« Le quatrième grand défi, c’est la défense quotidienne des valeurs qui nous permettent de bien vivre ensemble : les fondamentaux d’une République sociale et laïque au sein de laquelle l’éducation, la recherche, la culture savent redonner du sens à notre vie commune, et nous prémunir des ravages de l’extrémisme, du racisme et de l’antisémitisme, du sexisme et de l’homophobie » (extrait de la tribune du mouvement Dès Demain dans Le Monde du 10 mai 2017)
Au milieu des convulsions du Parti socialiste, qui s’est fait sucer la moelle par la bande à Macron sous le sourire goguenard de François Hollande, on voit apparaître de tragiques soubresauts de tentative de survie. L’un de ces mouvements s’appelle Dès Demain, et cette resucée du Grand Soir est conduite par les trois grandes trahies du Parti, Hidalgo, Aubry et Taubira. Ces trois grâces sont censées incarner la pureté originelle du socialisme, qui fut un parti ouvrier.
- « Tu trouves pas qu’elle a grossi Martine... »
Ce sera difficile avec Hidalgo la culturo-sioniste, Taubira l’antiraciste antifrançaise, et Aubry la social-dem régionale. Rien à voir avec le grand parti ouvrier centralisateur des années 1900 (la SFIO a été créée en 1905 sur l’idée du socialisme qui elle, est née dans les années 1820, avant d’être englobée par l’idéologie marxiste). La lutte contre le capitalisme n’est plus à l’ordre du jour, et on bricole un reliquat d’espoir à base de féminisme, d’antifascisme et d’antiracisme qui n’a réuni que 6% des électeurs lors du dernier scrutin. Traduction : les veuves pas très joyeuses se battent pour 3% du gâteau. D’autant que Benoît Hamon, qui a envoyé le PS dans le mur pour les besoins de l’érection du Macron, fonde lui aussi son mouvement. Après l’explosion du 23 avril, la pulvérisation définitive de la grande idée sociale. Évidemment, c’est Mélenchon qui est content. Mais attention, le PS peut encore faire valoir son droit à la députation, et son implantation locale – si les socialistes résistent à l’aspirateur En Marche ! – peut provoquer des triangulaires pénibles en juin entre ex et néo-socialistes. C’est ce que préconisent les Républicains avec un Baroin qui se voit bien Premier ministre en cas de bon score de la droite avant l’été…
« Dès Demain » dans la (petite) vaisselle électorale
Dès Demain, c’est une énième nouvelle nouvelle gauche. Attention, quand on dit gauche, on pense « gauche des valeurs », ces fausses valeurs qui ont justement contribué à tromper les ouvriers et les petits employés, et à faire vivre toute une classe parasite avec la bienveillance de l’oligarchie. Qui s’est frotté les mains quand elle a vu le PS réussir à remplacer progressivement la résistance du Travail (fiche de paye, protection sociale) par le larmoyant combat contre l’éternelle souffrance des minorités éternelles (femmes, immigrés, homos et juifs) [1]. Cependant, avec trois décennies de retard – la vitesse de propagation de la lucidité politique dans le peuple –, les électeurs de gauche ont fini par punir les responsables visibles de cette arnaque pitoyable. Les responsables invisibles, eux, étant déjà passés à l’arnaque suivante, prête depuis longtemps. Gouverner, c’est prévoir !
Mais cessons là ces mesquineries et observons la liste des 160 qui fondent Dès Demain. Comme c’est un peu long (et pénible), on a exhumé une dizaine de noms emblématiques, une louche suffisant à donner le goût du tonneau entier : Christophe Alévêque, David Assouline, Patrick Bloche (maire du XIe), Elsa Boublil (madame Torreton), Luc Carvounas (proche de Valls), Jacques Higelin, Bruno Julliard (révolutionnaire devenu apparatchik), Patrick Pelloux (ex-Charlie)…
Tant qu’on est dans la liste à la Schindler [2], autant y rester. Le journal en ligne Causeur a sorti un drôle d’article qui mélange lucidité et propagande, ou plutôt qui arrête la lucidité aux limites que la propagande lui impose.
- Laurence Haïm pose devant ses couleurs
Résumé de l’affaire : le soir de l’intronisation de Macron comme 8e président de la Ve République française, TF1 diffuse un documentaire à sa gloire, sur son parcours, ses idées, bref l’hagiographie à laquelle on a traditionnellement droit et que Moati avait initiée avec François Mitterrand (qu’il télé-coachait par ailleurs). Une success story avec un peu de sel et de poivre dessus pour faire « vrai », et hop, c’est de l’histoire en marche. Dans ce docu-fiction, on aperçoit Macron se prendre une leçon de Shoah par Laurence Haïm pendant qu’il se fait maquiller. Laurence revient sur sa « gaffe » en Algérie, une gaffe certainement calculée, et sur l’exploitation de la Shoah. Car il s’agit de ça : on imagine bien que le Macron se fout des Algériens comme de sa première ligne (de TGV), seuls comptaient les bulletins de vote des Français d’origine algérienne. Mais alors que Lolo tance gentiment son fringant poulain sur la délicatesse de l’exploitation politique du « crime contre l’humanité », on entend le mot « copyright » lancé par une think tankiste, soit un « monopole » de « la communauté juive ». Réaction sur Causeur :
En tant qu’enseignante d’histoire ayant dirigé un ouvrage sur l’enseignement comparé des génocides du XXe siècle, mes oreilles ont sifflé en écoutant le raccourci partiel et partial de Laurence Haïm, mais le « copyright », ça je n’y croyais pas. Le crime contre l’humanité serait une marque déposée par et pour les Juifs ? J’avais dû mal entendre. Dès que le documentaire fut disponible en ligne, j’ai vérifié. Oui, le mot « copyright » a bien été utilisé pour lier l’extermination des Juifs et le « contre l’humanité ». Ce mot en dit long sur l’inculture des communicants, sur une certaine vision communautaire de l’histoire, sur la concurrence des mémoires qu’elle a produite, sur le langage mainstream. Les mots n’ont plus aucun sens, tout est interchangeable. Comme les individus dans la grande entreprise finalement. Et on y est : le shoah business ?
Jusque-là, tout va bien. Ensuite, ça se complique :
Qu’est-ce que le « copyright » ? C’est un terme juridique anglo-saxon qui concerne l’ensemble des droits exclusifs que possède une personne physique ou morale sur une œuvre. Ces droits protègent l’auteur d’une œuvre quant à son exploitation. Qu’est-ce que le « copyright » vient faire dans la compréhension du lien entre le génocide des Juifs d’Europe et le crime contre l’humanité ? Pas grand-chose en effet puisque, d’une part la Shoah n’est pas une œuvre littéraire, artistique ou scientifique, et d’autre part les Juifs ne l’ont pas créée et ne sont pas propriétaires de son exploitation mercantile. Sinon, effectivement, on serait chez Dieudonné et Faurisson.
On ne pourrait mieux dire. Et comme on frôle le carton rouge, on rétropédale :
Renoncer à comprendre la singularité d’un crime contre l’humanité pour les englober tous dans une abstraction pénitentielle, c’est finalement pratiquer un relativisme négateur de toutes les souffrances des victimes qui ne sont plus là pour témoigner. Un enfant arménien aux mains du gendarme turc ou du paysan kurde, un vieillard juif entre celles du SS ou de ses comparses ukrainiens, une femme tutsie violée puis assassinée par son voisin hutu : toutes ces victimes n’ont pas déposé de « copyright ». Leurs descendants, si ils existent, n’ont tiré aucun profit de leur indicible souffrance.
Et là, on se permet humblement d’intervenir car la dernière phrase pose un sacré problème : elle ne correspond pas à la réalité. C’était la limite de la lucidité de la prof d’histoire en question...
Pendant que les unes rebaptisent un socialisme féministe sur les ruines fumeuses du PS, que les autres traficotent avec la Shoah, il en est un qui ne perd pas le nord, ou plutôt le Sud : c’est Mélenchon. Le 4ème homme, juste derrière Fillon (le grand volé de cette élection), est ressorti de la torpeur de sa défaite avec une colère nouvelle. Et c’est le PS qui va morfler, une fois de plus.
- Debout sur un tonneau de rougets, Jean-Luc entonne l’Internationale en patois marseillais
Le 23 avril, à l’occasion du premier tour de la présidentielle, Jean-Luc Mélenchon est arrivé en tête dans 67 circonscriptions législatives et certaines grandes villes comme Montpellier, Lille, Toulouse, Grenoble ou Marseille, et deuxième dans 167 autres. Le candidat a dépassé le seuil des 12,5 % des inscrits (requis pour se maintenir au second tour) dans 451 circonscriptions. Une situation exceptionnelle pour la gauche hors PS. (Mediapart)
C’est qu’il avait déjà la tête dans les législatives, le gredin rouge, et qu’ll avait l’intention d’achever à coups de pelle ce dirigeable crevé qu’est le PS. Déjà, pendant la campagne de premier tour, il avait subtilisé une partie de la gauche du travail à Marine Le Pen, tout en lorgnant sur la droite des valeurs. Maintenant que Fillon est hors-jeu, que les Républicains sont en train de calculer leurs chances entre soumission et insoumission à Macron, une partie de la droite des valeurs non FN semble prenable. Ça sera plus dur à faire avaler aux mélenchonnistes, mais le gars est coutumier des entortillages discursifs : il trouvera la solution. En attendant les deux grands soirs des législatives (11 et 18 juin 2017), il débarque à Marseille (où il a fait l’un de ses meilleurs score de premier tour avec 24,82% des voix) face au garagiste Mennucci, très en colère contre cette « combinazione ». Selon le député de la 4e circonscription des Bouches-du-Rhône, le candidat de la France insoumise a été « aveuglé » par son meeting de Marseille...
Mélenchon répond sur BFM TV à ceux qui l’accusent de parachutage électoral :
« Je suis partout chez moi ! »
Attention, Jean-Luc, les mots ont un sens. Il y a un copyright sur « Je suis partout ».