Si je décide aujourd’hui de publier cette étude historique et philosophique sur l’enseignement et la recherche en droit telle qu’elle est pratiquée par les Américains, c’est parce que mon propre pays, la France, est occupé par cette grande puissance et qu’une guerre est engagée contre l’autre grande puissance militaire mondiale, la Russie. Il s’agit de percer le secret de la machine idéologique yankee, et, ce faisant, de prendre conscience de la manière dont ils répriment toute possibilité d’un réveil de la conscience nationale française.
1.
Nous sommes en 1865, à Boston, dans le Massachusetts. Charles William Eliot (1834-1926) rentre d’une tournée de deux ans sur le Vieux Continent. Il y a mené, en particulier semble-t-il en France et en Allemagne, une enquête approfondie sur l’organisation des études, de la formation et de la recherche. Le pays sort à peine de sa terrible guerre civile (12 avril 1861-9 avril 1865) et il est encore confronté aux défis que lui lance son industrialisation. Le vieux système d’éducation hérité du puritanisme est en crise. Une parmi d’autres, l’institution de la Harvard University est menacée de déclin. Je n’aborde pas ici les différents paramètres qui entrent en jeu ni les tensions diverses qui animent une situation américaine qui mériterait d’être étudiée dans ses détails, tel précisément le cas de Harvard, puisque cette université va devenir la plus prestigieuse au monde et le modèle de toutes les autres. Notons que c’est cette même année 1865 que le conseil de surveillance de la vieille institution passe des mains d’administratifs, du gouverneur et de membres élus par les députés de l’État, à celles d’une assemblée entièrement élue par un unique collège exclusivement composé de ses anciens diplômés. Et, après un intérim de plusieurs mois, le 19 mars 1869 c’est Eliot qui est nommé président de Harvard. Il met aussitôt en œuvre le programme de refondation dont il vient de fixer les grandes lignes par un article publié dans les numéros de février et de mars du Atlantic Monthly et intitulé « The new education ». Il ne s’agit pas simplement de briser un carcan scolaire qui ne répond plus aux besoins de la société. Aux palliatifs improvisés de la formation dispensée dans les milieux professionnels et aux tâtonnements de la recherche scientifique artisanale, il faut substituer un enseignement public, de niveau universitaire, dont les objectifs puissent donner pleine satisfaction aux mondes des affaires et de l’industrie.
C’est chez un ami théologien que Eliot rencontre Christopher Columbus Langdell (1826-1906) [1]. L’homme exerce la profession d’avocat dans la ville de New York depuis seize ans. Il vient lui aussi de Cambridge. Il est passé par le Harvard College [2] puis par la Dane Law School. Et il a des idées bien arrêtées et assez révolutionnaires sur ce que devrait être l’enseignement et la recherche en matière juridique. Le 6 janvier 1870 Langdell succède à Theophilis Parson (1797-1882) — qui avait été son maître, — démissionnaire de la chaire Dane. Il entre aussitôt en fonction pour le spring semester de l’année universitaire en cours et, le 27 septembre 1870, Eliot place le nouveau professeur à la tête de la Harvard Law School. C’est ainsi qu’au début du fall semester suivant, dans l’amphithéâtre de Dane Hall, des étudiants de première année se trouvèrent réunis en présence du nouveau doyen, pour le cours de droit des contrats [3]. Étrangement, Langdell commença par demander à l’assistance d’ouvrir la brochure qui avait été distribuée au préalable, et dont il disposait lui-même d’un exemplaire. Les étudiants ne pouvaient sans doute pas s’attendre à autre chose qu’à tranquillement l’écouter parler.
En droit le cours magistral se déroule toujours et partout à peu près de la même façon. L’enseignement est proclamé ex cathedra dans un monologue ininterrompu, qui d’un orateur à l’autre va osciller entre la dictée soporifique – ainsi à Grenoble nous avons même vu le professeur de droit romain, Philippe Didier, s’endormir sur sa chaire – et l’envolée lyrique – que Savigny dépeignait comme devant donner l’impression de la soudaineté d’une révélation susceptible d’éveiller dans l’auditoire la même puissance créatrice [4]. Quoi qu’il en soit, l’étudiant n’a pas à s’inquiéter, il a la garantie qu’il ne sera rien exigé d’autre de lui qu’un silence religieux. Plus tard seulement, dans un tout autre contexte, aura lieu l’examen. Seconde phase de cette liturgie, moment sacré de la réminiscence du temps béni où, membre d’un chœur fortuné, par son professeur l’étudiant contemplait la Beauté (cf. Platon, Phèdre, 249 b-c). Écrit ou oral, dissertation, cas pratique ou commentaire de texte, quelle que soit la forme de l’exercice l’étudiant peut escompter, sans risque de surprise, qu’il ne s’agira jamais que d’une question de cours, et que la réponse attendue de lui ne devra consister que dans une pure et simple récitation des plus hautes réalités qu’il a eu la chance de contempler. Peu importe qu’il se fie, s’il était présent, aux traces mnésiques laissées par le cours, peu importe même qu’il ait travaillé sur des notes, les siennes propres ou celles prises par un camarade, qu’il se soit ou non référé à un manuel, peu importe encore que le cours n’ait été appris que fébrilement dans les dernières heures précédant l’épreuve, pour être très vite oublié aussitôt après, en tous cas – sans parler de la fraude, assez largement pratiquée –, il a la garantie de n’être évalué que sur la fidélité et l’exactitude de son psittacisme.
La plupart des étudiants de Langdell furent donc désagréablement surpris de le voir briser le pacte tacite en s’adressant publiquement à l’un d’eux, un certain Fox, à qui il demanda d’exposer les faits du cas Payne v. Cave qui figurait en tête du document qu’ils avaient tous sous les yeux. Et après que cet étudiant eut fait ce qu’il pouvait, de voir que leur professeur ne s’arrêtait pas là, mais se tournait vers un M. Rawle, de qui il exigeait d’exposer les arguments du plaignant. Enfin n’était-ce pas atteindre le comble de demander à l’étudiant Adams s’il était d’accord avec ces arguments [5] ? Au cours suivant l’amphithéâtre était un désert. Ne restaient qu’une poignée d’étudiants. Avec eux Langdell bâtit la case method. Le professeur avait consacré le spring term 69-70 à composer un text-book qui, au lieu du traditionnel manuel, était un recueil de décisions judiciaires. Les étudiants devaient arriver à son cours en ayant déjà lu l’arrêt mis à l’ordre du jour. Sous sa direction l’un d’entre eux en faisait l’exposé puis tous participaient à un véritable brain storming [6]. Une discussion où les prises de parole s’entrecroisaient, impromptues comme sollicitées, s’adressant à soi, à l’un ou à tous, pouvant librement émaner tant du professeur que de l’un ou de l’autre de ses étudiants.
Si l’on tient à analyser dans l’ordre des catégories classiques les propos alors prononcés, disons qu’il ne s’agit que d’une articulation entre casus, quæstio et responsa. Dans le feu de la disputatio, les échanges d’arguments portent tant sur l’enchaînement logique des termes de cette trinité logique que sur les variations dont ils sont chacun susceptibles. Le cas s’élabore à partir de l’anecdote – narratif dont les éléments sont eux-mêmes sujets à variation ; plus ou moins abstrait, il se décline, se subdivise, fait l’objet de rapprochements avec des cas voisins ou d’un classement au sein d’une hiérarchie. Multiples sont les questions dont un seul cas est susceptible, elles font l’objet d’une sélection, elles sont organisées les unes par rapport aux autres et leur formulation peut se raffiner. Enfin certains propos s’analysent en réponses au sens fort, c’est-à-dire en des opinions qui peuvent trouver leur place dans un cadre, et s’y situer les unes au regard des autres en pour ou en contre, tandis qu’il en est qui valent solution finale.
Au terme de sa première année d’expérience, Langdell publiait son ouvrage muni d’une préface datée du 1er octobre 1871. Il y expliquait le sens de sa méthode et les raisons pour lesquelles il avait confectionné son text-book sous la forme originale d’un recueil de cas [7]. Selon lui, il est en droit quelques principes ou doctrines fondamentales. Le juriste doit les maîtriser pour résoudre les problèmes concrets qu’il rencontrera dans la vie des affaires. Or, ces principes sont incorporés (embodied) dans des cas. Et ce n’est que par l’étude de ces cas qu’il pourra acquérir cette maîtrise [8]. Dès lors, peu importe le cadre formel de l’enseignement, cours magistral, conférence ou séminaire ; peu importe son lieu, amphithéâtre, salle de travail ou espace bucolique ; peu importe la matière et peu importe le nom ou la forme de l’exercice, lecture et commentaire de décision de justice, de loi ou de texte doctrinal, moot courts (procès joué), clinical jurisprudence (résolution d’affaire réelles), étude de cas réel ou de cas fictif ; peu importe, même, la sélection et le nombre des participants – certes, la paranza camorriste ou le cartel lacanien (trois, quatre idéalement ou cinq plus un) se prêtent mieux à l’exercice –, du moment que l’objectif ou l’effet de l’exercice ne sont pas de tétaniser l’auditoire et que l’enseignant sait ce qu’il doit faire : exposer successivement plusieurs cas, jusqu’à atteindre le cas complexe qui soulèvera l’énigme dont il sait qu’elle présente la vertu d’exiger, pour sa résolution, que quelque chose soit compris par l’étudiant. Alors on peut dire que l’examen et l’enseignement se confondent dans une seule même épreuve. Sauf que celle-ci n’est pas l’aboutissement du cursus studiorum, mais son commencement [9].
2.
Aujourd’hui, une page du site internet de Harvard relate à quelles résistances a été confrontée la nouvelle méthode d’enseignement promue par Langdell [10]. Ses détracteurs, défenseurs de la old lecture method, arguaient de sa lenteur, de son coût élevé et du poids excessif des exigences qu’elle faisait reposer sur les épaules tant des étudiants que de l’enseignant [11]. La méthode des cas se répandit néanmoins, malgré les obstacles. L’un des premiers disciples de Langdell, James Barr Ames (1848-1910), diplômé en 1872, fut nommé professeur assistant dès 1873, puis doyen en 1877. En 1881, soit au bout d’une première décennie d’expérience, Thayer et Gray, les deux collègues de Langdell, firent leur ralliement. À l’arrivée de Langdell, Harvard comptait cent quinze étudiants, pour trois professeurs. À son décès en 1906, l’établissement en comptait sept cent cinquante, pour dix professeurs, dont huit étaient ses disciples directs. En 1915, Eliot pouvait dire que la meilleure part de tous les efforts qu’il ait jamais fournis pour l’université de Harvard tenait dans cette décision, prise près d’un demi-siècle plus tôt, de nommer Langdell doyen de la Dane Law School [12]. Au-delà même de Harvard, dès 1890, la case method of instruction avait essaimé dans la majorité des écoles de droit aux États-Unis. En 1928, elle était implantée comme la norme dans l’enseignement juridique WASP ; déjà, pour rester avec Harvard dans le quatuor de tête, à Columbia (avec William A. Keener, 1856-1913) et à Yale – le cas de Stanford serait à regarder de plus près –, mais encore à Chicago (avec John H. Wigmore, 1863-1943), dans l’Iowa (avec Eugene Wambough, 1856-1940), dans le Michigan et en Pennsylvanie [13].
En France, dans les années quarante, Eugène Duthoit notait que « dans les pays anglo-saxons, c’est par l’étude des cas et des arrêts de justice qu’on apprend le Droit » [14], mais il enchaînait aussitôt sur la supériorité de la méthode française d’enseignement théorique. Dans les années soixante-dix et quatre-vingt, Michel Villey relevait qu’« au cours magistral dogmatique tend à se substituer aujourd’hui sous l’influence américaine la méthode des cas » [15]. Laurent Hocine, qui, dans la même période, en faisait à Grenoble la promotion, s’amusait de ce que l’on en tienne « les Américains » pour « les inventeurs » [16]. Il n’est d’ailleurs pas rare de la voir même prise pour issue de l’école américaine d’anthropologie. C’est qu’aux États-Unis, dès les premières années de son application la méthode des cas, débordait sur les autres disciplines, en histoire, en psychologie ou en sociologie. Il est même des pasteurs pour mettre le succès de leurs prêches sur le compte de leur passage par la faculté de droit. Enfin, si aujourd’hui les exercices du cas pratique et du commentaire d’arrêt évoquent à l’étudiant français la contrainte des travaux dirigés et des examens, c’est en partie à Langdell que cela est dû.
De nos jours il n’y a guère que l’efficacité qui puisse expliquer pareil succès d’une théorie. Mais le site internet de Harvard de noter l’argument initial des partisans de la nouvelle méthode : sa supériorité fondée sur la recherche scientifique et sur la meilleure des logiques. La force de Langdell, ce fut de puiser sa conviction dans son expérience pratique. Il s’en est expliqué dans la préface de son ouvrage de 1871. Il justifie que ce dernier soit un recueil de cas par sa conviction que le droit ne saurait être enseigné ou étudié autrement qu’au travers d’une série de cas. Et il ajoute :
J’avais formé cette opinion du jour où j’avais su quelque chose du droit et des études juridiques ; mais c’était avant tout à la suite de mon expérience comme étudiant que je l’avais conçue et, par la suite, renforcée et confirmée. [17]
I had entertained such an opinion ever since I knew any thing of the nature of law or of legal study ; but it was chiefly through my experience as a learner that it was first formed, as well as subsequently strengthered and confirmed. [18]
Il convient de prêter à cette profession de foi toute l’attention qu’elle mérite, et en particulier de faire d’abord remarquer que l’expérience pratique invoquée n’est pas celle de l’avocat. On s’égarerait à penser que Langdell fut ce que l’on appelle « un praticien » et, comme professeur, comparable à ces avocats, notaires, huissiers ou magistrats qui, tant dans leur pratique directe que dans le cadre de la formation continue ou au sein d’une école, dispensent de manière accessoire et souvent bâclée un enseignement de très mauvaise qualité. Certes, la méthode des cas présentait l’avantage de former des praticiens, immédiatement opérationnels à leur sortie de l’université – ce qui répondait aux souhaits de Eliot. Mais cette efficacité est due précisément au fait qu’historiquement ces pratiques juridiques professionnelles sont elles-mêmes d’abord le produit d’une certaine pratique enseignante [19]. Un praticien est toujours issu de l’université. Il y a une dialectique entre formation et profession qui, lorsqu’elle est brisée, semble impossible à rétablir dans le sens inverse. Professionnel et enseignant s’adaptent au fonctionnement en vase clos et laissent leurs pratiques respectives dégénérer chacune de leur côté. Ce n’est jamais depuis la routine professionnelle en tant que telle que peut germer la formule pédagogique susceptible de répondre à ses besoins.
Ensuite, seconde remarque, il est d’une extrême importance que dans l’invocation de son expérience universitaire Langdell ne se soit pas non plus référé à une pratique en tant qu’enseignant. C’est même le contraire : il explique avoir abordé sa nouvelle charge à Harvard alors qu’il était précisément sans aucune expérience de l’enseignement [20]. Langdell ne s’est référé qu’à son expérience en tant qu’étudiant. Or, la plupart des enseignants semblent vouloir très vite oublier qu’ils ont tout d’abord été étudiants. Le plus souvent, ils imitent sans réfléchir et avec plus ou moins de bonheur une pratique pédagogique dont, bonne ou mauvaise, ils ont pourtant bien tous fait initialement l’expérience. Si jamais ils veulent, ou s’ils sont invités, au vu du peu de réussite de l’université, à rompre avec une rigidité académique répétitive, soit ils procèdent empiriquement, appliquant un peu à l’aveuglette de nouvelles formules pédagogiques, soit, ils reviennent à l’enseignement après avoir fait le détour par un savoir théorique, historique ou philosophique. Mais en ce dernier cas, c’est au risque de verser ensuite, au nom d’une pédagogie critique, dans un dogmatisme stérile, ou de se comporter en apprentis-sorciers. Car le capital de connaissances accumulé par les siècles autour de l’expérience du cas est inexploitable s’il ne rencontre pas d’écho chez l’universitaire.
Il en va en science du droit comme en d’autres domaines : s’il n’y a pas initialement de pratique personnelle, le chercheur ne saurait y entendre grand-chose [21]. Or, toute la tradition juridique occidentale – en particulier la common law, dans laquelle était inscrit Langdell – se réfère bien moins aux faits de l’enseignant qu’à ceux de l’étudiant. La formule d’Alvaro d’Ors trouve ici un contexte éclairant : pregunta el que puede, responde el que sabe (questionne qui peut, répond qui sait) [22]. Au juriste confirmé, les connaissances historiques et philosophiques font prendre conscience de la valeur de sa propre expérience. Et si nécessaire, elles auront attiré son attention sur cette dernière et auront même pu en réveiller chez lui le souvenir. Nicolas Machiavel rapporte que Dante dit qu’il n’est pas de science sans souvenir de ce que l’on a compris [23]. S’il est un moment qui mérite le nom d’examen, et qui fasse appel à la mémoire, c’est bien celui-là. Enfin, cette culture juridique peut encore susciter chez le débutant l’émulsion pour l’étude et l’engouement pour la casuistique. Mais comment l’enseignant entendrait-il la moindre chose d’une telle science lorsque rien de son expérience vécue comme étudiant ne peut de près ou de loin y correspondre ? En revanche, la différence est radicale pour le chercheur qui aborde l’enseignement avec le recul de l’analyse critique de sa pratique comme étudiant [24]. Il s’agit alors de l’expérimentation d’une théorie et de la vérification de son efficacité concrète. Et lorsque, dans l’accomplissement du mouvement dialectique, l’expérience se reproduit, cela a le sens d’une révolution scientifique.
Avec le triomphe vinrent les attaques. De nouvelles générations, dont certains éléments étaient formés pourtant à la casuistique, s’appuyèrent sur Oliver Wendell Holmes Jr (1841-1935). Sorti diplômé de la Harvard Law School (mais en 1866), juge à la Cour suprême de 1902 à 1932, Holmes avait déplacé l’attention sur la pratique du juge, dont la prévisibilité des décisions devint la grande question. Puis il avait fait reproche aux Langdelliens de ne chercher que l’elegentia juris, de manquer de réalisme, de négliger l’importance de l’histoire, de la culture et de la société. Nathan Roscoe Pound (1870-1964) se fit avec sa social engineering le chantre pour les États-Unis d’un mouvement critique dont l’ampleur était déjà internationale – avec par exemple Eugen Ehrlich (1862-1922). Pound fut élu doyen de la Harvard Law School en 1916, l’année même qui vit l’élection de son mentor Louis Dembitz (puis David) Brandeis (1856-1941) [25] à la Cour suprême, dans le contexte social des vagues migratoires ashkénazes 1880-1920 (1897-1915 : un million de migrants). En 1927, Hermann Ulrich Kantorowicz (1877-1940), prophète en Allemagne du Freirecht, est professeur invité à Columbia. En 1928 paraissent The Paradoxes of Legal Science de Benjamin Nathan Cardozo (1870-1938) qui en 1932 succèdera à Holmes. En 1930 Jérôme Franck (1889-1957) introduit la psychanalyse dans le droit avec Law and the Modern Mind. Et dans les années trente, à l’encontre du dogmatisme, du conceptualisme et du formalisme unanimement reprochés à la case method, déjà dans les esprits couve une révolte contre une science du droit complice du libéralisme politique de l’économie de marché [26]. Révolte qui à la fin des années soixante éclate d’abord sur les campus américains, dans le contexte de la guerre du Viet Nam et des tensions raciales, avant de se répandre dans toute l’Europe. De la case method, la clinical jurisprudence conserve néanmoins le brain storming (et le flash [27]). Elle devient ainsi un pur instrument de lavage de cerveau et d’agitation subversive. Mise résolument au service de l’human right, de la défense des minorités, de l’émancipation raciale d’abord [28] et, bientôt, de la défense des minorités sexuelles, jusqu’à devenir de nos jours celle de toutes les minorités possibles.