Il a inventé l’abribus, il est devenu le numéro un mondial du mobilier urbain. On attend la statue de 70 mètres en plastoc. La ville de Paris lui a fait des contrats mirifiques, au point que des sceptiques y ont reniflé de la rétro-commission. Mais ça, c’était à l’époque Chirac, désormais révolue.
Anne Hidalgo, reine de Lumière
Aujourd’hui, avec Anne 1ère, la lumière est revenue sur la ville-lumière. Pendant que la place de la République est aux mains des insurgés (un mélange de bobos, de curieux et de casseurs aux ordres du gouvernement protégés par la « justice »), Anne inaugure des joujoux. Autant dire qu’elle est hors-jeu. Pendant ce temps, les Parisiens attendent bus, métros et RER, qui, grève ou pas grève, dysfonctionnent de plus en plus. On ajoute, parce qu’on a mauvais esprit, que l’apparition du mobilier urbain Decaux s’apparente à la prolifération des ronds-points qu’on a connue dans les années 80-90, dont la facturation aidait quelques partis politiques à survivre. Que volez-vous, la « démocratie » est à ce prix.
Ces taches couleur crème dans la capitale sont chères, laides, et parfois superflues. Ces abribus ne servent à rien quand il pleut ou qu’il fait froid, et encore moins quand il fait chaud. Il y a deux places assises par station, pour 50 personnes qui attendent. Grotesque. Une espèce de mise en scène pour justifier des deals gagnant-gagnant d’entreprise à mairie, de privé à public : les panneaux pour annonceurs et leurs pubs pustules. Le seul qui n’en profite pas vraiment, c’est le contribuable parisien, dont les impôts locaux ont explosé en 20 ans. Et puis, les sanisettes… Elles remplacent avantageusement les pissotières qui attiraient une faune plus que douteuse, mais leur nombre et leurs emplacements font là aussi plus penser à des machines à sous. Le « mobilier urbain » a remplacé les bancs publics, arrachés de nuit par les nervis de la mairie, au service d’intérêts privés. Le titi parisien de pure race fait la tronche parce qu’il sait cela. La modernité, pour lui, a un arrière-goût d’escroquerie.
Cantona invente le coup-franc boomerang
L’entube est partout, car elle est dans l’ADN du capitalisme. Le capitalisme, reconnaissons-le, est économiquement plus efficace que le (vrai) socialisme. On a vu les développements distincts de la Russie et de l’Amérique au cours du XXe siècle. Mais voilà, le profit étant élevé au rang de dieu, il faut s’attendre à voir toutes les valeurs reculer d’un cran : tout pour le fric, que le reste se débrouille. Le milieu du foot n’y échappe pas, qui voit ces dernières années affaires et réputations éclater. Ajoutez-y une dose de médias avides de sensations, de nouveauté et de drame, et ça donne le clash Cantona/Deschamps du jour. La mal-pensance est la truffe et l’oxygène de la bien-pensance.
Résumé de l’affaire : Cantona reproche au sélectionneur des Bleus de ne pas avoir intégré Benzema et Ben Arfa dans les 23 pour l’Euro 2016 parce qu’ils ne seraient pas blancs. On résume sa pensée, qui est déjà un fatras de clichetons à elle toute seule. L’acteur, devenu riche grâce à ses qualités de footballeur et aux joyeux salaires versés par Manchester United (droits télé outre-Manche obligent), peut se permettre de faire son donneur de leçons. Un truc de riche, la bien-pensance de gauche. Sauf que son logiciel idéologique déraille un peu : décalé par rapport à la situation politique du pays réel, il a oublié que la gauche ne dominait plus les consciences lucides.
Du coup Canto se fait démonter partout, alors que son propos est juste un poil anachronique : il y a 10 ans, ça tombait pile-poil. Maintenant que la réinfosphère a repris à l’arrache une bonne partie du poil de la Bête – c’est-à-dire du terrain symbolique –, le pauvre Éric se retrouve à poil au milieu de l’arène, avec son accusation à la con. Moralité : il est important de bien sentir le sens du vent, pour réussir son coup-franc.
Belkacem, lance-grenades pour Hollande
Restons dans le racisme franco-français avec le troisième « scandale » du jour, un pavé lancé dans la mare par un député de droite, Annie Genevard, qui voit dans l’enseignement de l’arabe en classe un « encouragement au communautarisme ». En vérité, c’est encore la gauche qui balance des contre-feux comme des grenades, histoire de donner à bouffer aux médias, de les orienter, de tenir l’actu. Mais cette espèce de terrorisme politico-médiatique, inauguré par Sarkozy et son think tank sur le mode « un sujet par jour », tactique qui assure théoriquement un coup d’avance, dérape en embrouille totale. Les socialistes vont finir par se tirer dessus dans le brouillard. Ce qu’ils font d’ailleurs depuis toujours.
- Les grévistes arrivent sur le plateau de Lapix
Les grenades de dégagement pètent les unes après les autres, et les petits soldats du hollandisme ont du mal à s’en sortir. On pense à El Khomri – madame Travail – chez Lapix. Le plus drôle dans cette séquence ne réside pas dans la petite tension due aux manifestants qui avancent vers le plateau, cognant aux fenêtres à la manière des zombies dans La Nuit des morts-vivants (on est quand même plus près des lazzis de supporters que du lynchage racial), mais dans le courage grotesque de l’animatrice, qui tente de maintenir son émission essentielle au péril de sa vie, alors que tout se casse la gueule autour. El Khomri se sauve à la Marie-Antoinette, Lapix tient le micro jusqu’à la mort, colonelle Custer de pacotille…
L’image tragi-comique du système médiatico-politique d’aujourd’hui : il ne reste plus que les murs pour le faire tenir. Un souffle suffit à le faire tomber.