Contrairement au système français, l’exécutif en Suisse n’est pas caractérisé par une concentration du pouvoir ni même par une personnification de celui-ci. Tous les Suisses ne connaissent pas le nom de leurs dirigeants, qui sont les membres du Conseil fédéral, élus par l’Assemblée fédérale (chambre haute plus chambre basse), après chaque renouvellement intégral du Conseil national et pour une période de quatre ans.
Les conseillers fédéraux, le président de la Confédération et le vice-président du Conseil fédéral sont élus séparément. Est élu le candidat réunissant sur son nom plus de la moitié des voix (majorité absolue). Les conseillers fédéraux qui se représentent sont soumis au scrutin de réélection selon l’ordre d’ancienneté.
La conseillère fédérale Eveline Widmer-Schlumpf ayant décidé de ne pas se représenter pour un nouveau mandat, l’Union démocratique du centre (UDC) a officiellement désigné, le 20 novembre dernier, trois candidats pour lui succéder :
le Conseiller national zougois (le fameux paradis fiscal suisse) Thomas Aeschi ;
le Président du Conseil d’État (exécutif cantonal) tessinois Norman Gobbi, qui est, lui, membre du parti Lega ;
le Conseiller national vaudois Guy Parmelin.
Thomas Aeschi, 36 ans, proche de Christophe Blocher, représente l’aile libérale et avait peu de chances d’obtenir les faveurs du parlement.
À noter qu’Oskar Freysinger, malgré ses nombreuses qualités personnelles (il maîtrise plusieurs langues fédérales, il a de l’expérience à la tête d’un exécutif et il possède un charisme indéniable) n’a pas été retenu par son parti pour se porter candidat, notamment car on lui reproche de ne pas être assez « lisse ».
Tactique
On peut sérieusement s’interroger sur ce non-choix de l’UDC au Conseil fédéral, qui a préféré désigner Norman Gobbi dans le rôle du candidat pourfendeur de la langue de bois. Sur le plan sécuritaire, il est considéré comme étant très à droite ; il a par exemple demandé la fermeture des frontières afin de stopper le flux des migrants et a obtenu une augmentation des effectifs de police de son canton. En ce qui concerne les questions sociales, il est plus à gauche que la plupart des UDC puisqu’il combat le dumping salarial, l’augmentation de l’âge de la retraite et est pour une caisse maladie unique (un système similaire à la Sécu française). Ce candidat, tout comme Thomas Aeschi, avait peu de chances d’être élu car le parti socialiste avait refusé de voter pour lui, en rappelant insidieusement qu’il avait commis un dérapage raciste par le passé [1].
C’est donc Guy Parmelin qui a finalement été élu par le Parlement ce mercredi 9 décembre. On peut y voir un choix tactique de l’UDC car cela va permettre la promotion du parti en Suisse romande, où il est moins bien implanté qu’en Suisse alémanique. Nombre de Suisses romands pensent qu’il sera bénéfique pour leur région linguistique d’avoir un représentant supplémentaire au sein de l’exécutif. Les socialistes auraient préféré un candidat du centre ce qui montre leur peu d’attachement à la représentativité populaire. Guy Parmelin n’a pas d’expérience dans un exécutif mais est bien implanté dans le paysage politique suisse puisque cela fait 12 ans qu’il siège à Berne. Nombre de commentateurs s’interrogent sur les capacités de ce viticulteur et agriculteur à gérer le département qu’on lui attribuera.
Politique internationale
Quelles sont les positions de Guy Parmelin au niveau de la politique internationale ? À l’instar de nombreux UDC, on peut juger qu’il se profile sur une ligne atlantiste. En 2005, il avait fait preuve de beaucoup de zèle au parlement pour clouer au pilori la position de Mahmoud Ahmadinejad vis-à-vis d’Israël, en n’hésitant pas à la caricaturer de façon douteuse. Dans une inversion accusatoire digne de Benyamin Netanyahou, Guy Parmelin avait prétendu que c’était l’Iran qui menaçait Israël alors que ce pays ne cesse de menacer de bombarder les installations civiles iraniennes et de persuader les États-Unis de mobiliser sa puissance militaire contre un pays qui, depuis la Révolution islamique, n’a jamais attaqué ses voisins [2].
Un signe qui ne trompe pas, Guy Parmelin ne faisait pas partie de la délégation de l’UDC en Iran en avril 2014 [3].
Le nouveau Conseiller fédéral a su progresser en politique sans se mettre certains lobbies à dos et même peut-être gagner leurs faveurs. Cela a certainement dû lui être bénéfique pour accéder au plus haut niveau du pouvoir. Si d’aventure, Guy Parmelin obtenait le Département fédéral des affaire étrangères (DFAE), on peut s’attendre à une politique plus « fabiusienne » que « villepiniste » en ce qui concerne le Proche et le Moyen-Orient.