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La France en panne de politique étrangère

par Thierry Meyssan

En France, en matière de politique étrangère, le changement n’est ni pour maintenant, ni pour les cinq ans à venir. Le président François Hollande s’inscrit dans la continuité de son prédécesseur, Nicolas Sarkozy : alignement complet sur les États-Unis. En récompense de son obéissance, Paris a été autorisé à faire prochainement la guerre au Mali, sans que l’annonce de cette nouvelle expédition coloniale suscite la moindre protestation au parlement.

Le nouveau président français, François Hollande, a exposé sa vision des relations internationales et de la politique extérieure de son pays à l’occasion de la XXe conférence des ambassadeurs de France. Son discours était très attendu car il ne s’était jamais exprimé sur ces questions, son expérience se limitant à la direction du Parti socialiste et aux affaires intérieures.

De manière inattendue, il a présenté une synthèse entre deux courants de son parti. D’un côté, les opportunistes pro-US autour de l’ancien ministre des Affaires étrangères Hubert Védrine. De l’autre, les idéologues complètement atlantistes et totalement sionistes autour de l’actuel ministre des Finances, Pierre Moscovici.

Les deux groupes ne partageant pas les mêmes analyses, la synthèse est réduite à quelques points de consensus : la logique des blocs a disparue avec l’URSS ; le monde est devenu instable et a besoin d’être régulé par les institutions internationales ; les printemps arabes (au pluriel) confirment que le sens de l’Histoire est orienté vers la propagation du modèle politique occidental. Par conséquent, l’influence française peut se développer de deux manières. D’abord en jouant en toute circonstance le rôle de médiateur, Paris peut utiliser sa marge de manœuvre pour animer les institutions internationales malgré le refus des Russes et des Chinois de jouer le jeu selon les règles fixées par les Etats-Unis ; ensuite, Paris peut compter sur la langue française pour bénéficier d’une zone d’influence naturelle.

La politique extérieure de François Hollande est déjà obsolète alors que son mandat ne fait que commencer. Elle n’intègre pas le déclin des États-Unis, la montée en puissance de la Russie et de la Chine, la réorganisation des relations internationales ; elle n’envisage que des ajustements avec la Chine, le Japon et la Turquie. Elle imagine que les institutions internationales, fruits du rapport de force de la fin de la Seconde Guerre mondiale, survivront et s’adapteront spontanément à la nouvelle donne. Enfin, la France espère exercer une influence en s’appuyant sur la francophonie sans avoir à se doter d’une force militaire significative et pense, par souci d’économie, partager le budget de sa Défense avec le Royaume-Uni.

Dans la même logique, le président a réorganisé les ambassades de sorte que des objectifs économiques leur soient assignés. De cette manière, il a partagé les responsabilités extérieures entre les deux courants du Parti socialiste, respectivement installés au ministère des Affaires étrangères et à celui de l’Économie. Ce n’est pas un gage de cohérence.

Lors de son intronisation, François Hollande a placé son quinquennat sous les auspices de Jules Ferry (1832-1893), une figure historique du socialisme français. L’œuvre de Ferry ne peut se comprendre que comme une tentative de la bourgeoisie de fuir ses responsabilités historiques (la libération de l’Alsace-Moselle occupée et annexée par les Allemands) en se lançant dans une expansion coloniale parée de bons sentiments. Sans surprise, le président Hollande se conforme à son modèle. Après avoir justifié qu’il ne ferait rien pour affranchir son pays de la tutelle états-unienne, il a dévoilé ses ambitions pour le Mali et la Syrie.

Tout en précisant que les temps anciens de l’impérialisme français en Afrique sont révolus, il a annoncé que Paris avait sollicité un mandat de la CEDEAO pour intervenir militairement au Mali. Cette couverture juridique ne peut convaincre : l’organisation est présidée par Alassane Ouattara que l’armée française a installé au pouvoir en Côte d’Ivoire, l’an dernier. Toutefois, il ne semble pas que cette expédition ait été préparée sérieusement, ni qu’il ait évalué son impact intérieur sachant que 80 000 Maliens vivent en France.

Pressé par son opposition de prendre une initiative à propos de la Syrie, François Hollande a annoncé que Paris reconnaîtra un gouvernement provisoire dès qu’il sera formé ; qu’il œuvre à traduire Bachar el-Assad devant la Cour pénale internationale ; et que la France prépare la reconstruction du pays. L’option militaire a été définitivement écartée, la Syrie ayant deux fois plus d’avions de combat que la France, et ses pilotes étant mieux formés, comme l’a fait observer l’ancien chef d’état-major de l’armée de l’air, le général Jean Fleury.

L’initiative de François Hollande n’avait pas été coordonnée avec son suzerain. Le jour même, la porte-parole du secrétariat d’État, Victoria Nuland, balayait d’un revers de main ces propositions. Les États-Unis n’entendent pas laisser Paris concocter lui-même un gouvernement provisoire en piochant dans le Conseil national syrien (marionnette de la France et du Qatar). Ils ont donc exigé la participation du Conseil national de coordination (indépendant), du Conseil pour la Révolution syrienne (créée par l’Arabie saoudite), et de l’Armée syrienne libre (organisée par la Turquie pour le compte de l’OTAN).

Quand à l’administration de la Syrie « le jour d’après Bachar », Washington ne veut pas non plus la confier aux Français. D’autant que François Hollande a évoqué « les » territoires syriens en référence aux trois États confessionnels (alaouite, druze et chrétien) que la France avait jadis créés à l’intérieur de la Syrie. Ils étaient représentés par trois étoiles sur le drapeau du mandat français… devenu récemment celui de la « révolution ». Or, le projet de l’état-major US prévoit un découpage différent du pays, dans le cadre du « remodelage du Moyen-Orient élargi ».

En définitive, comme en Libye, les rêves français ne pèseront pas lourd devant les projets préparés de longue date par les stratèges US. La France, qui n’a plus de stratégie diplomatique depuis cinq ans, ne devrait pas en avoir non plus dans les cinq années à venir.

 






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3 Commentaires

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  • #216448
    Le 6 septembre 2012 à 22:20 par spirit
    La France en panne de politique étrangère

    Hé, quoi !!!....Le président du directoire de la filiale "France" ne fait qu’appliquer les désirs de son actionnaire principal.. !!!...en espérant un parachute doré en fin de mandat !!!

    Mais le canard est toujours vivant !!!

     

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  • #216682
    Le 7 septembre 2012 à 10:02 par hang’em high
    La France en panne de politique étrangère

    On joue les idiots utiles de la stratégie US.

    Utiles car les US ont besoins du paravent Otanien et des initiatives diplomatiques et militaires Britanniques et Françaises pour avancer masqué dans un scénario qu’ils contrôlent depuis le début.

    Le butin de cette croisade droitdelhommiste (contrôle des ressources et signatures de contrats) pour la France* sera limité si ce sont les US qui réorganisent les pays vaincus.

    (*) En réalité pour les corpocrates Franchouillards genre Bolloré and co qui doivent s’agiter fébrilement en coulisse et inspirer les déclarations va-t-en-guerre des politiques. Le Français de base n’aura rien sauf peut-être, pour les plus cons, la "fierté" de voir la France à nouveau active militairement dans le vaste monde.

     

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  • #216726
    Le 7 septembre 2012 à 11:40 par anonyme
    La France en panne de politique étrangère

    après Le Figaro qui publie http://www.infosyrie.fr/re-information/reinformation-ca-bouge-un-peu-plus-a-droite/ jamil sayed
    voila que le Nouvel Economiste reconnait que Poutine a raison sur la Syrie !



    Le pire, ou le plus drôle, c’est que certains en Occident commencent à se demander si justement le dirigeant russe n’a pas raison ! Et pas n’importe qui : ainsi le site du quotidien français Le Nouvel Economiste, organe naturel des milieux d’affaires, a consacré le 24 août un article à la position russe sur la Syrie. L’auteur, Pascal Lorot, note que la Russie, de par sa composition religieuse et ethnique, de par sa position historique en Asie centrale, de par les liens qu’avait tissé feue l’URSS avec les régimes arabes dits « progressistes » – de par son expérience en Afghanistan aussi – connait bien le monde musulman. Et fort de son expérience, la Russie restaurée par Poutine juge le bilan des révolutions arabes comme globalement négatif : elles ne conduisent pas à la démocratie tant vantée par l’Ouest mais à des régimes islamistes plus ou moins rétrogrades, stipendiés par les monarchie non moinss rétrogrades du Golfe, et manipulées par les Américains. Oppression des minorités religieuses et des femmes sont de nouveau des objectifs politiques en Libye, en Tunisie et en Egypte. Et ce sont des autocraties milliardaires comme le Qatar et l’Arabie saoudite qui sont partout à la manoeuvre, y compris en Syrie.
    Et c’est cela, plus le chaos et la guerre civile, qui guette la Syrie si le régime al-Assad tombe. C’est pourquoi, « vu de Russie » comme l’écrit Pascal Lorot, l’Occident est « coupable de cécité » – sinon de duplicité. Et le journaliste français écrit ce que nous écrivons ici depuis des mois, sur le soutien occidental à des groupes de fanatiques qui travaillent, non pas à la construction d’une démocratie citoyenne, mais à celle d’un « grand espace sunnite-islamiste, mais aussi anti-chiite ».
    Et Lorot de conclure logiquement : « Au final, la position de la Russie n’a rien d’un entêtement de principe, ni ne s’inscrit dans des relents de guerre froide comme ont pu l’accréditer certaines déclarations récentes de dirigeants politiques français. Elle est au contraire raisonnée et réfléchie. » Et la dernière phrase de cet article d’un grand journal économique français est une pertinente question : « Et si Poutine avait raison ?« 


     

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