Les accusations de liens avec les combattants djihadistes en Syrie importent peu à l’organisation : le film sur le « travail périlleux de ces bénévoles » présentés en héros a finalement obtenu le prix du meilleur court-métrage documentaire.
Le documentaire The White Helmets (« Les Casques Blancs ») d’Orlando von Einsiedel a remporté l’Oscar du meilleur court-métrage documentaire lors de la 89ème cérémonie, ce 26 février à Los Angeles.
Le film de 40 minutes présente le « travail périlleux de ces bénévoles qui bravent les bombes pour secourir des civils dans le carnage de la guerre civile syrienne ». Principalement financée par les États-Unis, le Royaume-Uni et la France, l’organisation humanitaire a bénéficié d’une certaine exposition médiatique en Occident, en dépit des accusations régulièrement portées à son encontre, notamment concernant ses liens avec les groupes terroristes, dont le Front al-Nosra, ainsi que son véritable rôle sur le terrain.
Des habitués de la mise en scène
Le prix décerné au court-métrage suscite lui aussi des interrogations. Patrick Henningsen, géopolitologue, explique que « le film en lui-même n’est pas un véritable documentaire, puisque l’intégralité des images utilisées ont été fournies aux producteurs par les Casques blancs eux-mêmes : l’équipe de production chez Netflix n’a filmé aucune des prétendues scènes de sauvetage ».
#manequinchallenge : du prix Nobel à l'Oscar ? Les #Casquesblancs syriens dans la tourmente après une #VIDEO virale https://t.co/cnsWxcuawg pic.twitter.com/JGOrlkyr5x
— RT France (@RTenfrancais) 22 novembre 2016
Par le passé, la nature des images que les Casques blancs diffusent abondamment sur les réseaux sociaux pour témoigner de leurs opérations a déjà fait l’objet de très sérieuses remises en question. En décembre dernier, la journaliste indépendante Eva Bartlett avait dénoncé l’utilisation par l’organisation d’« images vidéos montrant le sauvetage d’enfants que l’on retrouve parfois secourus dans d’autres vidéos ». « Sur le terrain, personne n’a jamais entendu parler d’eux à Alep », ajoutait-elle.
En janvier, la diffusion d’une vidéo du groupe de secouristes syriens avait provoqué un tollé sur le web : on y voyait les secouristes « sauver » quelqu’un, alors qu’il ne s’agit que d’un « mannequin challenge » – un concept vidéo à la mode dans lequel les internautes se filment en restant figés. La vidéo, brouillant clairement la frontière entre mise en scène et réalité, avait été retirée du compte du groupe quelques heures après avoir été postée.
Des liens troubles entre les Casques blancs et les terroristes
D’autres images plus compromettantes encore pour les Casques blancs n’ont sans doute pas été inclues dans le montage final du documentaire. Elles montrent certains membres de l’organisation en train de poser avec des djihadistes armés ou de participer à des manifestations de liesse dans les rues d’Alep aux côtés d’individus brandissant l’étendard noir de l’État islamique.
La face cachée des #CasquesBlancs en #Syrie
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Vanessa Beeley, journaliste indépendante et chercheuse britannique qui s’est rendue sur place, à Alep, estime que les Casques blancs ne seraient pas ceux qu’ils prétendent être : « [Ils] sont dans les régions contrôlées par les terroristes. Ils fournissent des soins médicaux aux terroristes, ils acheminent les équipements par la Turquie dans les régions terroristes […]. Ils ont été filmés participant à l’exécution d’un civil à Alep. Ils diffusent des vidéos, sur leurs pages dans les réseaux sociaux, des exécutions de soldats et de civils arabes. »
Par ailleurs, James le Mesurier, fondateur de l’ONG Mayday Rescue et entraîneur des Casques blancs serait un ancien militaire britannique : d’après les recherches effectuées par Vanessa Beeley, il serait en réalité proche des sociétés de sécurité privées qui ont été ou sont sous contrat avec l’armée américaine ou la CIA, telle la controversée Academi (ex-Blackwater).
Deux membres des Casques blancs, Raed Saleh et Khaled Khatib, devaient assister à la cérémonie mais avaient finalement préféré ne pas s’y rendre, invoquant d’abord le décret sur l’immigration de Donald Trump, avant de faire savoir qu’ils avaient trop de travail.