Le 18 octobre prochain, le peuple suisse va renouveler son parlement. De nombreuses associations et des groupes d’intérêts profitent de ces élections fédérales pour envoyer des questionnaires aux candidats afin de connaître leurs positions sur les thématiques qui sont au centre des préoccupations de ces associations et groupes d’intérêts.
La Coordination intercommunautaire contre l’antisémitisme et la diffamation (CICAD) n’a pas dérogé à la règle en envoyant son questionnaire, composé de 18 questions portant sur « les questions relatives au racisme, à l’antisémitisme et au vivre ensemble » selon ses propres mots, à tous les candidats identifiés (648 au total) dans les six cantons francophones. Voici ce qui ressort de ses réponses [1].
Moins de la moitié des candidats sollicités seulement ont daigné répondre au questionnaire (319 sur 648, soit 49,2%). Ce bien piètre résultat a de quoi donner des cheveux gris à Johanne Gurfinkiel, Secrétaire général dynamique de la CICAD, car soit cela veut dire que la moitié des candidats au parlement helvétique sont au mieux des antisionistes carabinés (la frontière entre antisionisme et antisémitisme étant très fine), soit au pire de vicieux antisémites , auquel cas « Gurfie » aurait du souci à se faire pour son association après le 18 octobre, si une partie importante de ces candidats venait à être élue. Une autre hypothèse, plus rassurante celle-ci, peut aussi être le manque d’importance de cette association aux yeux de nombreux candidats. Certains n’aiment peut-être pas non plus le fait qu’elle mélange la défense d’Israël (les missions de la CICAD sont notamment la « défense du droit à l’existence d’Israël » et la « lutte contre l’antisémitisme déguisé en critique d’Israël » [2]) et le combat contre l’antisémitisme. D’autres sont peut-être aussi lassés par le devoir de mémoire ad vitam æternam prôné par l’association.
Lorsque l’on se penche sur la proportion des candidats ayant répondu au questionnaire au sein des partis, nous nous étonnons de voir que le second parti ayant proportionnellement le moins répondu aux questions de l’illustre association (celui ayant apparemment les plus grands trous de mémoire quant à la séquence 39-45 et ayant répondu le moins étant le Parti Pirate, cela ne s’invente pas !) est SolidaritéS, parti d’extrême gauche pro-palestinien s’étant fait remarquer cet été par ses nombreuses actions de soutien aux migrants (dont les porte-étendards auraient sans-doute dû être sélectionnés avec plus d’attention au vu de leurs sorties théâtrales et des doutes concernant leurs origines). Le fait qu’une telle proportion de candidats de ce parti ait snobé le questionnaire est paradoxal quand on sait que lors d’une réunion [3] en avril dernier entre une délégation du parti et la direction de l’association de lumière, dans le cadre des élections municipales genevoises, Pablo Cruchon, Secrétaire politique de SolidaritéS, déclara :
« Nous l’avons démontré à plusieurs reprises par des prises de positions et des actions. Lors des derniers spectacles de Dieudonné, nous étions le seul parti politique à tracter devant les salles à vos côtés. Je ne représente pas les populations juives mais je me sens légitime d’intervenir si je vois des propos antisémites car je pense que c’est mon devoir en tant que citoyen de les dénoncer. »
Pourquoi diable une telle baisse de régime après un aussi beau sursaut de zèle ? La CICAD devrait se pencher sur cette question de plus près et convoquer SolidaritéS pour des explications détaillées : une piqûre de rappel s’impose !
La question « Êtes-vous en faveur de l’abolition ou du renforcement de la norme pénale antiraciste – article 261 bis du Code pénal ? » mérite toute notre attention. Il est à noter qu’il s’agit de l’article du Code pénal suisse portant sur la discrimination raciale et qu’il sert de loi mémorielle similaire en France à la loi dite Fabius-Gayssot, puisqu’il dit :
« […] celui qui aura publiquement, par la parole, l’écriture, l’image, le geste, par des voies de fait ou de toute autre manière, abaissé ou discriminé d’une façon qui porte atteinte à la dignité humaine une personne ou un groupe de personnes en raison de leur race, de leur appartenance ethnique ou de leur religion ou qui, pour la même raison, niera, minimisera grossièrement ou cherchera à justifier un génocide ou d’autres crimes contre l’humanité ; […]sera puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire »
Lors de l’analyse des réponses à cette question plus que pertinente, tout citoyen digne de ce nom et se définissant comme héritier spirituel de grands humanistes tels que Voltaire ou Ferry devra naturellement s’indigner. Même s’ils représentent une infime minorité, 4,40% des sondés voudraient l’allègement de cet article (10 UDC, 2 PDC, 1 Vert libéral et 1 Parti pirate) et 1,31% voudraient même son abolition (1 PLR, 1 PBD et 2 UDC) ! Devant des faits aussi graves, une seule solution s’impose : le visionnage du film Shoah, suivi d’un circuit didactique Mauthausen-Auschwitz-Yad Vashem pour tous les membres et sympathisants des partis dont les candidats ont apparemment oublié ce qu’étaient les heures les plus sombres de l’Histoire universelle, pire encore : ils n’ont pas réalisé que le ventre de la bête immonde était encore fécond !
Mais tout espoir n’est pas perdu car à la question « Pensez-vous qu’il est toujours nécessaire aujourd’hui d’enseigner l’histoire de la Shoah dans les écoles ? », 87,80 % des candidats sondés répondent par l’affirmative. Nos chère petites têtes plus ou moins blondes auront donc certainement la chance de lire à leur tour des chef-d’œuvres de la littérature du XXème siècle tels que Le Journal d’Anne Frank et Si c’est un homme de Primo Levi, et visionner des références du septième art tel que La Liste de Schindler ou La Vie est Belle dans le cadre de leur cursus scolaire.
À la question « Y aurait-il besoin d’établir une nouvelle commission succédant à la Commission Bergier pour approfondir les connaissances sur le rôle de la Suisse pendant la Seconde Guerre mondiale ? », près de la moitié des candidats sondés (47,6%), ont osé défier la CICAD, à la manière d’un Mitterrand face à Elkabbach, et sortir de la repentance éternelle en répondant par la négative.
Les sondés enfoncent le clou en répondant dans leur majorité négativement aux questions « Pensez-vous que la communauté juive de Suisse serait une cible prioritaire dans le cas où des actes terroristes seraient commis en Suisse ? » et « Pensez-vous que l’Etat devrait contribuer financièrement à l’optimisation des moyens de sécurité des bâtiments de la communauté juive ? ». Il est possible que le bon sens l’emporte parfois, et à l’heure où le taux de chômage des plus jeunes et des plus âgés est alarmant, où le futur des retraites est de plus en plus incertain, où la dette des cantons ne fait que croître et où trouver un logement relève du parcours du combattant, les élus ne voient pas comme une priorité la sécurisation supplémentaire de bâtiments de la communauté juive déjà ultra-sécurisés en comparaison d’autres. En ce qui concerne l’établissement d’une nouvelle commission qui étudierait à nouveau le rôle de la Suisse pendant la Seconde Guerre mondiale, il est possible que cette question revienne encore dans cent ans si la CICAD n’est pas dissoute d’ici-là…
Quelles conclusions peut-on tirer des réponses données par les candidats ? Tout d’abord, le relativement petit nombre de candidats ayant répondu au questionnaire peut vouloir indiquer une faible considération pour la problématique de l’antisémitisme, car celui-ci ne semble pas avoir atteint un niveau particulièrement inquiétant. Le faible taux de réponse peut aussi s’expliquer par un manque de crédibilité aux yeux de nombreux candidats de l’organe l’ayant émis. Il est intéressant de noter la faible participation des candidats issus du parti SolidaritéS, bien que celui-ci paraisse être très préoccupé, voir même obsédé par les combats menés par la CICAD. Des voix commencent à s’élever contre la loi antiraciste suisse et sa rubrique mémorielle. Les candidats, tout comme une partie grandissante de la population qu’ils veulent représenter et défendre, ont-ils l’impression que cette loi mène à des dérives et qu’elle va à l’encontre de la liberté d’opinion et d’expression ? Ce qui est certain au vu des réponses des sondés, c’est que l’enseignement de la Shoah, alors même qu’elle ne peut être discutée ou commentée librement, continuera en long et en large au sein de l’école obligatoire.
Pour terminer, les candidats ont, de par leurs réponses à la question demandant si une autre commission devait être créée afin d’étudier à nouveau le rôle de la Suisse durant le second conflit mondial, exprimé un ras-le-bol qui reflète bien celui de la population helvétique, qui est lassée d’être montrée du doigt et stigmatisée pour des événements ayant eu lieu il y a plus de 70 ans et dans lesquels elle n’a aucune responsabilité. Certains candidats ont sans doute aussi envie d’éviter que certains organes communautaires profitent d’une telle commission et de ses conclusions pour toucher des réparations supplémentaires.