C’est la semaine des égouts qui débordent. Le Canard enchaîné, en tête de la révolte contre la droite catho, assène un second coup à Penelope, l’ex-future première dame de France. Le coup a dû être bien pensé : la première lame coupe les jambes, la seconde empêche les jambes de repousser. Depuis ce mardi 31 janvier, Fillon ne marche plus, il rampe.
Y a-t-il un candidat honnête dans l’avion ?
Mais c’est le sort de ceux qui briguent le trône de France. Si on ne passe pas ces éliminatoires – qui portent bien leur nom (on ne va pas jusqu’à parler d’exterminatoires) – on n’a qu’à rester chez soi. C’est Mick Jagger qui disait que si un personnage public ne supportait pas les critiques, les insultes ou les papiers à charge, il n’avait rien à faire dans ce job. Le cuir doit être épais.
Sans être fillonistes, l’orage de janvier est brutal, mais c’est pas le déluge biblique. Par exemple, François aurait pu avoir un fils drogué, tueur en série, ou une fille au PS. Cependant, pour un ancien Premier ministre, une descente de police, une perquise, même à l’Assemblée, ça la fout un peu mal. On avait déjà écrit, au début de cette « affaire », que la « com » du Sarthois avait été nullissime. Elle est pourtant confiée à la papesse du genre, Anne Méaux. Si elle trouve encore des clients après ça, on s’inscrit direct au PS, dans une cellule du 4ème arrondissement parisien, chez les bobos LGBT.
On résume : si Fillon ne passe pas l’orage, il n’est pas fait pour être président. C’est une sorte d’épreuve divine, dans tous les sens du terme, et surtout dans le sens sportif. Et Fillon est un vrai sportif : sommets des Alpes, courses de bagnoles, ça demande des nerfs, et de la résistance.
Attention, n’allez pas croire qu’on fait de la retape pour les Républicains, mais il est évident que la campagne de presse en cours n’a rien d’un hasard. C’est la droite des valeurs qui est visée, par la gauche libertaire, qui prend sa revanche sur les score indécents des 20 et 27 novembre 2016. Sinon, on le répète, faut juste rendre le fric, c’est tout con. Rendre – si le délit est avéré – les 900 000 euros de madame, plus les 84 000 des mômes, ça fait presque un million. Y a bien Pierre Gattaz ou un gros ponte du MEDEF qui peut les avancer, avec tout ce qui’ils vont se mettre dans la poche après le 7 mai ! Car pour le grand patronat, qui a deux fers au feu – Ficron et Maillon –, miser sur un candidat libéral est un simple investissement, sans risque, sur l’avenir. Sarkozy avait été le candidat de ses sponsors, réunis le soir de son élection au Fouquet’s. Simple, clair, direct.
Cependant, l’affaiblissement moral de Fillon profite mécaniquement à Marine Le Pen, créditée de la première place le 23 avril par tous les sondages. Ce qui peut être aussi une manip du système médiatico-politico-sondagier de créer un effet de « front républicain » anti-FN. C’est probablement ce qui va se passer, et même dès le premier tour. Mais n’anticipons pas. La grande Le Pen en a un avant-goût, avec les 300 ou 340 000 euros qu’elle doit théoriquement rembourser au Parlement européen. Malheureusement, la patronne du FN refuse de rendre le grisbi.
L’eurodéputée est accusée d’avoir rémunéré avec des fonds européens comme assistante parlementaire Catherine Griset, alors que celle-ci travaillait essentiellement pour le FN. Cette dernière était en effet secrétaire puis chef de cabinet de Mme Le Pen au même moment et dispose, par ailleurs, d’un bureau au siège de la campagne présidentielle de la candidate frontiste, à Paris.
« Je ne me soumettrai pas à la persécution, à cette décision unilatérale prise par des adversaires politiques avec exécution provisoire en violation de l’État de droit, des droits de la défense, sans preuves et sans attendre que la justice, que j’ai saisie, ne se prononce au fond », a-t-elle affirmé mardi à Reuters.
L’avantage, pour Marine Le Pen, c’est là aussi que cette affaire administrativement un peu complexe pour le tout-venant (L’Europe c’est loin et c’est chiant), sorte au moment du Fillongate (le Penelopegate y a pas « Fillon » dedans !). Hasard ou pas, les journalistes savent très bien que le public ne peut pas suivre deux affaires majeures en même temps, ce qui explique l’effet de feulleton qui agglomère toute l’attention, au détriment du reste de l’actu. L’actu cannibalise l’actu, et à l’instar des planètes avec les forces gravitationnelles, ce sont les masses les plus importantes qui exercent une attraction sur les masses plus petites. Plus prosaïquement, le gros buzz tue les petits buzz. Version paysanne de cette parabole de l’espace : autour d’un chêne, rien ne pousse.
Pour faire bonne mesure, Macron prend aussi sa giflette, sous la forme d’une sous-estimation de 200 000 euros du patrimoine de sa femme. On sent que l’attaque n’est pas trop méchante, et en plus, elle surgit au moment où Fillon est en défense, à genoux, et qu’il ne peut pas profiter de l’affaiblissement du FC Macron. De l’art du timing médiatique, n’est-ce pas.
Fillon, Macron, Le Pen… Tout le monde y passe ! L’impitoyable moulinette des présidentielles ! La moindre peccadille, la moindre petite faute devient une montagne, un volcan, une éruption ! C’est le réveil du volcan géant du Yellowstone, l’affaire Penelope. Le truc qui commence par un dégagement de souffre anodin, et qui finit en éclatement multiatomique qui engloutit toute une ville, en l’occurrence Sablé.
À la manœuvre, comme d’habitude, les officines de gauche, Mediapart et Le Canard, à qui les puissants dans l’ombre refilent tous les bons « doss » clés en main, au moment opportun. Cela reste vrai, mais vrai dans un certain but. Ce qui ne nous empêche pas de prendre l’info, non pas avec des pincettes, mais pour ce qu’elle est. On appelle ça de la rétention informationnelle, comme il y a de la rétention urinaire. Quand pisser, that is the question. Réponse : quand ça fera le plus de boucan.
Que celui qui n’a jamais volé 984 000 euros...
Maintenant, réfléchissons bien : que chacun regarde sa vie et se demande si elle est sans tâche. Ce petit exercice, non pas pour exonérer nos candidats dans le dur, mais pour relativiser le lynchage. On a tous fait des choses moyennement acceptables. Si on était au centre de l’attention médiatique, et que ça nous pète à la gueule, comment réagirait-on ? De quel côté serait-on ? Des lyncheurs ou des lynchés ? On a tous tendance à trouver logiques, inévitables ou moraux ses propres actes, même s’ils sont « mauvais » (dénigrer un collègue aux yeux du rédacteur en chef, par exemple). Dans le regard de l’autre, c’est très différent.
Ceci étant dit, il doit y avoir peu de lecteurs d’E&R qui ont pris 900 000 euros en ne foutant pas grand chose.
Ce petit paragraphe moral rappelle la fin de nombreux films américains, avec la tirade de l’avocat qui sauve la tête de son client, fait pleurer le juge et applaudir toute la salle.
Globalement, les médias ont affaibli les hommes politiques, qui ont perdu énormément de crédit. Mais parce que ces hommes politiques ne sont pas les détenteurs du pouvoir profond, les médias peuvent se faire les dents dessus. On attend le même acharnement sur BHL, sa vie, son œuvre, ou sur le président du CRIF. Pourquoi tant de subventions et d’égards pour une simple association, une association ultracommunautaire qui s’insinue dans le débat politique pour imposer ses vues et ses intérêts ?
Voilà une vraie question. On attend une vraie réponse du système médiatique.