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"Il aurait pu être un très grand historien du droit mais la psychanalyse lui a ruiné l’esprit"

Pierre Legendre (15 juin 1930-2 mars 2023)

Disciple, comme Michel Villey, du grand Gabriel Le Bras, Pierre Legendre soutient en 1957 une thèse sur les rapports entre la théologie chrétienne et le droit romain. Professeur agrégé, il publie jusqu’en 1969 des écrits remarqués qui relèvent de l’histoire du droit.

 

Mais Legendre est en analyse avec Jacques Lacan. Son épouse est psychanalyste. Et en 1974, avec L’Amour du censeur, il inaugure la partie de son œuvre la plus connue du public. Il y fait le lien entre le droit et la discipline fondée par Freud. Un terrain périlleux sur lequel Jérôme Franck, aux États-Unis, s’était déjà risqué. Autant dire qu’il désarçonne ses confrères juristes. « Il aurait pu être un très grand historien du droit, me dira un jour le civiliste Philippe Malaurie, mais la psychanalyse lui a ruiné l’esprit. »

En 1988 il fonde avec Anton Schütz et Yan Thomas le Laboratoire européen pour l’étude de la filiation, dont le siège était rue Mahler à Paris. 1988, c’est l’année même où paraît un volume important de ses fameuses « Leçons » chez Fayard : Le Dossier occidental de la parenté, ouvrage rédigé en collaboration avec Marc Smith, Thomas et Schütz. Y figurent des textes du juriste romain Paul et de Pierre Damien, en édition bilingue, avec commentaires.

Étudiant, je suis abonné à la Revue trimestrielle de droit civil. Je parcours le numéro d’octobre-décembre 1990. Y est publié un bref article intitulé « Revisiter les fondations du droit civil ». Mon attention est attirée dès les premières lignes, par un style inhabituel – Thomas, qui avait fini par se fâcher avec lui, déplorera que « la langue du droit en vienne à troquer sa traditionnelle rigueur contre le style énigmatique » – mais surtout parce qu’il est question du « noyau du droit », de ses « agencements structuraux », et que l’article se termine sur le principe selon lequel la pensée a d’abord pour cadre la casuistique.

Je le rencontre, je suis ses conférences à l’École pratique des hautes études, de 1994 à 1998, sa dernière année d’enseignement. Comme à l’audition d’un oracle, nous ressortons de ses séances un peu hébétés. Seul le plus lointain avenir, dans la perspective duquel ce juriste se situait, nous dira si quelqu’un trouve la clé pour expliquer ses prophéties.

Damien Viguier

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9 Commentaires

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  • En un sens ce n’est pas si étrange, puisque le structuralisme était la théorie dominante de cette époque, et le structuralisme, en tant que courant de connaissances, proposait que tout ce que les êtres humains disent, font, pensent ou ressentent est soutenu par une structure de règles communes sous-jacentes.
    On verra donc à cette époque le structuralisme, envahir la psychiatrie, la politique, l’anthropologie et bien d’autres domaines
    Qu’ il existe des structures ou des formes d’organisation qui conditionnent ce qui se passe au sein de du système socio-culturel et donc à fortiori le Droit,
    Pas si étonnant donc le Jacques Lacan, et sa théorie de l’inconscient, puisque l’inconscient d’après ce dernier est structuré comme un langage, signifiant/signifié,
    Jacques Lacan s’était déjà fait connaître dans la revue surréaliste le minotaure,
    Structuralisme dont la paternité appartient à Ferdinand Saussure, fondateur de la linguistique moderne,

     

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  • la psychanalyse est un modele depasse. Il faut s’interesser a la psychologie evolutionniste,la psychologie comportementale et au modele de emotions de plutchnik.Bref avec la red pill de rollo tomassi +plutchnik vous avez tout ce dont vous avez besoin si vous etes un male de l’espece humaine.

     

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  • A écouter « la fabrique de l’homme occidental », impressionnante série de documentaires audios. La version vidéo est à mon goût moins interessante, moins complète.
    je ne la retrouve plus malheureusement.

     

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  • Si monsieur viguier a des conseils de lecture du droit romain... et des rapports avec le christianisme...
    Les romains ont inventé le droit.

     

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  • Les malentendus sont nombreux sur l’oeuvre de Pierre Legendre. Le jugement sévère de Malaurie, figurant à la tête de cet article, en fait partie. Malaurie était un brillant professeur de droit civil et ses manuels d’enseignement étaient utilement truffés d’allusions au droit romain et au droit canon, mais il faisait fausse route en voyant en Pierre Legendre un historien du droit fourvoyé. En effet, le propos de Legendre n’est pas l’histoire du droit mais une analyse anthropologique des soubassements de l’Occident, menée d’abord à partir du corpus de la scolastique juridique médiévale et de ses prolongements modernes.
    Un autre malentendu consiste à voir l’oeuvre de Legendre comme un produit du structuralisme et de la psychanalyse. En réalité, ses méthodes de réflexion sont avant tout classiques, d’un classicisme antérieur à la doxa cartésienne et au positivisme. Il retrouve des voies anciennes de connaissance où la mythologie avait pour fonction de se défier de l’illusion des surfaces lisses et dorées, illusion toujours favorisée par les puissants du moment. C’est dans cette perspective qu’il utilise certains aspects de la psychanalyse et du structuralisme, très à la mode dans les années 60 et 70, époque où il commença à publier. C’est aussi une manière d’établir un pont entre un mode ancien de dévoilement des choses et un mode moderne. Dans un texte datant de 1984, il indiquait : "Sans doute faut-il en revenir aux formulations poétiques, à Virgile par exemple (...) ou encore aux doctrines des premiers scolastiques sur les rêves et la catégorie des images (...), afin de réviser nos jugements hâtifs, appuyés par une théorie expéditive de la communication industrielle, quant à la notion même de fiction et à la nature des jeux de l’illusion." Legendre a vu venir de loin le management des perceptions pratiqué à grande échelle par des agences comme Havas ou McKinsey. Il a critiqué cela comme une menace pour la structure ordonnée de la personne humaine, comme une action propre à "destituer le sujet humain". Son souci constant a été le long processus souterrain d’aliénation qui aboutit aujourd’hui au transhumanisme.

     

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    • Pour ma part je n’ai jamais oublié ma lecture du livre "Le crime du Caporal Lortie"....qui traitait de la question de la paternité.
      Cela m’a été très utile dans la vie pour ne pas céder aux sirènes du féminisme "déconstructeur" du MLF ce mouvement résolu à jeter le Patriarcat avec l’eau du bain,
      J’avais pourtant de solides raisons d’en vouloir à ce Père...Mais Pierre Legendre m’a aidée de remettre mon histoire personnelle dans le contexte d’une réflexion anthropologique fondamentale.
      Rares sont les auteurs, psychanalystes ou pas, qui prennent au sérieux la question du Symbolique...

       
  • J’ai suivi les séminaires hebdomadaires de Pierre Legendre à l’École Pratique des Hautes Études (EPHE) dans les années 1994-95. Cette enseignement m’a fait découvrir l’histoire du droit, le monde de l’érudition académique et l’élaboration d’un questionnement qui était le mien par le moyen d’une érudition dont je n’aurais jamais pu rêver avant de la découvrir. Pierre Legendre m’a permis de comprendre ce qu’est l’Occident, ce monde qui, au nom du management rationnel et de la technoscience, se veut universel et donc transparent à toute différenciation ethno-culturelle.

    Poursuivant les travaux de l’anthropologie physique et de l’anthropologie sociale qui l’ont précédé, Pierre legendre a fondé l’anthropologie du dogme, vocable complètement décrié par la pensée dominante.

    S’inscrivant à contre courant du "consensus scientifique", étape suprême de la dogmatisation de la science, à l’instar des grands conciles de l’Eglise, il retourne contre l’Occident les outils que celui-ci a développé pour analyser et disloquer les systèmes symboliques des sociétés traditionnelles en traitant l’appareil d’État comme un totem primitif, se situant ainsi dans le sillage du Totem et Tabou freudien.

    Il prouve ce faisant que les contraintes de l’humanisation sont universelles, qu’il s’agisse des "races supérieures" ou des races inférieures, pour emprunter le vocabulaire du 19e siècle.

    Legendre m’a permis de comprendre que le dogme occidental, c’est qu’il n’y a pas de dogme. Autrement dit, le dogme occidental doit rester insu, le drapeau de l’Occident doit rester transparent donc universel, tour de passe-passe qui lui a assuré une suprématie désormais contestée par des sociétés traditionnelles qui ont repris à leur compte les techniques occidentales sans pour autant renoncer à leurs fondements anthropologiques.

    Bruno DE DOMINICIS

     

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  • #3147737

    La psychanalyse n’est pas à proprement parler un mensonge, mais une extrapolation sur la base de données légitimes mais très circonscrites, comme les actes manqués. Elle part en spéculation déconnectée du réel quand elle s’attaque à l’anthropologie (religion, art, littérature, politique). Les choses ne vont pas mieux du côté de la psychiatrie, à laquelle elle n’apporte ni technique éprouvée ni théorie vérifiable.

     

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