Une fois n’est pas coutume, nous n’allons pas faire dans le hard news, cette expression américaine pour les nouvelles politiques, ce dont les journalistes prestigieux s’occupent. Les restes du banquet, on appelle ça la rubrique société, les faits de société, et encore en dessous, les faits divers (ou chiens écrasés). Pourtant, derrière les faits dits divers, se cache l’information-structure. C’est là-dedans que piochait l’écrivain Simenon pour brosser le tableau de la société française du XXe siècle. Une sorte de Balzac, sans les envolées littéraires.
On va commencer par cette saisie de 300 kilos de résine de cannabis sur la A36, une info relatée par BFM TV, la chaîne de propagande continue qui avait titré sur la défaite de Trump la nuit de sa victoire :
Le poids lourd a été signalé au peloton motorisé de la gendarmerie par un automobiliste, inquiet de le voir zigzaguer sur l’autoroute A36. Des réservistes de la gendarmerie l’ont ensuite intercepté, alors qu’il était sorti de l’autoroute.
Deux ressortissants espagnols se trouvaient à bord. Le chauffeur, âgé de 43 ans, a été contrôlé positif à la cocaïne, éveillant les soupçons des enquêteurs. Quelques 299 kilos de résine de cannabis, dissimulés dans la cargaison de vêtements ont été découverts lors de la fouille du véhicule par le chien de la brigade cynophile.
Dommage pour les fumeurs de Franche-Comté, mais bravo aux pandores, qui l’ont un peu mauvaise nationalement depuis les événements du 13 Novembre, où la priorité a été donnée par le préfet Cadot à la police... Enterrons la hache de guerre des polices pour nous concentrer sur le fait du jour. Les « go fast » espagnols étaient donc défoncés, ce qui donne une bonne indication de leur niveau de compétence. Si les forces de l’ordre ont théoriquement d’autres chats à fouetter que de courser les dealers, surtout en période d’état d’urgence terroriste, ils ne crachent pas sur une petite prise... notamment de 300 kilos. En général, la drogue provient du Maroc, où il s’agit d’un trafic d’État, très rémunérateur.
Pourquoi parler de drogue, un sujet archi-rebattu ? Parce que la drogue, sa production et sa commercialisation, est un pur trafic d’États, au pluriel. Avec les moyens satellites modernes, impossible d’ignorer les coordonnées exactes des champs de cannabis et de pavot. Le pays qui voudrait en finir avec la drogue bombarderait ou ferait bombarder les cultures en question. Il y a bien sûr la souveraineté des États producteurs qui entre en ligne de compte. Par exemple, le Maroc est très choyé par l’Union européenne en général, et la France en particulier. Donc on laisse le business se faire, et de temps en temps, on chope un go fast défoncé ou imprudent, quand il n’est pas dénoncé par la concurrence. La justice s’exerce, mais jusqu’à un certain niveau. Après, c’est djoudjou (tabou). Secret défense.
Il en est du terrorisme comme du trafic de drogue. Les États ne peuvent l’ignorer : un camp d’entraînement terroriste ne peut exister qu’à l’abri d’un État, un réseau terroriste ne peut perdurer qu’avec une logistique solide, suivie par le renseignement du pays hôte, ou d’un pays étranger. Pour ceux qui croiraient encore à un terrorisme introuvable...
Pour éviter d’exciter les grandes oreilles d’Echelon et de la NSA, on va parler de pizzas. De pizzas et de drones. On apprend que la marque Domino’s, une parmi toutes les marques industrielles qui fabrique ces fameuses tartes italiennes, a effectué sa première livraison par drone. On n’est pas ici pour faire la pub ou la contre-pub de cette marque, qui s’était fait dérouiller gravement dans le numéro d’été de Lyon Capitale, qui avait eu l’idée de faire un comparatif des marques lors de l’Euro de football 2016. Domino’s était arrivée bonne dernière. Dans la ville de la gastronomie en plus... Il va falloir se ressaisir, chez les ingénieurs de la multinationale de la pizza, présente dans une cinquantaine de pays.
De la drogue à la pizza, il n’y a qu’un pas. Eh oui, tous les produits sur-salés et sur-sucrés sont dangereux pour la santé. Le sucre est une drogue relativement dure, en tous les cas addictive. Alors, livrer une drogue par drone revient à produire une émission du niveau de Touche pas à mon poste avec les moyens numériques dernier cri, et la diffuser sur une télé « 4k ». Le contenu est éminemment médiocre, mais la forme superbe. Une métaphore de l’évolution des médias depuis deux décennies. Inversement, le Net est sale, mais l’info y est plutôt pure, si l’on sait faire le tri. Logiquement, forme et fond devraient se rencontrer un jour. Puis se séparer à nouveau, suivant en cela le mouvement pendulaire de la Vie.
On va finir sur une note joyeuse, bien que discordante. Un couac dans le lobby sioniste. Alain Minc a pris publiquement fait et cause pour Juppé, et ce depuis un an, tandis que BHL ne peut pas le saquer. Cela date des atermoiements de Juppé, alors ministre des Relations extérieures sous Sarkozy, quand le président a décidé d’aider les « rebelles » libyens, allant ainsi dans le sens de BHL.
D’habitude, Minc et BHL sont sur la même ligne : sioniste, évidemment, mais de « gauche » libérale. Là, on sent que l’un ou l’autre perdra. Si Juppé passe en 2017, bien entendu. Mais relativisons cette nouvelle, dans laquelle d’aucuns ont vu trop rapidement un début de fragmentation de la Communauté régnante. BHL en 2007 avait misé sur Ségolène, et on l’avait retrouvé plus tard quasiment ministre des Affaires étrangères à la place de Juppé, sous la présidence Sarkozy...
Donc tout cela ne veut pas dire grand chose, à part peut-être le fait de contrôler le prisme politique dans son entièreté.
Voilà, on a fait le tour de l’info du jour, avec la drogue, les pizzas et BHL.