que des désavantages. On aimerait maintenant que les héros de la taxe carbone nous rendent les centaines de millions d’euros qu’ils nous ont piqués, mais ça n’a rien à voir. En fait, ça a à voir : si ces margoulins nous rendent le pognon, on les fait Justes parmi les Nations. On a le droit, non ? Chaque pays peut avoir ses Justes, sinon c’est pas juste.
Un qui est super Juste, c’est le Dalaï Lama. Ce n’est pas le descendant direct de Bouddha, dont on ne sait pas s’il a charnellement existé (il faudrait demander à l’inamovible bouddhiste de service Matthieu Ricard, mais on a la flemme), mais le mec fait partie de la longue lignée des Lama, ces dignitaires religieux, qui se situent entre ciel et terre, Ciel et Terre, pardon. Les asiatiques aiment bien les Éléments.
Le Dalaï est tibétain, et les Tibétains ont des ennuis avec les Chinois. C’est le tigre contre la mouche. Cette entité spirituelle toujours habillée d’un rouge qui vire au pourpre clair, nous fait l’honneur d’une visite assez politique, et ça énerve Pékin. Pékin n’est pas le nom d’un type, mais celui de la capitale chinoise. Comme on dit le Kremlin, ou Washington, et pas le Washington. Les autorités chinoises ne se gênent pas pour faire pression sur les pays occidentaux qui accueilleraient un peu trop bien l’emmerdeur des Hauteurs. Qui est à la Chine ce que le pape Jean-Paul 2 était à l’URSS dans les années 80. Une sorte d’agent de la CIA, mais en robe.
Nos responsables politiques, toujours aussi courageux, obéissent obséquieusement au géant rouge (Pékin pas Dalaï), et éviteront donc le mec en robe, sinon c’est des sanctions économiques, des contrats en moins, etc. Au fond, on s’en fout un peu de leur contentieux sino-chinois : le Dalaï (en général, pas forcément celui-ci) a toujours œuvré ou utilisé la puissance diplomatique américaine pour faire chier Pékin, allant jusqu’à toucher du pognon de la CIA. D’un autre côté, vu le niveau relativement pitoyable des exportations françaises en Chine, et la qualité pourrave des produits qu’on en importe, ce serait pas la fin du monde. La France pullule d’agents chinois, dont les réseaux se réveillent quand on met un coup de pompe dans le cul de leur nationalisme. En même temps, ils en ont un. On peut pas en dire autant.
Le coup diplomatique foireux de la semaine, c’est le dessin de Charlie Hebdo qui se moque des victimes du tremblement de terre italien. Sans se faire les avocats du journal satirique, qui a désormais les moyens de se payer Me Jakubowicz ou même carrément la LICRA toute entière en défense, ce n’est pas un dessin qui a fait trembler la région d’Amatrice, et tué près de 300 personnes. Sauf que Charlie ne croit pas en Dieu, et que les Italiens, surtout après la manifestation de colère divine, y croient toujours autant. Ce sont deux conceptions du monde qui se heurtent, et ça provoque une incompréhension majeure.
Attaquer Charlie ne ramènera pas les disparus, mais ça n’excuse pas un dessin facile sur les morts. On souligne facile, car aujourd’hui, tout le monde fait dans le trash, en dessin dit d’humour. Le trash est devenu tellement bateau qu’il en est devenu chiant, qu’on tourne la page dégoulinante de sexe ou de sang sans même un sourire. Le trash, ou l’humour choquant, avait du sens dans les années 70, quand Reiser ou Coluche se lâchaient sur tous les tabous. On en pense ce qu’on veut, mais il y avait de quoi cogner. Près de 50 ans plus tard, des Coco et des Félix, il y en a des wagons entiers, qui font tous au même moment M le même dessin attendu D juste après l’événement E.
Cet automatisme d’écriture et de trait démultiplié ne choquant plus grand monde, il faut augmenter la dose, dégueuler sur tout ce qui mérite encore un peu de respect, la souffrance des pauvres, par exemple. Et encore... Non, ce qui est choquant, c’est l’aspect moutonnier de ces dessinateurs, qui sont 250 à faire du sous-Reiser, alors qu’il y a tant de champs à explorer, sur la nouvelle dominance, par exemple, que ces panurgistes ne se risquent jamais à égratigner. On ne les voit curieusement pas appliquer leur « violence » graphique ou scénaristique – une violence issue d’un ensemble de frustrations sociales et personnelles – sur les pédophiles du showbiz ou de la Justice, sur les francs-macs influents aux affaires douteuses, les gros réseauteurs sionistes, ou les grands prédateurs internationaux. Et on ne parle même pas des choses plus sombres encore, qui nécessitent la lecture d’une bonne pile d’ouvrages bien ardus. Aux simples, tout est simple.