J’aurais pu ajouter où, comment et pourquoi, mais cela aurait alourdi mon titre. Je veux expliquer à quelle interprétation des faits et du droit se livrent les associations de lutte contre l’antisémitisme, certaines organisations communautaires juives comme le CRIF (par la voix de son président), certains activistes médiatiques et des autorités comme le ministre Darmanin ou le préfet qui dirige la DILCRAH.
Il est important de bien comprendre cette interprétation, car il arrive malheureusement que des magistrats en soient convaincus, et non pas seulement ceux du parquet, qui sont trop souvent aux ordres, mais également ceux du siège. Ma sentence s’adresse donc autant aux juristes, aux avocats ou aux magistrats qu’aux militants de tous bords.
L’interprétation tordue que je voudrais démasquer tient à deux hérésies.
Première hérésie, ils séparent le message de son messager. Ils cherchent avant tout à savoir si le porteur de l’image ou l’énonciateur du mot est ou non antisémite. À l’extrême limite, peu importe le contenu du propos. Le propos le plus anodin, énoncé par un antisémite notoire, sera jugé antisémite. Mais, plus décisif encore, à l’extrême inverse, même un propos objectivement antisémite – comme mort aux juifs – peut très bien passer, à condition d’être articulé par quelqu’un qui serait placé au-dessus de tout soupçon d’antisémitisme – prenons quelques exemples : Éric Zemmour, Jacques Attali, Bernard-Henri Lévy. Donc tout dépendrait d’abord de qui parle ?
Cela est absolument contraire à nos traditions de liberté et de raison. Depuis les sophistes, au Ve siècle avant Jésus-Christ, on sait que l’argument ad hominem est fallacieux. J’ajoute, et c’est déterminant, que tout va dépendre du point de savoir si le locuteur est antisémite, et donc de qui en décide. Assurément ce ne sera pas l’intéressé lui-même.
Seconde hérésie, le propos est toujours compris et interprété depuis ce que l’on pourrait appeler l’auditeur très averti. Ce que je veux exprimer, c’est que selon nos principes le juge doit chercher quelle serait l’interprétation que ferait de l’image ou du mot un citoyen moyen, d’éducation normale, de bonne foi, équilibré psychiquement et sans préjugé aucun. C’est ainsi que la plupart des gens ne voient aucun mal à poser la question Qui ? et guère plus de mal dans une réponse qui serait Attali, BHL ou Zemmour.
Or, les personnes que j’ai mentionnées pour commencer, ardents partisans de la répression la plus féroce, ne voient qu’un sens aux mots et aux images : celui qu’eux lui supposent. Ce sens ne correspond en rien à celui perçu par le citoyen normal. Ce dernier est à mille lieux de s’imaginer les torrents de haine et de violence génocidaire que voient certains fanatiques. On peut se faire une idée, tout de même, de leur vision, si l’on se représente le cas d’un antisémite obsessionnel qui aurait basculé dans la psychose. Celui-là, c’est vrai, au seul nom de Buzyn verra rouge et sentira monter en lui des envies d’extermination.
Mais j’insiste bien ici sur le sens de ma consultation : ce n’est pas d’après le délire de malades mentaux qu’il faut que le magistrat se demande si une image ou un mot sont antisémites.
Quant au manifestant, surtout s’il est d’extrême droite, mais qu’il n’est pas sioniste, il doit s’attendre à rencontrer l’incompréhension la plus sourde de la part des policiers et de certains magistrats. Je ne parle pas de la répression sociale déclenchée par la presse. Il est important pour ce militant de ne pas perdre son énergie à s’offusquer, à s’étonner, se scandaliser, mais au contraire qu’il fasse preuve de raison et d’intelligence afin de ne pas entrer dans des fantasmes qui répondent aux désirs de l’Ennemi. Car l’Ennemi, n’est-ce pas, c’est la Finance. [1]
Formez-vous avec maître Damien Viguier dès la rentrée !