L’ancien président américain – et actuel candidat à la succession du sémillant Joe Biden – est ressorti indemne ou presque d’une tentative d’assassinat. Loin d’être le premier homme politique à servir de cible aux balles d’un quidam contrarié, Trump sort malgré tout de l’incident déjà entouré d’une aura différente. Un tournant décisif dans la course à la Maison-Blanche ?
En quête d’un second mandat après la traversée d’une période judiciaire agitée, le 45e président des États-Unis d’Amérique vient de survivre ce 13 juillet à une tentative d’assassinat. Alors qu’il était en déplacement à Butler (Pennsylvanie), le politicien le plus clivant de l’histoire du pays a vu sa présentation PowerPoint interrompue par plusieurs détonations d’armes automatiques ; celles d’un AR 15 d’abord, celles de Winchester Magnum ensuite. Les premières, tirées depuis le toit d’un bâtiment bas, ont valu à Donald une partie de son oreille droite ; les secondes, en contrefeu, ont coûté la vie à son assaillant [1]. Le tireur présumé, Thomas Matthew Crooks, aurait aussi emporté par ses tirs mal ajustés un spectateur placé derrière la scène et blessé deux autres personnes. Passé les paniques immédiates, Trump a néanmoins pu être rapidement exfiltré par son service d’ordre, non sans laisser un dernier souvenir aux historiens et à la postérité. Meeting ajourné.
- Une pose pour la légende
Les faits
Le drame est intervenu dans un contexte de campagne présidentielle agressive, à trois mois et demi du premier tour. Et à ce stade, nul besoin d’être un fervent supporteur de l’homme au brushing d’or pour reconnaître son avance sur Joe Biden. Alors que le candidat démocrate peine à tenir des propos et une posture équilibrés, Trump fait montre d’une vigueur objectivement étonnante pour un colosse (1,90 m et 110 kg) de son âge (78 ans). Après avoir enchaîné les meetings pendant des mois, Donald a surclassé Joe – alias l’octogénaire le plus suspect depuis Pierre Bergé – lors d’un débat public sur CNN en juin dernier [2]. Jamais peut-être Biden n’aura-t-il autant fait sentir à ses fans le poids des ans sur son esprit. Écorchant ses mots et négligeant ses fins de phrase, Joe a offert sa tête sur un plateau à Donald ; qui n’a pas souffert d’honorer la politesse. Une déroute que CNN et MSNBC elles-mêmes, pourtant porte-voix de l’actuel président, ont reconnu avant de courageusement l’abandonner en rase campagne. À l’instar du clan Obama d’ailleurs. On a les amis que l’on mérite.
Les réactions
Les faits divers impliquant Trump bénéficient d’une chambre de résonance qui leur est propre. Le sujet débattu fût-il futile, rien n’excite plus la foule que la perspective d’embouteiller la bande-passante d’un avis tranché sur le personnage. À ce jeu-là, le Washington Post a dégainé le premier, avec sa hauteur de vue habituelle, réduisant la tentative d’assassinat à des bruits forts qui ont fait chuter le candidat républicain [3]. En guerre ouverte avec les médias mainstream et leurs dérives propagandistes, Elon Musk a adopté un positionnement diamétralement opposé, promettant à Trump une pluie de dollars pour ses frais de campagne [4]. En bons faiseurs d’opinions, les artistes ont eux aussi été inspirés par l’événement : le groupe Tenacious D de l’acteur Jack Black a dû annuler sa tournée après s’être risqué sur scène à souhaiter que la prochaine balle destinée à Trump soit la bonne [5], quand le rappeur 50 Cent a préféré dépoussiérer son classique Many Men Wish Death Upon Me (« Beaucoup de gens veulent ma mort ») pour rendre hommage au survivant [6]. Une Amérique toujours divisée en somme.
Les débats
Si l’identité de la cible a fait de l’attaque un événement unique, les débats qu’elle a instamment engendrés sont eux des antiennes bien connues. À peine la poudre était-elle retombée que les pourfendeurs du lobby des armes s’étaient saisis du dossier. Avec un coupable désigné d’office – la NRA (National Rifle Association) –, les ennemis du deuxième amendement de la Constitution américaine ont circonscrit le débat à leur sujet de prédilection et fustigé la trop libre circulation des armes d’assaut dans le pays. Pour d’autres, davantage portés sur des considérations ethno-racialistes, le sujet était moins l’utilisation d’armes de guerre contre un candidat à la présidence que la réapparition du stéréotype, sous le portrait du tireur présumé, du tueur de masse adolescent blanc et binoclard. Le spectre du lonesome wolf (« loup solitaire ») n’a toutefois pas eu le temps d’être vraiment étudié que les membres féminins de la garde rapprochée de Trump avaient déjà accaparé les discussions. Un moment difficile pour les avocats de l’égalité des sexes et autres défenseurs du mirage néo-féministe.
- Écart salarial, le mystère enfin résolu
Les précédents
En dupant la mort de quelques millimètres, Trump marque assurément son époque mais aussi l’histoire du pays qu’il a une fois déjà conquis. La tentative d’assassinat du 13 juillet 2024 inscrit en effet son nom au bas de la longue liste des présidents ou candidats en lice ayant eu à composer avec l’incarnation balistique du désaccord politique. Avant lui, Andrew Jackson (1835), Franklin Roosevelt (1933), Gerald Ford (1975) et Ronald Reagan (1981) ont survécu à des attentats par arme à feu. Pour d’autres, aussi coupables de n’avoir su seoir au goût du tous, l’issue a été moins heureuse. En tout, quatre présidents furent abattus, en fonction ou en campagne ; ce qui doit forcément être un record pour un pays démocratique en temps de paix. Outre les incontournables Abraham Lincoln (1865) et John Fitzgerald Kennedy (1963), ce sont James Garfield (1881) et William McKinley (1901) qui complètent ce quatuor de poissards, que les meilleurs services du monde n’auront pas su à mettre à l’abri. Une déveine partagée malgré lui par Bobby Kennedy, « petit frère de »…
Les conspirations d’alors
Dans le temps, un homme fameux décrivait l’Histoire comme une suite de mensonges sur lesquels on est d’accord. Assurément nanti de cette fibre impériale, les théoriciens du complot n’ont jamais vu dans le récit officiel des événements autre chose qu’une manipulation venant de ceux qui en étaient les responsables et bénéficiaires directs. Pour Bobby Kennedy, il a toujours été raconté que sa mort par balle en 1968 à Los Angeles (Californie) était le fait d’un illuminé palestinien antisioniste, supportant mal l’allégeance de Robert à l’État d’Israel. Une autre thèse moins répandue dans les dîners officiels fait de l’assassin présumé – Sirhan Sirhan– un candidat mandchou reprogrammé version MK pour éliminer l’homme qui s’apprêtait à faire classer l’American Zionist Council comme agent étranger en Amérique. Concernant JFK, la légende officielle de Lee Harvey Oswald dégainant plus vite que les meilleurs tireurs du FBI a fait florès mais accuse aujourd’hui des lacunes si grossières qu’elle n’est plus guère défendue que par nostalgie. Là encore, sans être monomaniaque, une thèse alternative existe…
Les conspirations d’aujourd’hui
La tentative d’assassinat sur Donald Trump a enfanté son lot de théories. À la décharge des sceptiques, il est vrai que s’amoncellent chaque jour des indices troublants, qui mettent à mal la crédibilité du narratif officiel. Selon les autorités, en effet, un gringalet de 20 ans aurait grimpé sur le toit d’un bâtiment donnant sur la scène, à l’aide d’une échelle qu’il aurait lui-même apportée, sans éveiller les soupçons des agents du FBI présents sur place puis sous ses pieds. Il aurait ensuite pu tirer près d’une minute après avoir été repéré par les snipers et signalé par la foule. En citoyen averti, nous nous contenterons de souligner la maigre probabilité d’un tel alignement de variables. Tout au plus hasarderons-nous que le scénario précité rappelle singulièrement le cas d’Adam Lanza à Newton (Connecticut). Ce jeune homme âgé de vingt ans, autiste carencé et agoraphobe, aurait massacré 26 personnes en un temps record avec une adresse au tir que les SWAT (équivalent du RAID) n’osent tutoyer qu’en songe. Une thèse un peu farfelue et pourtant très onéreuse à contredire, Alex Jones ayant été condamné à payer un milliard de dollars aux familles en deuil pour s’y être essayé [7].
- Adam Lanza et Matthew Crooks, tireurs d’élite(s)
Les thèses en vue
Outre le profil du tireur, d’autres aspects de l’affaire font tâche. À l’heure de ces lignes s’écrivent les choses suivantes : le tireur aurait tourné dans une publicité pour le groupe BlackRock il y a quelques années… On aurait retrouvé des engins explosifs dans sa voiture… Un portable sécurisé et un télé-transmetteur auraient également été récupérés sur sa dépouille… Toutefois, les deux volets de l’incident qui stimulent le plus le conspi moyen restent pour l’instant les suivants : la taupe du FBI et le tireur du château d’eau. D’une part, l’analyse vidéo des tirs image par image révèlerait le comportement étrange d’une spectatrice assise directement derrière Trump, ni effrayée ni même étonnée par les tirs… et qui travaillerait au FBI. D’autre part, des images amateurs montreraient une tâche sombre et mobile sur le toit d’un château d’eau voisin, à une portée de plomb du podium. Un recoupage des bandes-son et des trajectoires de tir accréditeraient selon certains l’idée que le suspect abattu ne serait pas le seul à avoir pressé sur la détente en direction de Trump ce jour-là.
Les conséquences
Avant la tentative d’assassinat, Trump dominait déjà les sondages mais était quotidiennement mis en cause pour ses prétendues implications dans divers scandales, dont l’insurrection du 6 janvier au Capitole, la collusion avec la Russie dans les élections de 2016, et le détournement de fonds pour acheter le silence d’une ancienne maîtresse [8]. Mais la dimension nouvelle prise par Donald a complètement éclipsé du débat toute considération de cet ordre ; du moins pour un temps. Les fidèles les plus fervents lui confèrent désormais une aura semi-christique, protégé qu’il fut sur ce podium par une intervention divine de dernière instance. Celui qui a raté le statut de martyr pour quelques millisecondes a en tout cas fait forte impression, dans son propre camp et dans l’autre ; au point – hasard ou lien direct – de faire se retirer Joe Biden de la course au Bureau ovale [9]. Affaibli par un covid et probablement aussi par les images de son rival triomphant sur toutes les chaînes, Joe Biden a donc passé le relais à Kamala Harris, sa vice-présidente, dont la jeunesse sera mise en avant pour contrebalancer les récents tours de force de Trump. On souhaite à Kamala (ou à la marionnette qui sera choisie à sa place) « bonne chance » et à Joe, dont les dossiers accumulés vont commencer à peser, « bon courage ».
- Trump touché, Biden coulé