C’est la colère du jour : Samy Naceri, l’acteur emblématique de la série des Taxi du 1 au 4, se retrouve exclu du banquet de la préparation du 5e opus. Comme il le dit lui-même, les Taxi c’est 50 millions d’entrées en cumulé, une grosse pub pour Peugoet (la fameuse 406 spéciale) et pour la ville de Marseille. OK, les flics passent pour des abrutis dans le film, mais Besson n’a jamais fait dans la dentelle question scénario. Plutôt dans la reprise, mais c’est un autre débat.
Là on va rester concentrés sur Samy. Blaireau rebeu qui a laissé passer une chance inouïe pour les uns, acteur populaire qui n’a pas su gérer son succès pour les autres, toujours est-il que Samy se retrouve aujourd’hui sans un flèche. Luc (Besson) lui a tendu plusieurs fois la main, mais Samy retombe souvent dans les outrances, et les fantômes du passé. La nuit, les boîtes, les potes, les marlous, les affaires, les flics, les juges, l’hosto… tout ça se conjugue assez mal avec la bankabilité que toute prod sérieuse réclame à son acteur fétiche.
Et puis il y a les assurances, très important les assurances : c’est ce qui fixe la valeur réelle d’un acteur. Tous les défauts, le potentiel de dangerosité et l’imprévisibilité d’un acteur sont évalués, et il en sort un niveau de fiabilité. Qui conditionne la prise de risque d’une prod. Par exemple, outre-Atlantique, Johnny Depp est en train de tout perdre, Disney le lâchera probablement après son Pirate des Caraïbes 5. Trop d’alcool, de violences en couple (Amber Heard l’a roulé dans la farine avec une vidéo), d’image négative… pour le Studio qui vise le public jeune mondial. Walt Disney Animation Studios pèse 14% de la distribution mondiale, numéro 2 derrière la Warner. Alors on ne vient pas bourré sur un tournage, et on ne néglige pas les prods à 230 millions de dollars. Disney en cinéma c’est 42 milliards de CA, 5 milliards de bénef par an, et 113 milliards de capitalisation boursière.
Luc Besson et ses Taxi sont loin derrière, mais le 1 a fait 6,5 millions d’entrées en France, le 2 a dépassé les 10 millions, le 3 a fait 6 millions (simillon !), et le 4 près de 5 millions. Le budget, lui, est passé de 8 millions à plus de 17 millions par film. Petit pour l’Amérique, mais gros pour la France, et trop gros pour prendre le moindre risque avec Samy. Le business, c’est le business. En cinoche comme en politique, c’est le pognon qui décide. Et ça peut tout changer.
Regardez, Yannick Noah est resté pendant des années le Français préféré des Français, et depuis ses ennuis avec le fisc, et ses histoires de divorce un peu galère, il a rétrogradé dans le classement. Ses sorties anti-FN ne l’ont pas aidé à rester populaire non plus, quand il a annoncé qu’il changerait de pays si Marine Le Pen devenait présidente. La menace grotesque de trop.
Écoutons sa courageuse chanson Ma Colère sortie en 2014, et qui sent le désir d’un petit coup de pouce fiscal :
Un exil courageux, un truc à la Hugo, mais avec une petite arrière-pensée, tout de même. On ne va pas rentrer dans les détails mais Yannick devait un paquet de fric au fisc, et il a joué sur sa qualité de citoyen suisse, passant plus de 6 mois là-bas (240 jours par an pour son cas). Et à Zurich, on peut dealer avec le fisc. Pas à Paris. Un expatrié fiscal doit justifier plus de 6 mois par an passés à l’étranger. Malheureusement, les enquêteurs du fisc – eux, mieux vaut ne pas les avoir sur le dos, c’est autre chose que les enquêteurs du Monde – ont déterminé que le coquin n’avait pas passé plus de 183 jours de l’autre côté des Alpes ; du coup il aurait dû payer ses impôts en France, soit un bon million d’euros, avec 40% de pénalité dedans.
Derrière des déclarations superdémocratiques du Yannick, il y avait le petit exilé fiscal qui s’exprimait. Aujourd’hui, Macron est passé et la perspective d’être déporté au Cameroun a disparu. Et Yannick a payé sa dette, soit 661 457 euros à l’État français. Il aura mis près de 30 ans à devenir un bon citoyen. Mais il y est arrivé.
L’honnêteté, parfois, est un long processus. En politique aussi, c’est souvent sur le tard qu’on avoue des choses. Par exemple, ce jeudi 8 juin 2017, Frédéric Lefebvre s’est lâché sur franceinfo, devant la bande à Bernstein et Aphatie. Il a raconté les menaces du vilain Sarkozy, et l’influence toxique de Buisson sur la droite républicaine. Soudain, Fredo est devenu droit, innocent et pur comme l’agneau qui vient de naître. C’est beau, la politique, quand ça s’arrête.
"J'ai été menacé par Sarkozy dans la loge de Carla Bruni" confie Frédéric Lefebvre sur son départ de LR. "Je ne reconnais plus ce mouvement" pic.twitter.com/u7xXpRo2M1
— franceinfo (@franceinfo) 8 juin 2017
"Sarkozy a emmené la droite sur une pente glissante". Frédéric Lefebvre dénonce la droitisation de Sarkozy avec Patrick Buisson #8h30aphatie pic.twitter.com/3cKimzc6t5
— franceinfo (@franceinfo) 8 juin 2017
L’honnêteté, un concept variable. Si on passe son temps à faire des coups bas et qu’à la fin, de sa vie professionnelle ou personnelle, la main sur le cœur, on se confesse, alors tout le monde applaudit. Même le dernier des salauds a droit à une standing ovation, car ce qui compte, c’est le chemin parcouru. Si tu as beaucoup péché, il te sera beaucoup pardonné. Fredo s’est confessé, il se retire de la vie politique, tout va bien. Maintenant, au tour de Benjamin Griveaux d’entrer dans l’arène et de slalomer entre les affaires. Le porte-parole d’En marche ! est déjà dans le dur avec l’affaire Ferrand, le député qui aurait détourné un peu d’argent public en Bretagne. Heureusement, un porte-parole ça sait jouer avec les mots :
« L’ensemble de ces pratiques sont extrêmement courantes… Ça [les aides publiques] vient financer des bureaux, des chaises, des blouses pour les agents. Quand on parle d’enrichissement personnel, il faut remettre les choses dans l’ordre »
Mais c’est surtout sur la réforme du Travail qu’on attend la doublure voix de Macron. Là, avec ce qui se profile en matière de destruc, pardon, de réforme des acquis sociaux, il va falloir mentir avec un peu plus de talent.
Quels sont les 3 objectifs de la Loi Travail selon Benjamin Griveaux ? pic.twitter.com/5O7Vs2KgWd
— BFMTV (@BFMTV) 8 juin 2017