Si on était tordus, on dirait qu’Alstom a fait un gros chantage au gouvernement Valls en pleine année électorale, la menace d’une charrette de 480 ouvriers contre une enveloppe de l’État. En même temps, les ouvriers, il y a longtemps qu’ils ne votent plus majoritairement PS... Mais l’image, coco, l’image ! L’image de la gauche vaut bien 700 millions d’euros d’argent public.
Les choses sont évidemment plus complexes, et les choix d’Alstrom, ce fleuron industriel français déjà sauvé il y a une décennie par Sarkozy, montrent leurs limites à moyen terme. Les choix industriels sont capitaux : miser sur la bonne voiture qui fera un carton 10 ou 12 ans après l’idée – de l’idée à la production en série – demande une vue à long terme que tous les PDG ou conseils d’administration n’ont pas. Tout le monde peut se planter : Renault (Nissan) a loupé son coup avec la voiture électrique, mais elle a cartonné (à l’Est) avec la Logan ; les Américains, c’est l’exemple balèze, ont misé 400 milliards de dollars sur 25 ans pour un avion de chasse (le F-35) qui merdoie, et dont l’armée de l’air et la marine ne veulent plus vraiment (ils attendent les F-22, la génération suivante). Hé, Vlad, c’est le moment d’attaquer les Américains !
Quinze TGV et moi et moi et moi... Quand Twitter commente l'affaire #Alstom pic.twitter.com/brKon9M2s4
— franceinfo plus (@franceinfoplus) 4 octobre 2016
On ne jettera donc pas la pierre ni le moindre boulon (avec un lance-pierre CGT) sur les responsables d’Alstom, même si l’avance prise il y a un demi-siècle en France dans la conception de lignes et de rames à grande vitesse (projet « C03 » en 1966) a été perdue petit à petit, par rapport à nos concurrents. Les Coréens, les Chinois, les Japonais, les Allemands, font désormais du TGV, et du bon. Globalement, en matière industrielle, les Français ont des idées remarquables, mais commercialement, on n’est pas au top. On ne s’adapte pas assez à la demande étrangère. Et quand on le fait (voir Airbus), on se fait taper sur les doigts pour des transferts de technologie sensible…
On ne chiera donc pas sur l’opération conjointe entre le gouvernement et Alstom, dont on avait déjà dit que ça sentait le sauvetage préparé. À terme, malgré les mesurettes annoncées et les dizaines de millions d’euros publics engloutis, le site ne fera plus autant de production. C’est donc un trompe-l’œil, et le gouvernement suivant se retrouvera devant le même problème, d’ici trois ans. C’est l’avantage du quinquennat : tu peux foutre la poussière sous le tapis... du quinquennat suivant.
Il y a des événements qui font moins de bruit que le passage de 15 TGV dans les salons de Matignon, même à vitesse réduite (les 15 rames rouleront en Intercités, donc à moins de 250 km/h, alors que les TGV montent à 320, on reparlera une autre fois des Intercités avec leur sécurité douteuse et toute la racaille qui monte dedans parce que maintenant les TGV sont bien filtrés), mais qui ont une portée symbolique forte.
Un couple de 48 et 59 ans de Villejuif s’est pendu parce qu’il ne pouvait plus payer son loyer. Dans une France qui trouve subitement de la place et des CB pour des dizaines de milliers de migrants, ça ne fait pas désordre, mais scandale. La volonté politique, ou supra-politique, tout est là. On a envie de demander à l’Union européenne et à Soros s’ils ne pourraient pas aider un peu aussi les Français en difficulté… La préférence étrangère, c’est bien, c’est généreux et tout, mais c’est bien aussi de ne pas oublier ceux qui ont construit la France, qui ont bossé, souffert. D’accord, c’est pas la même souffrance que celle de la guerre, de l’exil, mais pour les deux qui se sont foutus en l’air, on peut parler d’exil intérieur.
Des gens qui échappent aux radars de la politique (ils ne twittent pas), du social (les services sociaux). Ils disposent de peu pour vivre – non non, on ne va pas faire dans le larmoyant, mais dans le réel – le strict nécessaire, des petites retraites ou de petits salaires, trop de modestie pour réclamer, ils ne font pas le siège de la Sécurité sociale en hurlant et en menaçant les employés, qui lâchent les talbins pour avoir la paix, non, ils encaissent, et crèvent en silence, quand ils n’ont plus de quoi vivre dignement. On en connaît tous, le vieil ouvrier brisé physiquement qui promène son chien, chaque matin vers 6 heures, habillé pareil, été comme hiver, avec sa polaire aux motifs norvégiens, et le chien qui n’est pas en meilleur état… L’extrême gauche sorossienne trotsko-sioniste ne se décarcasse pas pour les sortir de la merde, ceux-là.
Un mec a envoyé un tweet hier en disant de bien faire gaffe, que les Roms se déguisaient désormais en réfugiés syriens, pour faire la manche aux feux rouges. Ceux-là, ils ont tout compris de leurs Maîtres : « chutzpah » à fond les potirons !
Chassez la sélection naturelle, elle revient au galop
La sélection naturelle n’a décidément pas disparu. Tout le monde s’émeut et s’insurge contre les nazis qui faisaient le tri dans les camps de concentration, dits de mort lente, mais en pays libéral, la sélection, c’est tous les jours, et on en voit le résultat sur notre trottoirs : la misère s’amoncelle. On s’y fait, donc elle grossit, la misère. La question, c’est la proportion, c’est-à-dire quand il y aura autant de « nuisibles » que d’« utiles », pour parler brutalement. Cette bonne pression que le troupeau de nuisibles met aux autres ! Le poids politique silencieux des zombies... On la ramène moins au boulot, on ne réclame plus d’augmentation – en temps de crise, coco, voyons ! – et on encaisse. Le salaire et la somatisation qui va avec. On tient le coup avec des médocs (un Français sur cinq a bouffé des hypnotiques et anxiolytiques pour tenir le coup, et la proportion grimpe à un sur quatre pour les Françaises). Peut-être que pour le couple en question, les psychotropes ne faisaient plus effet... Les médicaments ne payent pas les factures.
La société libérale a ses avantages, mais aussi ses inconvénients. Selon qu’on est du bon ou du mauvais côté de la barrière sociale, les avantages et inconvénients s’inversent. Par exemple, la sélection à l’université. Vieille scie de la droite, qui réclame un peu plus de tamisage parmi les centaines de milliers d’étudiants. Ils sont 1 500 000 en université, sur 2 500 000 dans l’enseignement supérieur (ajouter IUT, Grandes écoles et compagnie), un nombre en croissance continue, qui étouffe les campus. On avait déjà parlé du président de la fac de Nantes qui évoquait la saturation de son établissement, et le risque de baisse de la qualité de l’enseignement. Il y a 967 000 étudiants en licence, 566 000 en Master, et 59 700 en doctorat. Le problème, il est où ? Il est que le refus de sélectionner à l’entrée de la fac, puis en licence, puis en Master, a engorgé des filières entières, qui se trouvent déconnectées du marché de l’emploi. L’extrême gauche et l’UNEF peuvent gueuler, ça ne changera rien au réel.
Avec la sortie de (Thierry) Mandon, le ministre de l’Enseignement supérieur (ou le secrétaire d’État, mais c’est pareil pour nous, sauf pour lui au niveau des points retraite), la gauche vient de torpiller un de ses tabous. Il est vrai que les chefs d’établissement se retrouvaient avec des équations impossibles à résoudre : dans une filière donnée de sciences humaines, 400 étudiants en licence, 150 en Master 1, et 20 en Master 2. La sélection se fait donc à la « naturelle », en écœurant les étudiants peu motivés. On dirait d’ailleurs que le fonctionnement de l’ensemble universitaire tient sur cette dissuasion qui ne dit pas son nom. Quand on voit les campus, les salles de cours, le détachement de l’administration, complètement à l’inverse des grandes écoles... On comprend que la France dégringole dans les classements internationaux. Certes, ce n’est pas non plus le but de la vie, d’avoir des facs bien notées derrière Harvard, Cambridge et le MIT. Mais pensez seulement que l’enseignement supérieur français était dans les années 1960 un modèle pour le monde entier...