Ce lundi 5 septembre 2016 marque la vraie rentrée politique et médiatique française. Nous avons choisi trois personnages emblématiques : Michel Onfray, Jérôme Cahuzac, et Cyrille Eldin. Ça tombe bien, ils font l’actualité de ce jour.
Onfray lance sa propre Web TV. Pourquoi, alors qu’il passe partout dans les médias, même s’il se fait un peu chahuter ? On pense à Yann Moix, qui n’avait pas été tendre avec lui, le traitant presque de nazi (on n’est jamais loin d’une accusation de nazisme, dans la télé « française »).
Invité dans Le Grand oral des Grandes Gueules, le philosophe de gauche girondine (opposée à jacobine) expose tranquillement son programme. Car oui, Michel fait de la politique. Il sème des conférences dans des petits bleds, car il considère que Paris assèche la France, intellectuellement. Il défend ce régionalisme de Proudhon, avec ses assemblées (on a un peu ça avec les nouvelles régions mais ce machin a épaissi le mille-feuilles administratif, pesant encore plus sur le dos de la nation), et propose un communalisme libertaire.
À peine monté sur le ring des GG, Michel, qui se plaint de son (mal)traitement médiatique, – « Y a quand même des médias où je suis invité pour prendre des coups pendant une heure » –, se fait cueillir par un crochet du droit :
Un GG : « Bon alors Web TV, c’est-à-dire que Michel Onfray face caméra va parler tout seul et on pourra pas le contredire ?
Onfray : « Euh c’est pas comme ça que ça fonctionne, c’est pas une télévision un média à ma gloire, pour que l’Université populaire puisse s’exprimer, ça fait des années, 2002 d’ailleurs, depuis que Le Pen est arrivé au second tour des présidentielles puisque c’était ça le début de la création de l’Université populaire, y a une vingtaine d’amis qui font l’université populaire, on n’en a jamais invité un ! […] Donc tous les cours de ces amis sont là. »
Ah mince, son excellente idée d’université populaire (la fac « ouverte » et autogérée de Vincennes après 1968 a proposé à peu près la même chose) vient de la grande peur de l’entre-deux tours 2002… On sent le Onfray assez antifasciste de base, quand même. Mais il réserve ses meilleurs coups à la gauche de pouvoir :
« Il y a un effondrement de la civilisation, un effondrement de nos valeurs, un effondrement du discours de gauche à gauche, qui n’est plus capable de proposer l’intégration à la République. La République ne s’est pas rendue désirable. La République c’est quoi aujourd’hui ? C’est des copains et des coquins, c‘est des gens qui détournent de l’argent, ce sont des gens qui sont pris la main dans le sac et qui en même temps veulent être présidents de la République… »
Et hop, merci pour la transition, direction Cahuzac.
C’est Michel Rocard qui a volé le poulet, herr Kommandant !
Ben justement, un qui s’est fait piquer, et dont le procès commence, c’est le socialiste Jérôme Cahuzac. Un chirurgien à l’origine, qui a fait une petite fortune en replantant des cheveux sur la tête des personnalités. Il a accessoirement ouvert des comptes en Suisse puis à Singapour afin de faciliter la vie de ses amis politiques. Puis il est devenu – logiquement – ministre du Budget, et a fait pleurer de rage Gérard Filoche, qui croyait en la pureté démocratique. Le Grand Orient l’a foutu dehors en 2013, parce que ça la foutait mal, quand même. Il y a assez d’affaires comme ça chez les frérots.
Énième procès d’homme politique qui va finir en quenouille, nous direz-vous. Pas faux, mais l’intérêt n’est pas là. Mediapart l’a balancé sur ordre supérieur (probablement venu de l’Élysée), et on pense qu’il s’en sortira. Mais comme pour les procès de la mafia, la menace voilée est dans l’air. Premier jour, premier coup de théâtre : si j’ai planqué du pognon de Pfizer (un grand labo pharmaceutique), c’était pour la carrière de Michel Rocard, dont je pensais qu’il aurait un destin, nous avoue Jérôme, en substance.
Et là, par la grâce du cinéma, nous revient une scène de la Liste de Schindler (en anglais non sous-titré) :
Résumé de l’intrigue : un détenu du camp de Plaszow a volé un poulet. Le commandant SS Amon Göth, remarquablement interprété par Ralph Fiennes (celui qui est mieux habillé que les détenus, plutôt négligés), demande au coupable de se désigner parmi les détenus qui sont alignés… Pour accélérer les choses, car les Allemands sont relativement impatients, il en abat un, et se prépare à en abattre un second, lorsqu’un un enfant s’avance, et dénonce… l’homme fraîchement abattu.
Sacré Jérôme, malin comme un détenu de camp de travail !
Un fasciste sur Canal+ ?
On reste dans les types malins, avec le jour de gloire de Cyrille Eldin, qui attaque son Petit Journal, abandonné par Yann Barthès, parti pendant le mercato marquer des buts pour le Groupe TF1.
L’ogre Bolloré, le tueur de coûts (Canal doit économiser 80M€, alors qu’il a refilé 250M€ à Hanouna sur 5 ans), a tranché : il ne restera plus qu’une heure en clair de Canal+ par jour, et c’est la tranche du Petit Journal version Eldin. Il a intérêt à être drôle...
Rappelons qu’à la naissance de la chaîne (1984), pour contrebalancer l’effet « télé pour riches » dénoncé par toute la presse, le socialiste François Mitterrand avait exigé qu’il y ait une contrepartie en clair, c’est-à-dire en gratuit. Au début, les fondateurs de la télé cryptée ont accusé le choc, en se disant que ça allait leur faire perdre de l’abonné, surtout en période de lancement. Et puis pas du tout : l’effort marketing a été porté sur le « clair », afin de donner envie aux Français de payer l’impôt Canal. Et ça a marché, avec de la pub en plus. Et le clair est devenu la vitrine, la publicité permanente pleine de sourires et d’humour et de sexe et de jeunesse et de couleurs pour appâter le chaland.
Bolloré revient donc sur la promesse initiale, et refait de Canal+ une chaîne exclusive pour riches, vu ses tarifs démentiels. Elle se condamne donc à terme, puisque les jeunes ne peuvent la regarder, accros qu’ils sont à YouTube. Nous voilà avec une télé confidentielle, qui perd mécaniquement des téléspectateurs et de l’influence. Et pour contrecarrer ça, on annonce le retour des Guignols… en clair. Mais le train est passé.
En tous les cas, Eldin a retenu la leçon négative de Barthès, qui était le symbole du pouvoir des minorités contre la majorité : des homos contre les hétéros, de Paris contre la province, du lobby sioniste contre les goyim, des branchés contre les ploucs, de la gauche culturelle contre la droite inculte… Bref, de l’oligarchie contre la France. Le truc que condamne justement Onfray. Interrogé par Le Monde, Eldin dérape gravement, en pensant bien faire :
« On était dans “Le Petit Journal” dans quelque chose où on pouvait stigmatiser, tourner en ridicule les uns, tenir à distance les autres. Mais si on veut être plus proche des gens, il faut écouter davantage tout le monde, les militants du Front de gauche, du Front national (FN), essayer de comprendre… »
Qu’est-ce que t’as pas dit là, malheureux ! La contre-attaque du journaliste mainstream horrifié ne se fait pas attendre :
« Comprenez-vous qu’on soit choqué quand vous blaguez avec Marine Le Pen ou Marion Maréchal Le Pen ? »
« Je comprends que ça choque car ça déstabilise. Mais je constate que la diabolisation du FN n’a jamais aidé à faire descendre ses scores. Ça permet à Marine Le Pen de se victimiser, de mettre dans une case les bobos parisiens, la presse de gauche, l’entre-soi de la bourgeoisie d’État… On m’a accusé de la rendre sympathique dans une chronique mais je finissais en lui demandant ce qu’elle faisait au FN si elle n’était pas raciste, pas antisémite et pas homophobe. Ce n’était pas gentil, vu qu’elle représente ce parti. Mais comme elle a ri, ça l’a rendue sympathique. Je ne peux pas être rendu responsable de ça. »
L’émission du 9 septembre 2015 où Eldin entre au FN (façon de parler) :
Eldin fasciste ! Il a fait sourire Marine Le Pen ! Qu’il soit jeté vivant dans la cheminée du CRIF et que ses cendres soient saupoudrées comme celles d’Eichmann hors des eaux territoriales israéliennes !
Oups, pardon (chrétien).