J + 10 (ans), c’est le délai moyen en France pour qu’une semi-vérité dans une affaire de politique profonde émerge timidement à la connaissance du public. La politique profonde, c’est quoi ? Par exemple les gigantesques deals d’armes qui donnent lieu à des commissions et des rétrocommissions.
En deux mots : le 23 décembre 2008, le président Sarkozy signe un gros contrat avec le président Lula pour la livraison de 4 sous-marins Scorpène. Le Scorpène est une bestiole qui peut zoner dans les grands fonds et qui peut accessoirement sécuriser les zones pétrolières qui sont la cheville économique du Brésil. En plus de ce matos d’enfer, la construction d’une base militaire, d’un chantier naval et d’un sous-marin à propulsion nucléaire est décidée (source Le Monde). Un contrat à 6,7 milliards dont 4,1 pour la France. Jusque-là, toute la presse économique intéressée dans la réussite de l’oligarchie libérale lâche un immense cocorico. Le problème, c’est que le Brésil nage actuellement dans un grand déballage anticorruption, qui a eu la peau de l’ex-présidente Dilma Roussef, remplacée par Michel Temer, qui n’est pas en meilleur posture. En jetant sur elle l’opprobre de la corruption, Temer s’en est mis plein les mains… et éventuellement plein les fouilles.
- Scorpène en chantier (les services US avaient piraté ses plans et les avaient livrés au public)
Mais l’affaire franco-brésilienne embête nos officiels, qui ont dépêché une équipe anti-corruption, histoire d’éteindre l’incendie. Car dans ce genre de marché, en général surfacturé, une partie de la surfacturation va dans la poche du contractant, et une autre dans celle du contracté. Au nez et à la barbe des peuples payants, car ce sont les contribuables qui payent, au final. Cette ponction permet aux partis politiques de « vivre », et on appelle ça la démocratie. On en pense ce qu’on veut, mais ça marche de la sorte. On verra si la justice fait son boulot ou si elle s’arrête en cours de route. Mais quelque chose nous dit que ça risque de finir comme l’affaire des frégates de Taiwan…
La démocratie, c’est beau, mais ça (nous) coûte cher. C’est pour ça que nos dirigeants y tiennent et s’y accrochent à ce point kikoulol pétéderire ! C’est pas le jeune roi Macron (le dauphin du roi Hollande, dit le Pépin) qui dira le contraire. Mediapart révèle que ce ne sont pas les gentils donateurs un peu nunuches que Vincent Lapierre a interrogés à l’entrée des meetings En Marche ! qui ont rempli les caisses (inutile de chercher, y a pas de contrepèterie) de campagne de Macron mais un bon gros pool de banquiers d’affaires. Une info tirée des fameuses Macron Leaks dont la presse mainstream nous avait pourtant dit qu’elles étaient dénuées d’intérêt.
En un an, faisant mine de récupérer des dons de 4 000 euros max de la part des « marcheurs » issus de toutes les catégories sociales (kikoulol), le mouvement a aggloméré des pointures de la finance qui ont fait des chèques autrement plus sérieux. C’est l’ex-DG de BNP-Paribas Christian Dargnat qui s’est occupé de l’opération « enfume la presse qui enfume le peuple » (le titre péjoratif est de nous). Les banques et les multinationales ont fourni des gros cadres qui se sont mis généreusement en disponibilité pour EM ! et qui ont réussi à lever 13 millions en moins d’un an. Des dons, mais aussi des dîners à l’américaine où les convives déboursent un max pour avoir le droit de causer avec l’éventuel futur président. Autant dire que les ouvriers de Whirlpool pouvaient se lever tôt pour s’offrir une place à la table des grands !
- Macron rétribue ses généreux donateurs en loukoums
Chose curieuse, l’article de Mediapart montre quand même que les fund raisers en ont chié pour récupérer 13 bâtons (les revenus des dîners n’étant pas comptabilisés), alors que le moindre PDG d’une grosse taule pourrait refiler le cash en dix minutes. On exagère, mais c’est pas si loin de la réalité : toutes ces précautions pour nous faire comprendre que Macron est le candidat de l’oligarchie, ce qu’on savait déjà depuis 3 ans. Le 3 février 2014, E&R publiait ça :
Tout le plateau est au garde-à-vous : Manuel Valls en personne, le Sarkozy socialiste, en ce jour de désordre familial, vient apporter un peu d’ordre républicain. L’homme qui a vaincu Dieudonné aux points grâce à l’arbitre donne son imprimatur à la promotion annoncée du jeune Macron. Hélas, le sujet, initialement tourné dans un but promotionnel – la voix off ose un stupéfiant « on dit même que cet homme dirige la France » – tourne au complotisme involontaire. Car les anges gardiens du Macron évoqués dans le reportage sont deux vieilles connaissances : Alain Minc et Jacques Attali. Un réseau d’amitiés dont la publicité fait douter les pourtant très bien-pensants journalistes de la chaîne…
La voix off reprend : « Un pied dans le monde de la finance, un pied dans celui de la politique. 2008, le jeune ambitieux se lie à François Hollande, la rencontre a lieu en plein cœur de la très chic banlieue parisienne, Neuilly-sur-Seine, chez Jacques Attali. »
Écoutons Attali : « J’ai trouvé utile de les présenter, j’ai pensé que pour François c’était le meilleur possible, pour l’accompagner dans la campagne… J’ai dit à François devant Emmanuel, tu devrais le voir et je pense qu’il peut beaucoup t’apporter voilà… Y avait tout de suite une bonne entente, tout de suite ils se sont revus, François m’a tout de suite dit que il était ravi de le voir, et voilà. » La mise en relation est fructueuse : « En coulisses, le banquier d’affaires de la banque Rothschild prépare déjà des fiches au candidat François Hollande. Il participera même à l’élaboration de son programme. »[...] Le sujet s’achève en apothéose : « Faire, mais dans la lumière, ce serait la prochaine étape du jeune ambitieux. L’homme de l’ombre a très envie d’en sortir. »
Le lancement de la fusée Macron, ça date carrément de 2008 ! Les sponsors ont vu loin... Tout était écrit, n’est-ce pas, comme dans le Talmud. Prophétie autoréalisatrice ? On pose la question à Laurent Guyénot : Laurent si tu nous lis…
- Bon ben Anne de Paris, bonne chance...
Sœur Anne, ne vois-tu la fin venir ?
Pendant que l’étau se resserre autour du discret Sarko à travers le scandale de la tentaculaire Petrobras (l’entreprise pétrolière brésilienne numéro 1), que les sponsors du Macron sont exfiltrés de l’ombre par le biais de quelques fuites, se poursuit le grand mercato politico-médiatique.
Voici que l’Anne de Paris se retrouve dans le viseur des mousquetaires du Roi. C’est le chevalier (Benjamin) Griveaux, porte-parole d’En Marche ! sans maroquin, qui approche de l’Hôtel de Ville avec armure et brise-tête. Son but : prendre la mairie après la 5e circonsciption parisienne. Logique, et impitoyable : les troupes socialistes n’ont obtenu que 10% des voix dans la capitale, ce qui est somme toute honorable pour un parti qui a pillé le trésor communal, tandis que celles du Roi ont pété le high score : 35% ! Cerise pourrie sur le gâteau fondu, l’Anne de Paris avait eu l’audace de déclarer, pendant la campagne :
« Je n’ai perçu dans son travail quotidien ni une modernité qui m’aurait éblouie, ni un rapport à la démocratie qui me donnerait confiance »
On rappelle que l’Anne avait été placée à son poste par le président Hollande, le pire de la Ve, et même de toutes les républiques précédentes, plus tous les rois de France avant cela, sans oublier les rois des Francs, et les chefs de guerre des tribus préhistoriques qui constituent nos ancêtres. Nos ancêtres les hommes préhisto, comme ça tout le monde est content. Tenez, on va refiler l’idée à Belkacem, qui en a bien besoin.
Ah non, pas la peine : face au candidat LREM à Villeurbanne, elle est quasiment à la rue. Tiens, le destin des mômes de l’école publique qu’elle a contribué à affaiblir. Une espèce de justice immanente…