Egalité et Réconciliation
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Fêter l’Aïd dans les prisons

Plus de la moitié de la population carcérale en France est de culture musulmane. Un fait, bien qu’aucune statistique officielle n’en fasse écho. Depuis 2007, la nécessité longtemps discutée d’avoir des aumôniers musulmans officiels s’est concrétisée avec la nomination d’un représentant national et quelque 150 aumôniers répartis sur tout le territoire. Un soulagement pour les centres pénitentiaires, une aide morale pour les détenus. L’Aïd se fête aussi en prison. Éclairage.

Soumia Al Alaoui fait partie de ces femmes « overbookées ». À peine arrivée sur le lieu du rendez-vous – l’aumônerie qu’elle gère avec son époux – qu’elle nous file des cartons pleins tout droit sortis d’un monospace.

La récolte a été satisfaisante : une bonne vingtaine de paquets de dattes, des kilos de pâtisserie orientale et quelques en-cas. Des produits qui viennent s’ajouter aux donations récoltées tout ce mois, stockées dans la réserve, à l’étage.

L’Aïd, un moment de partage et de solidarité ? Les époux aumôniers l’ont bien assimilé. Plus de 800 colis de l’Aïd el-Fitr seront distribués aux détenus de la dizaine de centres pénitentiaires que compte la région Nord. Une tâche ardue qui nécessitera la mobilisation de plusieurs bénévoles. Cela étant, des colis alimentaires, les quelques 2 700 jeûneurs incarcérés de Lille et ses 300 kilomètres à la ronde en ont reçu pendant le mois de Ramadan.

Mais un des ingrédients d’une fête réussie, c’est évidemment le chant, inscrit depuis la nuit des temps dans l’histoire de l’humanité. Depuis deux ans, Mme El Alaoui, qui travaille auprès des femmes incarcérées, ramène des groupes de chants religieux bénévoles, pour faire danser et « s’évader » au rythme des tambours, histoire de casser le temps d’un après-midi l’atmosphère ténébreuse qui règne sur les détenues.

« Le meilleur d’entre vous est celui qui est au service des gens. » Une parole du Prophète de l’islam (hadith), le leitmotiv de Hassan Al Alaoui. Aumônier exerçant dans la région Nord depuis douze ans, il a été nommé par le CFCM et avec l’aval du ministère de la Justice Aumônier national des prisons, en 2007.

Lui et son épouse se rendent autant qu’ils le souhaitent dans l’année auprès des détenus, qu’ils soient de confession musulmane ou non. Seules trois occasions, cependant, leur permettent de servir des colis alimentaires, étant donné qu’il est interdit, même aux familles, de faire rentrer de la nourriture.

Le Ramadan et les deux fêtes de l’Aïd du calendrier musulman permettent ainsi aux détenus de goûter entre autres à la viande halal – véritable problématique dans les prisons. « Imaginez : celui qui a une peine de trente ans se retrouve contraint d’adopter un régime végétarien pendant toutes ces années ! », explique de sa voix posée l’aumônière.

Le réconfort est venu du label de certification halal AVS, qui leur fit don d’environ 800 kilos de saucissons halal à distribuer dans l’année. Un geste grandement apprécié, d’autant qu’il se fait « discret » : « Ils ne nous ont rien demandé en retour, pas même de leur faire de la pub », nous déclare, enchantée, l’aumônière. « C’est cela que nous essayons de faire comprendre aux gens : que s’ils donnent, c’est uniquement pour Dieu. »

Un geste de foi simple, mais qu’il faut aller chercher. Depuis le mois de mars, Soumia El Alaoui parcourt mosquées et associations pour lancer des appels aux dons. Les retours sont positifs mais « pourraient l’être davantage », estime-t-elle, avant de retourner à ses multiples occupations, et de s’occuper aussi, de ses sept enfants.