Achtung, Gilles Kepel revient !
Et il revient avec sa dernière chanson, « La victoire de Marine Le Pen fait partie du projet djihadiste », un tube qui a du mal à s’imposer sur les ondes.
30 ans d’études, de voyages et de thèses sur le Proche-Orient pour arriver à devoir arrimer son savoir à la propagande dans le but de justifier les attentats commis par l’oligarchie, c’est moche. Mais c’est le prix de la visibilité médiatique et de la subvention d’État. Forte a dû être la double injonction !
Dans Marianne, l’ex-feuille chevènementiste – un Chevènement qui a complètement retourné sa veste souverainiste en appelant à voter Macron, ou comment disparaître d’un coup de l’histoire politique française – Gilou fait une démonstration pour le moins alambiquée. On vous rejoue la scène : « Voilà le problème, gros, tu arrives à nous dire entre les deux tours que Marine égale Djihad, et pour toi c’est tournée générale d’interviewes dans toute la presse aux ordres ! »
Modérons quand même notre critique : nous sommes dans le brûlot socialo-sioniste de Renaud Dély, qui est au journalisme ce qu’un kebab de Strasbourg-Saint-Denis (Paris) est à la haute gastronomie. Dély qui hurle au « fascisme », au « nazisme » et aux « années 30 » à chaque article sur les présidentielles françaises 2017. C’est drôle, depuis que la gauche de pouvoir s’est libéralisée à mort, éjectant ses derniers électeurs de gauche sur sa droite et sur sa gauche dans ce que les observateurs appellent les « extrêmes », le FN est devenu objectivement un parti de gauche, formé des bataillons d’électeurs déçus, volés, truandés par le PS (et ce qui reste du PC). Et en ce moment, on subit une campagne où ce nouveau fascisme, celui de la gauche libérale, accuse la vraie gauche populaire de fascisme, mais d’un vieux fascisme, ce qui signe son crime : c’est toujours le jeune fascisme qui dénonce le vieux fascisme !
Bon allez, assez fascismé, passons à Kepel, il attend avec fébrilité notre point de vue. Mais d’abord, le sien.
« Le projet explicite des djihadistes, tel qu’on peut le constater en consultant leurs sites et leurs tchats, consiste à favoriser la victoire de l’extrême droite, afin de convaincre les musulmans que la France est un pays raciste, que l’intégration est une impasse et qu’il leur faut se rassembler derrière les plus radicaux d’entre eux. L’intention est clairement indiquée dès 2005 dans le manifeste d’Abou Moussab al Souri, Appel à la Résistance Islamique Globale. On peut y trouver l’inspiration des attentats de Montauban et Toulouse, jusqu’à Paris et Nice, qui prévoit plusieurs étapes dans la montée d’une guerre civile sur une base politico-religieuse, dont celle de faire croître exponentiellement le vote d’extrême droite par des attentats de masse conçus comme des provocations destinées à fracturer la société. Dans cette perspective, les élections présidentielle et législatives de 2017 apparaissaient pour l’État islamique comme l’occasion de prendre le débat politique en otage. »
« Jusqu’à présent, ce n’est pas un succès ? »
« Si les attentats avaient continué sur le rythme de 2015 et 2016, avec un nombre de victimes civiles jamais vu depuis 1944, on peut parier que Marine Le Pen serait arrivée en tête du premier tour ! Rappelons-nous comment, juste après l’assassinat du policier Xavier Jugelé sur les Champs-Elysées, on s’interrogeait sur le report possible de voix sur une candidate qui affichait le programme le plus ultra contre le terrorisme. Mais si cela ne s’est pas produit en effet, c’est parce que l’EI a été soumis à une offensive militaire au Moyen-Orient qui a eu pour effet de bloquer ses frontières, d’empêcher la circulation de ses agents vers l’Europe. De plus, le principal coordinateur des attentats, le rappeur Roannais-Oranais Rachid Kassim a été tué par une frappe de drone sur le territoire du “califat” d’où il agissait, en février dernier. Dans son testament, il critique d’ailleurs le leadership de l’État islamique qui n’investirait plus assez dans le terrorisme en Europe. »
Relisez bien la première phrase de sa réponse, « si les attentats avaient continué... ». Des esprits mal intentionnés pourraient interpréter cette hypothèse comme un calcul précis consistant à faire monter le FN par une politique d’attentats bien comprise et, au moment où le FN est objectivement qualifié pour la finale, stopper les attentats pour que le second finaliste – évidemment choisi par le même Système – soit en mesure de gagner au second tour grâce à l’apport de toutes les forces oligarchiques mobilisables. Vu de loin et de haut, cela ressemble à une méta-ingénierie, mais il ne s’agit que d’une petite analyse spontanée sur une hypothèse de Gilou. Cependant, on le voit, la dernière partie du plan, la mobilisation de toutes les forces « démocratiques », on nage en plein dedans.
Ce mercredi 3 mai 2017, jour de sortie du journal mort Charlie Hebdo mais ressuscité pour les besoins de la Cause (de l’oligarchie, pas du peuple), figure en une l’appel des compagnons du millionnaire Riss à voter Macron. Pour un journal théoriquement antilibéral, ça la fout mal, et ça signe sa seconde mort.
Plus que jamais, #JeSuisCharlie... Indispensable @Charlie_Hebdo_ ! pic.twitter.com/skNp9L0OnL
— Xavier Alberti (@xavier_alberti) 2 mai 2017
Paradoxalement, ce genre de reniement fait du bien aux yeux et aux oreilles des Français, puisqu’il fait tomber les masques, pour ceux qui avaient encore des doutes sur le positionnement réel de tel ou tel média, telle ou telle personnalité, tel ou tel parti. Le « phénomène Macron » est le nom donné à la redistribution des vraies cartes, et plus l’arnaque qu’on avait avant avec une fausse gauche, une fausse droite et une fausse opposition. Là, tout est clair, transparent, on décode la Matrice, n’en déplaise à Ruth Elkrief qui voyait dans la transparence un danger pour la démocratie. Bref, nous voilà dans une France aux contours politiques plus nets, avec des oppositions tranchées. Il reste bien sûr un paquet d’arnaques et de tricheries, de manips et d’intox, mais ça, ça ne disparaîtra jamais, c’est consubstantiel à l’homme et au pouvoir.
Pour finir sur les trois vannes du jour, après Kepel et son djihad oligarchique à toutes les sauces, puis Charlie qui se renie cent quatre-vingt-trois fois avant le lever du soleil, voici nos petits amis de Décodex, les minikeums de la délation, dont on n’entendait plus parler, qui reviennent avec un décodage ultraviolent sur le staff de campagne de Macron. Non, on déconne, c’est au contraire un panégyrique tout gentillet tout tendre des 30 qui comptent (les autres c’est de la daube ?) autour d’Emmanuelle.
L’organigramme cool pour les nuls ou quand Décodex ne dénonce plus mais explique tendrement
Sous le titre « Qui sont les trente proches d’Emmanuel Macron qui comptent au sein d’En marche ! ? », les Décodeurs du Monde montrent un visage moins Kommandantur.
C’est l’astuce de l’oligarchie : planquer la dureté ultralibérale (les pauvres bossent pour les riches et restent pauvres et si ils pleurent on les amuse et si ils gueulent on les terrorise) sous un vernis souriant, branché et rassurant. En réalité, ces 30 visages avenants formant la « jeune garde » (expression piquée au communisme) en cachent 30 autres moins rassurants, 30 reptiles qui ont mis la main sur la Nation et son Trésor.
Les Français sont placés devant un choix historique : ils peuvent abattre le libéralisme, ce libéralisme au pouvoir. Mais la peur du changement est parfois plus forte que la souffrance présente ou à venir. Tout devient alors question de souffrance critique, de masse critique de souffrance.