Egalité et Réconciliation
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Le jour où Jean-Marie Le Pen est "mort"

Dimanche 1er août, rue des Rosiers, à Paris. C’est la fin de l’après-midi, l’ambiance est joyeuse dans cette artère située au coeur du Marais, berceau historique de la communauté juive de la capitale. Des dizaines de personnes sont réunies et, tout sourire, crient à qui veut les croire que Jean-Marie Le Pen est mort. À les entendre, le vieux leader du Front national, âgé de 82 ans, serait décédé le matin même d’une crise cardiaque...

Seulement, voilà, renseignement pris dans la foulée, Jean-Marie Le Pen se porte comme un charme. "Il savoure son premier jour de vacances" dans sa villa de Rueil-Malmaison (Hauts-de-Seine) "et prépare son prochain voyage au Japon", nous affirmait, dimanche soir, son attaché de presse.

Ce dernier, qui rappelle que la mort de Jean-Marie Le Pen a déjà été annoncée à plusieurs reprises et est annoncée par erreur, ne cachait d’ailleurs par son étonnement : il avait reçu une vingtaine de coups de fils, même depuis l’étranger, pour confirmer cette "information"...

Une histoire qui a fait rire le bien vivant Jean-Marie Le Pen. Pour ceux qui douteraient encore de la véracité de ce démenti, le FN dégaine l’arme absolue : un "communiqué de presse de Jean-Marie Le Pen", mis en ligne dimanche en fin de journée sur le site Internet du parti : "La France peut être fière de son équipe d’athlétisme." Pas d’erreur possible sur la date, Jean-Marie Le Pen ne peut donc qu’être vivant...

La rumeur a pris forme samedi soir sur la plate-forme de microblogging Twitter. À 23 h 07, un internaute écrit : "Jean-Marie Le Pen est mort aujourd’hui 31 juillet à 11 h 45, à l’âge de 81 ans, d’une crise cardiaque." Une nouvelle reprise dans les minutes qui suivent par des dizaines d’internautes.

Tous s’interrogent sur la véracité de l’information, mais tous la relayent. Et, au fil des messages, tous identiques, un lien fait rapidement son apparition. Il renvoie vers actupolitique.net, un site ne proposant aucun contenu éditorial propre mais offrant des liens vers les principaux sites d’information en ligne et vers Twitter.

Sur ce site, dont l’identité des responsables n’est pas publique, "l’information" n’est guère plus étayée. À un détail près : elle est identifiée comme provenant de La Chaîne parlementaire (LCP), une chaîne de la TNT. Contactée lundi matin, LCP nous assure n’avoir jamais diffusé une telle information et indique ne pas être au courant de la rumeur. Un démenti confirmé sur Twitter en fin de journée : "Bien évidemment, LCP n’a en aucun cas annoncé le décès de Jean-Marie Le Pen. Il s’agit d’une initiative anonyme de très mauvais goût."

En revanche, sur le site Actupolitique, un autre détail échappe mystérieusement aux internautes : la date de publication de cette dépêche. "Le mardi 9 février 2010, à 14 h 16..." Autrement dit, la rumeur est vieille de près de six mois... L’âge du dirigeant frontiste aurait d’ailleurs pu mettre la puce à l’oreille des internautes. Né le 20 juin 1928, Jean-Marie Le Pen avait donc bien 81 ans en février 2010, mais a passé la barre des 82 ans le 31 juillet...

À l’énoncé de ces faits, Pascal Froissart, maître de conférences en sciences de l’information et de la communication à l’université Paris 8, n’a qu’un mot : "pseudocide". Jean-Marie Le Pen a été virtuellement tué, comme l’avaient été avant lui Isabelle Adjani en 1987, Étienne Daho en 1995 ou Alain Delon en 2000. "Aucune règle ne régit ce phénomène", explique-t-il. Même l’âge de la cybervictime ne semble pas être un critère déterminant.

"La vraisemblance d’une telle rumeur est souvent reconstruite a posteriori par ceux qui la colportent", explique le chercheur, pour qui les médias traditionnels ont un rôle fondamental à jouer dans ce type de situations. C’est d’ailleurs ce qui s’est passé dans le cas de Jean-Marie Le Pen. Faute de confirmation officielle de sa mort, la bulle a commencé à se dégonfler dès la nuit de samedi à dimanche... sans pour autant disparaître.

En apprenant la nouvelle de sa fausse mort, dimanche, Jean-Marie Le Pen aurait donc ri. D’autres avant lui ont eu des réactions plus caustiques. Ainsi, Steve Jobs, célèbre patron d’Apple qui avait été donné pour mort en 2008, est réapparu le 1er janvier 2010 en lançant une phrase empruntée au premier faux mort dont l’histoire se souvienne, Mark Twain : "Les nouvelles concernant ma mort sont très exagérées."