Jeudi 2 mars 2017 c’est l’anniversaire de rien, la Journée de la Femme (laquelle ?) arrive dans 6 jours, donc on va se calmer et embrocher trois bonnes pièces d’actu avec notre épée justicière : les menaces de mort contre le Canard enchaîné, le procès de Marine Le Pen contre Jean-Luc Mélenchon, et enfin la reprise du mensuel Lui par Frédéric Taddeï.
Un Canard bien gras non touché par la grippe aviaire menacé d’abattage !
Le Canard enchaîné est donc la cible de menaces de mort. Le volatile, comme il s’appelle lui-même, s’offusque à juste titre dans son édito du 1er mars 2017 de ce que la démocratie bla-bla-bla. Où l’on sent que la haute idée de pureté morale qu’il a de lui-même est profondément blessée :
« Quatre semaines que les journalistes, pour avoir pris les deux héros de la droite et de l’extrême-droite les mains dans le pot de confiture, sont devenus d’affreux gauchistes à la solde de l’Élysée, qui menacent rien de moins que la démocratie et la République. »
Bon, après ce lyrisme à deux balles, deux ou trois vérités. D’abord Le Canard vise bien, selon le plan oligarchique établi par l’État profond, à affaiblir ou éliminer François Fillon et Marine Le Pen, qui sentent un peu trop la France. Pour cela, l’oligarchie joue son atout, le jeune Macron, que tout le monde connaît. Il est le candidat de la Banque et des Médias, et le Canard, malgré ses dénégations de vierge effarouchée, fait partie de l’ingénierie. Assis sur une fortune colossale pour un journal contestataire (près de 100 millions d’euros), il est aussi important que Le Monde dans le concert du Média Unique, celui qui sert de relais aux oukases de nos dominants, les vrais, pas les autres. Ceux des lobbies, pas ceux de Matignon ou de l’Élysée, qui sont là pour se prendre des œufs et des tomates de la part d’un peuple habilement induit en erreur.
Sans cautionner les menaces de mort, qui ne sont jamais agréables – on en sait quelque chose mais le Canard n’a jamais volé au secours de ce qui devrait être un confrère – on peut affirmer que l’hebdo des francs-macs ne risque rien. Déjà, la moyenne d’âge de la rédac doit avoisiner les 95 ans, quasiment celle des anciens nazis poursuivis par le couple Klarsfeld. Vous savez, ces deux tendres historiens qui ont acheté une paire de patins à roulettes à leur fils abruti par la Shoah.
De plus, les jours du Canard sont comptés. Pas comme l’espèrent les vilains anonymes, mais parce que le Canard, comme toute la presse mainstream, coule lentement et sûrement. Les très grosses ventes des numéros « Fillongate » et « Penelopegate » ne compensent pas ce que le journal a perdu : à part ces pics à 500 000, il ne vend « plus que » 370 000 [1] par semaine. Ce qui est encore beaucoup au regard des ventes pitoyables du Monde et de Libé, et surtout du reste de la presse magazine d’information. C’est toute la propagande de gauche qui a pris un coup dans l’aile depuis 10 ans (Internet, presse gratuite, chaînes d’info continue, etc.). Son audience globale baisse de 5% par an. Même le lectorat de gauche semble en avoir marre du gavage.
Il n’y a pas que la presse de gauche qui souffre, il y a aussi les partis de gauche. Aujourd’hui, avec Hamon, Mélenchon et Macron, on dispose de 3 gauches de gouvernement (on met de côté les écolos et le NPA, qui ne pèsent plus rien). Devant la montée du populisme incarné par Marine Le Pen, ces gauches n’ont qu’un mot à la bouche pour non pas séduire l’électeur, mais l’effrayer : fascisme !
« Pourquoi voulez-vous que le peuple français soit le seul peuple qui ait envie d’avoir un fasciste à sa tête ? »
C’est tout ce qu’a trouvé Mélenchon pour qualifier son opposante il y a 6 ans, presque jour pour jour. C’était le 5 mars 2011 sur i>Télé. La justice a tranché : oui, Jean-Luc Mélenchon peut dire de Marine Le Pen qu’elle est « fasciste ». La Cour de cassation a jugé que le terme fasciste était « dépourvu de caractère injurieux lorsqu’il est employé entre adversaires politiques sur un sujet politique », selon L’Express .
Pour Mélenchon, il s’agit d’une « caractérisation », pas d’une insulte. De la part d’un trotskiste – Trots un jour trots toujours – inféodé au PS, pour qui il finit immanquablement par se désister, c’est une attaque classique. L’accusation de fascisme qui date d’un siècle était utilisée par les trotskistes contre leurs opposants politiques, histoire de décrédibiliser immédiatement leurs propos ou réponses. Un tour de magie que toute la gauche a utilisé et usé jusqu’à la corde.
Sauf qu’aujourd’hui, le socialisme – qu’il soit de tendance mélenchoniste ou hollandiste – est plus rejeté par le peuple que le pseudo-fascisme dont on a, indirectement, affublé ce dernier. Car le problème, c’est que la gauche a perdu le peuple. Mélenchon incarne et incarne très bien l’ultime tentative de l’oligarchie de récupérer le peuple avec un programme adapté, c’est-à-dire légèrement souverainisé. Déjà, en 2012, Marine Le Pen lui avait mis une branlée au premier tour des présidentielles (17,90% des voix contre 11,10), sans oublier la gifle des législatives à Hénin-Beaumont (11e circonscription du Pas-de-Calais), où le candidat post-socialiste avait été défier la présidente du FN. Il avait au moins eu ce courage, que d’autres à gauche n’auront jamais eu.
Quant au vrai fascisme [2] qui gouverne concrètement la France, Mélenchon se garde bien de le dénoncer. Trop risqué !
- Audrey Fleurot aide la presse écrite à surnager
Heureusement, il reste la tendresse, et sa promotion. C’est ce qu’a entrepris Frédéric Taddeï en reprenant les rênes du magazine pour hommes Lui, né dans les années 70 lors de la grande libération sexuelle. On pouvait voir des femmes à poil, au soleil, dans des villas ou sur des plages de rêve. Les amateurs de nu n’étaient plus obligés d’acheter des magazines porno sous le manteau, vendus une blinde par des escrocs. La démocratisation du cul allait commencer, et commencer à tout changer. 40 ans plus tard, n’importe qui a accès à du X sur l’Internet. Alors, pour ne pas crever, la presse masculine a dû s’adapter, et se consacrer à un lectorat à la fois plus solvable et plus cultivé. C’est pour cela que Beigbeder, qui a relancé le titre en 2013 pour Jean-Yves Le Furs, a relevé le niveau d’une presse qui avait sombré dans la porcherie industrielle. Le premier numéro avec Léa Seydoux s’arrachera à plus de 300 000 exemplaires, pour retomber à un rythme de croisière de 70 000 (officiellement).
Frédéric Taddeï, viré en loucedé de la télé pour une émission un peu trop libre de propos au regard de ce qui se fait dans le PAF (on se demande d’ailleurs si son éviction n’a pas de rapport avec la proximité de l’année électorale), veut faire de Lui un truc trimestriel et luxueux, avec de la culture, « du sens et du style ». On espère que la rédaction d’E&R touchera son exemplaire afin d’analyser scupuleusement la ligne politique de cet organe de presse néomachiste.