La concentration des médias s’accélère, dans le privé, et le public. Mais la propagande, qui nous coûte très cher, reste la même. Elle dénonce les uns, et protège les autres.
Grève de France et synergie
Le fils Lagardère n’y va pas de main morte. Il applique la méthode d’Alain Weill – le membre du Siècle qui préside le groupe NextRadioTV comprenant RMC et BFMTV, un ensemble récemment racheté par le groupe Altice de Patrick Drahi – qui consiste à regrouper les rédactions des divers supports (presse écrite, radio, Internet et télé) pour faire des économies d’échelle. En gros, virer du monde et faire trimer les survivants.
Ainsi, un « pool » de journalistes, en réalité une fosse blindée de stagiaires et de pigistes motivés au fouet de la pauvreté, pond chaque jour des dizaines de pseudo-articles ou chroniques pour les différents supports. Chez Hachette Filipacchi, autrefois fleuron de la presse magazine mondiale, cela va se traduire par un « rapprochement » (toujours ces euphémismes positifs) entre la rédaction du JDD, le Journal du Dimanche, et celle d’Europe 1. En mode libéral, quand on perd des points de rentabilité, on vire des employés. Parfois même, on peut être rentable, et virer quand même des gens, pour être plus rentable encore, et satisfaire aux exigences des actionnaires.
- Arnaud Lagardère est confronté aux difficultés de la propagande par voie de presse
Inversement, dans le monde très « armée mexicaine » des chaînes publiques, c’est-à-dire dont l’État est l’actionnaire unique, les équipes en charge des journaux d’information sont légions. Il y a celle du 12/13 de France 3, le midi donc, le 13 Heures de France 2, le journal de la nuit de France 3 (Soir 3), puis le fameux 20 Heures de France 2, le 19/20 de France 3, sans oublier les éditions régionales, puis les chaînes en ligne francetvinfo (en grève ce jeudi 7 avril 2016) et France 24 (on n’arrive même plus à savoir qui est qui et qui fait quoi et quelles sont les différences), et la future chaîne d’info publique en continu sur la TNT gratuite, prévue pour septembre 2016.
Ah, il y a aussi les chaînes LCP et Public Sénat, qui possèdent leur staff d’information, mais sans JT proprement dit. Et on ne parle même pas d’une éventuelle synergie avec les radios publiques, par exemple France Inter et Radio Bleu (la rédaction de France Info est déjà sur le pied de guerre parce que la nouvelle chaîne d’info en continu devrait s’appeler « France Info » aussi !). Tiens, en parlant de Radio « France », l’agglomérat de radios nationales qui portent si mal leur nom, la pub arrive, par décret du Journal Officiel.
- Audrey Azoulay, celle par qui la publicité arrive sur les radios publiques
Devant la décrépitude (16 millions d’euros de déficit annoncés pour 2016) et les audiences en berne de ces fréquences qui devaient être « publiques », et donc éclectiques, démocratiques, pluralistes – n’en jetons plus ! – et qui ont fini en organes de propagande à voix unique, celle du pouvoir répressif en place, les autorités (en fait il s’agit d’Audrey Azoulay) ont donc décidé de truffer 30 minutes de spots de pub par jour sur les trois radios suivantes : Radio Bleu, France Inter et France Info. Ben oui, déjà que ces audiences sont éclatées, et se cannibalisent un peu les unes les autres, voilà qu’on va se goinfrer des slogans et des réclames par dessus… Les adeptes de la pureté culturelle se frottent les mains : personne n’ira placer un spot pour une crème à raser avant l’émission israélienne d’Alain Finkielkraut sur France Culture, Répliques. C’est toujours ça de gagné…
Tout ça pour dire quoi ? Ben toujours un peu la même chose, hélas : le budget pharaonique de toutes ces chaînes et stations publiques, en partie détourné par des propagandistes que les Français abhorrent, disparaît dans un trou noir impossible à boucher. Donnez-nous un centième du budget total de l’audiovisuel public, soit 3,7 milliards d’euros en 2016 – eh oui, madame – et on vous fait une télé et une radio de derrière les fagots… dont vous entendrez parler encore dans 1000 ans. Si au moins la propagande du pouvoir socialo-sioniste était discrète, un peu fine… mais non, c’est de la grosse caisse, chargée de mépris, d’ignorance, d’omission douteuse et de mensonge éhonté. Ça sert les intérêts de tout, sauf du peuple français. Quant à l’audiovisuel privé, n’en parlons pas. Pour faire bonne figure, il introduit un peu de « grandes gueules » (RMC) et de « Zemmour » (RTL), mais à la fin, c’est toujours les mêmes qui gagnent.
Le salafisme, épouvantail médiatique à la solde de l’Empire
En parlant de propagande, ces derniers jours, hormis la grosse scie des Panama Papers, c’est le salafisme qui tient le haut du pavé. Les médias s’intéressent soudain au salafisme : c’est quoi le salafisme, c’est qui, d’où ça vient, pourquoi ils sont méchants, est-ce une maladie de l’islam, comment le combattre, etc.
On voit alors les spécialistes plus ou moins autoproclamés de la chose (toujours un peu floue, la chose islamique, vu qu’on a à moitié interdit l’UOIF et que les pseudo-représentants de l’islam en France ne le représentent pas forcément, quand ils ne sont pas à double facette) débarquer pour nous faire la leçon. Une leçon qui finit toujours en avertissement solennel. Le salafisme, cette version radicale de l’islamisme, représenterait donc, si l’on en croit ce qui ressort du débat, le danger numéro un pour la France et les Français. Exit le chômage, la désindustrialisation, la santé, toutes ces conneries. Les Français doivent se lever comme un seul homme contre cet OPNI (objet politique non identifié) : le salafisme. Et défendre la Nation, à la manière des révolutionnaires de 1792, qui ont courageusement bouté à Valmy l’ennemi austro-prussien du sol national. Jacques Attali propose la levée d’un corps de 100 000 citoyens pour assurer la sécurité partout. On se croirait en Israël, avec la menace qui peut venir de toutes les frontières extérieures. Sauf que chez nous, on ne peut pas construire des murs autour des banlieues « islamiques », car le danger est déjà à l’intérieur ! Le ver salafiste est dans le fruit français ! Au secours !
En tous les cas, une pression phénoménale est mise sur les musulmans de France. Malek Chebel accepte la sentence oligarchique en tremblant, c’est-à-dire d’amalgamer l’islam à un « islamisme » criminel. La vipère salafiste qui risque de contaminer tout le corps de l’islam... Comment résister à cette pression ? Même le Père Delorme rejoint l’analyse de Gilles Kepel, qui voit dans la déstabilisation actuelle du monde, on a bien dit du monde, la main d’un islam radical…
Le Père Delorme, mais si, le curé des Minguettes, qui avait organisé la fameuse Marche des Beurs en 1983, et qui connaît bien la banlieue française, note un durcissement de l’islam dans les quartiers depuis le début des années 90. Soit celles de la guerre civile algérienne (entre 100 000 et 200 000 morts), qu’on sait aujourd’hui financée par l’Arabie saoudite. Oui, une guerre civile financée par un pays tiers. De ce moment date l’irruption du salafisme sur la scène politique maghrébine, puis française, par capillarité.
Mais quel intérêt aurait eu le royaume hachémite de déstabiliser l’Algérie ? La réponse se situe dans l’intérêt de l’Empire, un étage au-dessus, à savoir l’alliance américano-sioniste, à déstabiliser les régimes forts ou nationalistes assis sur les grandes réserves énergétiques du sous-sol. D’ailleurs, la baisse actuelle programmée du prix du pétrole conjuguée à l’augmentation de la production saoudienne impacte deux pays clés un peu trop résistants au goût de l’entente américano-sionisme : l’Algérie (qui refuse toujours de reconnaître le « terrorisme » du Hezbollah) et l’Iran (qui soutient le Hezbollah).
L’Irak a ainsi été passé au bulldozer impérial depuis 1990, un labour sur deux décennies, la Syrie depuis 2011, l’Algérie a subi une déstabilisation massive depuis 1990, qui a duré une décennie, déstabilisation qui revient actuellement par le biais de ses pays limitrophes, qui ont tous été secoués, ou sont en voie d’éclatement : le Maroc mis à part, la Tunisie a connu de grands bouleversements, la Libye a explosé, le Mali a été coupé en deux. La clé du « salafisme français », c’est-à-dire l’explication ou la logique des attentats de 2015 sur le sol national, est peut-être à chercher dans cette stratégie globale.
Oui mais, diront les sceptiques, il n’y a pas de pétrole en France, alors pourquoi l’Empire voudrait-il nous déstabiliser ?
Les pays par trop nationalistes sont sur la liste (souvenez-vous de la Serbie, l’alliée numéro un de la Russie en Europe). La résistance française à l’Empire, qui ne date pas d’hier – on l’a vu avec le veto chiraquien de 2003 lors de la grande ratonnade de Bush et de sa « coalition » – semble être à l’origine de nos ennuis actuels. Des ennuis qui se comptent en morts.
Alors Caroline Fourest a beau faire le tour des plateaux TV, BFM TV a beau nous faire la leçon képelienne sur le salafisme, plutôt que d’ergoter sur le voile islamique, on aimerait bien savoir qui conduit le bulldozer destructeur de souverainisme qui avance avec le masque salafiste.
Patrick Liste Noire Cohen présente son invitée : « Caroline Fourest, enseignante à Sciences Po [la pépinière de la caste médiatico-politique pro-sioniste, NDLR], spécialiste de l’intégrisme, des intégrismes [se reprend-il], pour nous aider à voir un peu plus clair dans ce débat qui resurgit brutalement sur le port du voile, la mode islamique, l’influence en France d’un islam rigoriste… »
On notera la gentillesse manifeste de Patrick envers Caroline, qui tranche avec la dureté qu’il opposait à la mère d’une des victimes du Bataclan.
Le fourestisme ou cohenisme – deux variantes idéologiques identiques du sionisme – est-il en train de gagner la bataille ?