Elle ne verra jamais le premier jour de l’été 2016, en même temps il s’annonce merdique. La romancière Benoîte Groult s’est éteinte, le jour où Natoo a surgi dans la médiasphère mainstream (via Salut les terriens d’Ardisson). Pas sûr que le témoin féministe soit bien passé de l’auteur de Ainsi soit-elle à la youtubeuse. Mais en y regardant de plus près...
Avertissement : cet article comporte de nombreux gros mots et expressions populaires qui peuvent être considérés comme machistes et heurter certaines catégories assez sensibles de la population
Groult devient rapidement célèbre dès la sortie de Ainsi soit-elle, sorte de manifeste du féminisme français, débarrassé des délires des gouines coupe-couilles américaines. Sa thèse c’est que jusque-là – jusqu’à Groult, donc – les femmes ont servi de vide-couilles aux hommes sans avoir le droit de l’ouvrir (la bouche). On résume brutalement le propos, mais ça revient à ça. Le conditionnement à être une bonne épouse soumise, non ! C’est la suite logique du Troisième sexe de Simone de Beauvoir, la très indépendante compagne de Sartre, qui refusera d’avoir des enfants car c’est trop la honte d’être une mère mais qui pleurnichera d’amour pour son macho américain qui la traitait comme une petite salope. Mais ne nous égarons pas. On a tous nos contradictions.
Benoîte, l’âge venant (elle a presque atteint les 100 ans), se plaindra de ce que les hommes ne la touchaient plus. On ne peut pas tout avoir, et surtout, on ne peut pas tout être : une femme opposée à la soumission (sexuelle) et en même temps en demande d’amour physique, qui implique une certaine soumission sexuelle, n’est-ce pas.
- Image du film La Dérobade, sorti en 1979, avec Miou-Miou, Maria Schneider (la brune aux gros seins du Dernier tango à Paris) et Niels Arestrup
On lui doit notamment la féminisation des noms de métiers. On dira donc Benoîte, l’auteure, sinon panpan cucul. La Groult pouvait se permettre d’être féministe, car issue du milieu de la haute bourgeoisie, d’où l’on peut survoler les problèmes… des autres femmes. L’année suivante, un second livre coup de marteau vient apporter la touche « réaliste » à la condition féminine : La Dérobade, de Jeanne Cordelier, une ex-pute qui raconte son enfer, violée-battue-volée, et en qui des centaines de milliers de lectrices verront leur propre condition. Un bouquin harcore, venu des bas fonds. 40 ans plus tard, qu’en est-il ? Le flambeau de la lutte des sexes est-il repris ?
Un volcan s’éteint, un « être » s’éveille
YouTube va vous faire regretter le féminisme de maman et la télé de papa. Natoo n’est pas la pire : dans ses vidéos, s’il n’y a pas de fond, il y a du travail, de l’écriture, de la réal. Quand on voit les pauvres youtubeurs qui commentent les flux télé, ciné ou jeux vidéo, on applaudit l’effort.
Natoo est la petite-fille putative de Benoîte, qu’elle le veuille ou pas. La féministe 3.0. Elle a intégré les fondamentaux, mais comme elle ne veut pas faire l’erreur de ses grands-mères qui ont zappé un peu trop vite ces salauds de mecs, elle a mis de l’eau dans son vin, et glissé de l’humour pour faire passer le tout. Résultat, une post-féministe qui échoue logiquement au Studio Bagel, la pépinière des « nouveaux talents » du Net. Le Canal+ de la déconne, avec des frontières bien délimitées par les vigiles médiatico-politiques. Et comme la déconne autorisée ça marche (deux millions d’abonnés), elle lance sa ligne de bijoux et de vêtements. Ce que la bourgeoise (pas encore féministe) faisait aussi il y a… 50 ans. La boucle est bouclée, le féminisme de révolte digéré, le mercantilisme a gagné.
Qu’est-ce qui échappe au commerce ? Pas grand-chose. Mais comme dirait l’autre, ça crée des emplois. Les camps de concentration aussi ça créait des emplois, si on y va comme ça. Y a-t-il encore quelque chose de gratuit en ce bas monde ? La fête ? Oui, pourquoi pas, la fête entre amis, la tablée des potes.
- Il tape sur des bambins, pardon, des bambous
La Fête de la Musique ça partait d’un bon sentiment, chacun y allait de son solo, de son groupe ou de son orchestre en pleine rue. Maintenant, tu as Renaud qui chante à Toulouse devant les caméras de France 2. Et Jack Lang qui répond à des interviews. Merde, on se croirait en 1982 ! Juste avant la rigueur…
Voici comment on peut voir les choses, 34 ans après, quand on a l’esprit mal tourné : les hiérarques socialistes reçoivent la note brutale de leur politique de relance, ils se grattent la tête autour d’un truc qui détournerait l’attention, tiens, pourquoi pas du pain, des jeux. Et paf, Jack arrive avec sa « fête de la musique », cette chose éminemment païenne, très socialisme de loge, très « Dieu est mort c’est toi toi toi, Dieu, maintenant ». La musique pour tous, la joyeuse expression cacophonique, le bruit, quoi, en lieu et place de la démocratie. Ensuite il y aura la libération des ondes, la télé dite libre, et SOS Racisme. Le grand enfumage !
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