Après Cabu en 2015 et Cavanna en 2014, un des derniers dinosaures de la bande à Choron vient de s’éteindre (il en reste un, un vrai, Guy Mouminoux, mais nous en parlerons un autre Jour en France). 87 ans de déconnade, de jazz et de pinard, de joyeuses fêtes et de matous : Siné aura bien vécu, grande gueule comme on n’en fait plus. L’usine à produire des grandes gueules (et pas les fausses de RMC) est en train de fermer. Que voulez-vous, mondialisme libéral oblige.
Ce bon vivant qui partageait volontiers sa table et son journal, et surtout ses barils de rhum, est entré sur la fin en collision avec une bien-pensance de plus en plus oppressante et répressive, et le vieux pirate fut l’un des meilleurs thermomètres de cette évolution. En restant toujours sur sa ligne politique personnelle, il aura permis de mesurer à quel point la France a perdu sa liberté de parole.
Siné, et c’est compréhensible, n’aura pas vu venir le changement de paradigme, le passage aux âges sombres, ceux du socialisme sociétal nourri aux mamelles du libéralisme et du sionisme. Deux idéologies que Siné exécrait. D’abord, il s’est progressivement heurté à Philippe Val, l’envoyé de Sarkozy, pour transformer un canard libertaire (Charlie Hebdo première mouture) en organe de gauche libérale et sioniste. Ce sera fait en moins de 10 ans, virant les anars et les vrais gauchistes à coups de pelle. Ceux qui resteront, pour le chèque ou pour la trahison, ou parce qu’ils étaient trop naïfs, finiront sous les balles en 2015. Entre-temps, Philippe Val, son forfait accompli, son pognon dans la poche, aura quitté le train fou qu’il avait programmé vers l’accident fatal.
« Je n’ai rien à voir avec Dieudonné »
Siné essayera bien de créer un concurrent moins impur, avec les restes de la pensée libertaire du milieu de la presse (elle a toujours constitué un petit noyau dur qui se reformait au gré des opportunités et des investisseurs), allant jusqu’à gratter 40 000 acheteurs à Charlie, et faisant malgré lui quelques erreurs de casting (la féministe Isabelle Alonso ou le caméléon Geluck). Malheureusement, sa courageuse petite entreprise anti-marketing tombera en pleine crise de la presse papier : Siné Hebdo passant en mensuel, puis faisant régulièrement l’aumône auprès de ses lecteurs pour ne pas crever.
Oui, c’était une fin de règne, celui de l’humour de gauche des années 1970, qui ne collait plus avec les aspirations des jeunes : eux lorgnaient vers le Net, plus vivant, plus excitant, plus gratuit, aussi. Il est logique que Siné, dans sa construction idéologique, n’ait pas vu venir le changement « Soral et Dieudonné », l’un pour l’analyse politique, l’autre pour la percussion humoristique. C’est là, dans cet axe qu’il fallait « taper », pour attirer les jeunes, les révoltés, les pauvres, les affamés de justice ! Pas Alonso et Geluck, voyons, et leurs éditos dans la ligne Ruquier-Drucker. Mais on ne se refait pas, et Néandertal est mort pour laisser la place à Sapiens. Darwinisme idéologique, que voulez-vous.
La LDJ peut se féliciter avec cruauté de la disparition de ce dinosaure (« Mort du dessinateur Siné : une ordure antijuive de moins »), elle figure aussi sur la sellette de l’Évolution. Le succès grandissant de Soral et Dieudonné ne présage rien de bon pour ces fascistes protégés par le ministère de l’Intérieur qui évitent toujours de s’attaquer aux durs : ils ciblent les vieux, les mous, les isolés. Une poignée de trublions planqués derrière la justice pour cracher sur les Français de cœur qui ont le courage d’entretenir la longue lignée de libre parole…
Alors achtung, la France n’est pas la Palestine, et les hommes politiques sous influence ne représentent plus le pays profond. La machine sioniste à produire de l’antisémitisme dans la société française pour augmenter la répression financière et pénale, a atteint ses limites. Elle est aujourd’hui en pleine surchauffe : pensez donc, au procès de Roger Cukierman, qui se permet d’insulter tous les Français épris de justice à travers Dieudonné (c’est le crabe qui se moque de l’aigle, là), la partie civile se retrouve sur le banc des accusés, par la grâce d’un juge qui sait où est le bâton. Oui, les ressorts de notre justice sont sionistes, et les juges font dans leur froc.
Même un âne sioniste peut donner un coup de pied à un Siné mort
C’est là où les gauchistes historiques ont fait une erreur de calcul : ils n’ont pas voulu voir l’essence du pouvoir, préférant s’attaquer à ses (vieux) symboles, derrière lequel ce Malin se cachait, et se cache toujours. Les flics, les curés, les militaires. La trilogie perdante de Mai 68. Ô la grosse erreur stratégique, ou alors le choix veule, la révolte qui ne veut pas aller trop loin, les mots fragiles qui savent où s’arrêter. Siné avait-il compris que l’axe Val-Sarkozy pouvait être poussé un cran plus haut, vers Netanyahou ? Que partout où une parole non-sioniste ou antisioniste existait, la répression la suivait au laser, pour la détruire chirurgicalement ?
Alors les humoristes craintifs slaloment entre les sujets chauds, préférant les thèmes qui restent, ceux que le pouvoir veut bien leur abandonner, à la manière de ce pauvre Madénian, qui insulte les électeurs du FN et se garde bien de regarder derrière lui. Lâcheté, ou bêtise ? À vrai dire, on s’en fout. Le résultat est le même. Il y en a qui foncent dans le tas, et ceux qui donnent un coup de pied dans un tas de sable.
La LDJ a craché sur la tombe d’un mort : il lui faudra plus d’un crachat pour affronter la version 2.0 de Siné, nettement plus redoutable.