La première chose qui ne va pas, avec ce pacte, c’est que l’original est en anglais. Autrement dit, ce que vous comprendrez du texte français devra être vérifié dans le texte anglais, et même dans l’interprétation qui sera donnée du texte anglais. Le français aurait dû être l’une des langues originales. Les francophones auraient dû l’imposer.
Le texte fait 41 pages, les 51 paragraphes sont découpés en un Préambule, Nos ambitions et principes directeurs, Vision commune, Responsabilités partagées, Ambitions communes, Nos cadres de coopération, 23 objectifs et engagements (la partie la plus détaillée), Propos relatifs à la mise en œuvre pour terminer par le Suivi et examen.
Ce pacte est un document des Nations unies qui n’est pas contraignant. Mais il exprime, plus qu’une intention, une volonté. Il n’est question que d’invites et d’encouragements. Les signataires terminent même sur une commune prière adressée au président de l’assemblée générale des Nations unies. On promet de se revoir, et même tous les quatre ans. C’est le processus de gouvernement du monde, à coup de pactes et de forums sur le développement durable, le climat etc. Mais l’on s’engage tout de même bien à suivre une direction précise.
Car ce pacte exprime surtout une philosophie politique, une idéologie. Cette idéologie est nettement favorable aux migrations des peuples et aux diasporas (migrants et diasporas sont souvent associés dans le pacte). Tout est dit dans le titre : pour des migrations sûres, ordonnées et régulières. Parce qu’aujourd’hui elles sont encore périlleuses, désordonnées et irrégulières. Et pour longtemps encore sans doute. Mais il faut faciliter les migrations. S’il faut lutter contre les migrations irrégulières, c’est en tant qu’elles sont irrégulières. En bref : si vous légalisez le trafic de l’alcool ou les jeux d’argent, il n’y a plus d’infraction possible. C’est de ça qu’il s’agit. Les migrations doivent être régularisées, réglées et régulées. Migrer, c’est bien.
La doxa est exprimée très tôt dans le texte du pacte : les migrations sont facteurs de prospérité, d’innovation et de développement durable (§ 8 et passim). Les migrations offrent à saisir des occasions, elles ont des effets positifs, des avantages, elles présentent un potentiel et des possibilités dont il faut tirer parti. Les migrations sont bénéfiques. Ce sera répété comme un mantra. « Les migrants vont enrichir nos sociétés » (§ 12). Le migrant est essentiellement bon, puisqu’il est migrant. Il s’agit d’ailleurs de démonter l’image négative des migrants qui a été construite par les discours trompeurs (§ 10).
Un seul bémol, au paragraphe 12, d’une seule phrase. Où l’on pourrait croire que l’on veut aider les gens à rester chez eux : « Le présent pacte mondial a pour objet d’atténuer les facteurs négatifs et structurels qui empêchent les individus de trouver et de conserver des moyens de subsistance durables dans leur pays d’origine et les forcent à rechercher un avenir ailleurs. » Mais ce sera tout. Rien en particulier sur l’intervention des USA en Afghanistan et en Irak, rien sur la destruction de la Libye, rien sur les opérations en Syrie etc. Et qu’entend-on par « atténuer » ? Et pense-t-on qu’il y a des facteurs positifs pour migrer ? Sans doute. Et le peu d’importance de cette unique nuance en dit long sur la philosophie du pacte. La migration est érigée en valeur positive.
Les hommes, les femmes et les enfants doivent circuler sur la planète aussi facilement que l’énergie électrique ou que les ondes radio. Les enfants sont particulièrement protégés. Mais de nos jours l’enfance c’est comme le sexe, cela devient un choix personnel. Sans possibilité d’examen médical ou de critère de puberté. D’ailleurs, l’identité des migrants est un problème à régler. Mais il n’est pas question de relever leurs empreintes génétiques (ce serait du nazisme). Et de toutes façons grâce au pacte ils auront le droit de circuler d’un pays à l’autre avec tous leurs papiers, sans tomber dans les trafics clandestins.
Les populations doivent intégrer l’idée qu’elles ne seront plus chez elles nulle part. Non seulement elles ne pourront plus élever la prétention de ne pas être envahies là où elles sont, mais elles ne pourront même plus prétendre avoir un droit quelconque à y demeurer. Il faut bouger sans cesse, s’attendre même à être délogé. Les chefs d’État ne sont plus que les préfets des départements du monde (le niveau « national », le niveau des « pays » ou des « États », situé entre les niveaux régional et local). Et les pays, en fonction du sens des courants migratoires, sont de trois types : pays « d’origine », « de transit » et « de destination ».
Et tout cela est exprimé au nom et sous l’égide de l’amitié entre les peuples et des droits de l’homme (§ 2, 15 f, passim). Après cela il n’y a plus rien à dire. Et personne n’osera prétendre que les droits de l’homme pourraient être interprétés autrement au sujet des migrations. C’est bien la seule interprétation. Par conséquent, si vous êtes contre le pacte de Marrakech, c’est que vous êtes contre les droits de l’Homme. Vous serez donc traité en ennemi du genre humain, en outlaw.
Si l’on s’attendait de la part de l’ONU à un pacte sur les migrations qui viserait à lutter contre les phénomènes du déracinement et du déplacement des peuples, on sera forcément déçu. Mais si l’on s’attend à cela, c’est que l’on n’a rien compris à l’ONU. Car faut-il s’étonner de ce choix, de la part des Nations unies ? Qui est encore assez naïf pour s’imaginer que les fonctionnaires, les juristes et les amis de l’ONU aient jamais eu le moindre souci des populations du globe ? On ne trouve dans ce pacte rien d’autre que la philosophie mondialiste qui prévaut depuis le début du XXe siècle : un monde peuplé d’hommes déracinés, sans patrie, sans famille et sans cervelle.