Troublant télescopage de nominations de syndicalistes CFDT dans les allées du pouvoir… Dès lundi 7 janvier, François Chérèque, l’ex-secrétaire général du syndicat réformiste – qui a passé le témoin en novembre à Laurent Berger –, sera recasé dans l’une des nombreuses terres d’accueil que compte la République : l’Inspection générale des affaires sociales. Nommé jeudi dernier par le gouvernement au rang d’expert de l’État, il sera chargé d’évaluer les politiques sociales afin d’éclairer la décision publique.
À 56 ans, il devrait également prendre à la mi-janvier la présidence de Terra Nova, fondation proche du PS. « Ce ne sera pas une annexe du PS », se défend-il.
Selon nos informations, ce même jour, le 7 janvier, c’est une autre figure de la CFDT qui rejoindra officiellement l’équipe gouvernementale. Lundi, l’ex-secrétaire nationale Laurence Laigo, un des anciens bras droit de Chérèque, va prendre son bureau de conseillère au cabinet de Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes et porte-parole du gouvernement. « Ses fonctions ne sont pas encore complètement arrêtées », laisse-t-on entendre au 35 de la rue Saint-Dominique. Mi-décembre, elle avait annoncé à ses collègues syndicalistes son intention de quitter la confédération de Belleville, à la suite d’un désaccord sur ses fonctions dans la nouvelle organisation pilotée par Laurent Berger. Des liens étroits ont été tissés en coulisses avec Hollande.
Deux « transferts » de poids qui, à coup sûr, vont alimenter les critiques sur une collusion apparente entre la CFDT et le gouvernement. Jamais, pourtant, la centrale n’a affiché sa préférence pour tel ou tel candidat. Au contraire, Chérèque avait même pesté publiquement lors de la campagne contre Bernard Thibault, qui avait rompu la sacro-sainte neutralité syndicale.
Il n’empêche, des liens étroits avec François Hollande ont bien été tissés en coulisses depuis 2009 par Jacky Bontems, 61 ans, l’ancien bras droit de Nicole Notat puis de François Chérèque. Officiellement dégagé de tout mandat syndical, cet homme de réseau, adhérent au PS depuis 1970, a fait campagne pour le candidat socialiste et mobilisé son carnet d’adresses, jouant les intermédiaires pour « vendre » la méthode Hollande auprès des partenaires sociaux. Et d’assurer aussi le rôle d’interlocuteur privilégié à la CFDT… Depuis septembre, Bontems est officiellement chargé de mission auprès de Matignon. Et dans quelques jours, il intégrera le Commissariat général à la stratégie et à la prospective.
« Comment Laurent Berger va-t-il gérer ça ? Alors que les négociations sur la réforme du marché du travail ne sont pas bouclées, ça ne tombe pas au meilleur moment », s’inquiètent certains. « Ni soutien d’un gouvernement ni opposant politique », jurait dès son arrivée le successeur de François Chérèque, forcément fragilisé par ces nominations.
Car en 1981, la lune de miel avec François Mitterrand avait coûté très cher à la CFDT. Cinq cadres du syndicat avaient alors rejoint les cabinets ministériels, entraînant une véritable hémorragie d’adhérents : entre 12 et 15 % d’encartés en moins par an durant plusieurs années.
Catherine Gasté
Article paru dans le journal Le Parisien du 5 janvier 2013