Figure juvénile et air rieur, le commentateur politique Nick Fuentes n’a de l’enfant sage que les traits. Banni des réseaux sociaux pour y avoir prétendument prêché la haine, le sulfureux plaisantin vient pourtant de faire son retour sur X. Un signe des temps ?
Depuis son rachat en avril 2022, on a vu reparaître sur X des noms que l’on croyait à jamais privés du privilège de tweeter. Des gens à propos desquels il était seulement admis de dire sa haine, à l’instar du journaliste Alex Jones ou de l’ancien président Donald Trump. Si certaines personnalités à l’âme encore trop scélérate ne parviennent pas à revenir dans les bonnes grâces d’Elon Musk (Jared Taylor, par exemple), d’autres y sont arrivées. C’est le cas de Nick Fuentes [1]. Son retour sur X a d’ailleurs été grandement célébré par les défenseurs du premier amendement ; ses adversaires y voyant davantage un signe de fin des temps. Mais pourquoi donc tant de ressentiment envers le jeune homme/ancien paria ?
Elon Musk honorant son serment à Dame Liberté d’Expression
Very well, he will be reinstated, provided he does not violate the law, and let him be crushed by the comments and Community Notes.
It is better to have anti whatever out in the open to be rebutted than grow simmering in the darkness.
— Elon Musk (@elonmusk) May 2, 2024
« Il sera réintégré s’il ne viole pas la loi… »
Un agitateur précoce
Nicholas Joseph Fuentes est un commentateur politique autodidacte, révélé au public américain en 2017, à l’âge canonique de 19 ans. Après une modeste année de fac à Boston, Nick se consacre à son émission de radio America First et défraie rapidement la chronique en appelant, selon les gardiens de la doxa, à éliminer les politiciens mondialistes et leurs amis des médias. L’accusation lui coûte son poste et un premier blacklistage professionnel, mais le propulse par la même occasion à l’assaut des réseaux. Le tout jeune chômeur y diffuse alors son message politique, auprès d’un auditoire majoritairement jeune, blanc et masculin, et s’illustre dans de longs directs où il brille par l’éloquence de son discours et le courage de ses positions ; ne fussent-elles pas du goût de tous.
Des positionnements radicaux
Nick défend en effet des opinions résolument polémiques par les temps qui courent. Conservateur, catholique traditionaliste, incel (célibataire involontaire), soutien fervent de la paire Trump / Poutine [2]… De quoi attirer de nombreux détracteurs démocrates, bavant d’envie à l’idée d’agresser un jeunot sans défense. Mais la chair n’est pas tendre, pas plus qu’elle ne cède sous la pression. Du haut de ses 25 ans, Nick ne craint rien ni personne, dénonçant avec aplomb et ironie la grossièreté de la propagande progressiste et ses effets mortifères sur la jeunesse américaine. Également, Nick est un anti-immigrationniste carabiné qui, à l’occasion, se fait l’écho de Jared Taylor, en défendant l’idée d’un communautarisme blanc censé enrayer la submersion ethnique et culturelle imminente des USA. Un concentré de mal-pensance, en somme.
- Jared Taylor et Nick Fuentes – Fat Man et Little Boy 2.0
Toujours dans les bons coups
Malgré son jeune âge, Nick semble avoir le don pour flairer les événements appelés à devenir des tournants existentiels de la vie publique américaine. Par trois fois son nom a été associé à des faits divers tragi-comiques dont les récits ont trusté les manchettes de la presse US. Tout d’abord, Nick a participé au tristement célèbre rallye de Charlottesville, au cours duquel des suprémacistes blancs se sont baladés avec des torches allumées et une manifestante anti-raciste a servi de dos d’âne à un automobiliste paniqué. Nick était aussi présent à l’effroyable tentative de coup d’état sur le Capitole le 6 janvier 2021, quand la démocratie étasunienne vacilla sur ses fondations le temps d’une pause-café. Enfin, il était sur le plateau d’Alex Jones avec Ye quand le rappeur judéo-critique démarra son marathon médiatique suicidaire.
Une minorité problématique
Or c’est précisément par ses propos sur la communauté juive – et tout ce qui gravite dans son orbite – que Nick s’est distingué et fait un nom dans l’alt-right US. Chacune de ses sorties sur le sujet est un modèle de politiquement incorrect, en ces temps où énoncer des vérités sur le Talmud et le Mossad équivaut pour certains à relancer les chambres à gaz. Mais le natif de Chicago n’en a jamais fait grand cas. Au contraire, il semble saisir chaque occasion présentée pour rappeler aux Groypers (le surnom de ses fans) de bien mépriser quiconque brandit la carte Shoah (ou point Lanzmann) pour interdire le débat. Assumant toujours ses propos, Nick fustige également l’influence qu’exercerait sur son pays une certaine élite politique et financière, souvent binationale, toujours pro-sionisme.
Un opposant au lobby qui n’existe pas (en France)
Parmi ces agents d’influence, deux d’entre eux poseraient particulièrement problème, car dotés de pouvoirs démesurés pour modeler l’opinion publique sans avoir jamais été mandatés. Le premier se nomme l’AIPAC (American Israel Public Affairs Committee), œuvre à l’essor des relations stratégiques israélo-américaines et constitue un point de passage incontournable pour tout candidat sérieux à la présidentielle US. Le second est l’ADL (Anti-Defamation League), promoteur de discours anti-Occident, anti-blanc, anti-chrétien et censeur quasi-officiel du régime en place ; en particulier quand la communauté de l’étoile est sous le feu des critiques. Nick est en guerre ouverte avec les deux officines, les trois s’accusant mutuellement d’être un péril pour l’Amérique des Pères fondateurs.
Le procureur d’Israël
Selon Nick, l’emprise de l’AIPAC et de l’ADL se traduirait par les faveurs disproportionnées accordées à Israël, en dépit de l’infinitésimale contrepartie qu’en retirent les États-Unis. Sans constituer un atout stratégique en termes de ressources naturelles ou de routes commerciales, l’État Hébreu encaisse malgré tout depuis 2016 un chèque annuel de 3,8 milliards de dollars de son bienfaiteur [3]. Il vient même de percevoir, à titre exceptionnel, une rallonge de 13 milliards pour ses œuvres en Palestine occupée [4]. De fait, Nick accuse les élus nord-américains de n’être que les vassaux de Bibi Netanyahou, dont ils financent la colonisation génocidaire à Gaza avec l’argent du contribuable yankee. De quoi affoler la fausse dissidence – Ben Shapiro en tête – et se retrouver dans le viseur de la maison mère.
Le déni qui fâche
À sa charge, il est vrai que Nick s’aventure régulièrement sur le terrain le plus miné qui soit – celui de l’Holocauste – sans respecter les précautions élémentaires de rigueur. Nick croit en effet que le récit incontestable des six millions de morts et des fours crématoires a été grandement exagéré. Comme possédé par l’esprit du professeur Faurisson, il est convaincu que les camps de concentration ont été reconstitués pour suggérer les vestiges d’une industrie exterminationniste. Et maintient que, hormis de nombreux morts de faim et de typhus, il n’y eut jamais de la part du Reich de volonté de rayer les juifs de la carte, ni en mots ni en actes. Le propos est osé et bien difficile à défendre, a fortiori dans l’univers Fabius-Gayssot. Aussi vous invitons-nous plutôt à sortir la calculette ; l’arithmétique ne tombant pas encore sous le coup de la loi.
La fin de la cancel culture ?
La réintégration de Nick Fuentes sur X a ravivé la flamme chez ses supporters. Attendue de longue date, elle constitue une reconnaissance de leurs idées et pour certains un coup d’arrêt décisif porté à la cancel culture. En effet, l’inviolabilité présumée des cibles engagées fait penser que la réhabilitation du free speech pourrait être absolue et – qui sait ? –, permettre de reprendre certaines discussions interdites. À ce stade, il est toutefois prématuré de tirer une telle conclusion, ne sachant si le retour de Nick s’inscrira dans le temps long ni s’il s’étendra à d’autres plateformes. Qui plus est, il est toujours interdit à Fuentes d’ouvrir un compte en banque, d’utiliser des moyens de paiement en ligne et de voyager sur la plupart des compagnies américaines. Sa complète « désannulation » n’est donc pas pour tout de suite.
L’avis de Léon
Pondération et impartialité sont les deux mamelles auxquelles l’on aime s’abreuver, chez E&R. Aussi, et comme pour Jared Taylor, il ne sera pas fait l’éloge inconditionnel de Nick Fuentes ni de ses discours. Pas plus qu’il ne sera prononcé de sentence irrévocable à l’endroit de l’un ni des autres. Pour autant, il est toujours rassurant de voir des combattants de la liberté parvenir, malgré les obstacles, à remonter à la tribune pour se faire entendre. C’est un testament de l’abnégation que réclame l’activisme sérieux, autant qu’une confirmation du statut de sanctuaire qu’X est en passe d’acquérir sur la toile. Alors, ne serait-ce que par souci d’exhaustivité et devoir d’analyse, nous vous invitons à vérifier si la fiche Wikipédia du personnage est bel et bien méritée.
Nicholas Joseph Fuentes (né le 18 août 1998) est un commentateur politique américain d’extrême droite et un streamer en ligne connu pour ses opinions suprémacistes blanches, misogynes, homophobes, antisémites et islamophobes. Ancien youtubeur, sa chaîne a été définitivement fermée en février 2020 pour violation de la politique de YouTube en matière de discours haineux. Fuentes a promu des théories du complot contre le peuple juif, a nié l’Holocauste et justifie le génocide des juifs. Fuentes s’identifie comme membre du mouvement incel, comme partisan d’un gouvernement autoritaire et comme intégriste catholique et nationaliste chrétien.